Don Quichotte entraîne son écuyer Sancho à la recherche des chimères qu'il veut offrir à son aimée Dulcinée. De nouveau dans l'Espagne des années soixante du XXème siècle, la silhouette extravagante de l'hidalgo telle qu'elle avait été créée par Cervantès, accompagné à contre-cœur par Sancho, parcourt le territoire espagnol sans but fixe, et sans victoire, en proie au mépris et aux jets de pierres. Ils se trouvent toutefois dans une Espagne effrayée et vide dans laquelle le peuple ne se livre qu'à des simulations, une lueur de gaieté : San Fermín, les fêtes des maures et des chrétiens, les processions...
La production se déroule de 1955-1973, et le tournage en Espagne, Italie et Mexique se réalise sporadiquement de 1957 à 1976.
En 1986 une quarantaine de minutes de rushes sont présentés par la Cinémathèque française, puis, six ans plus tard, Jésus Franco présente un montage qui est durement critiqué mais qui, depuis l'édition DVD fait référence.
Orson Welles avait l'habitude de l'appeler "Il mio bambino" : son
bébé. Quel qu'il fut, enfant bien aimé ou jouet favori,
Welles ne pouvait jamais arriver à décider qu'il en avait fini
avec lui pour de bon. Aussi tard qu'en juin 1985, quatre mois avant sa mort,
il téléphonait à Mauro Bonanni (son monteur) l'invitant
à Los Angeles pour qu'il puisse encore s'amuser au montage (Audrey
Stainton "Orson Welles' Secret in Sight and sound, automne 1988, p.260)
Don Quichotte s'est métamorphosé avec les ans.
"J'ai commencé par en faire un programme de
télévision d'une demi-heure, j'avais juste assez d'argent pour
le faire ; mais je suis tombé si éperdument amoureux de mon
sujet que je l'ai agrandi au fur et à mesure et que j'ai continué
de le tourner en fonction de mes rentrées d'argent. On peut dire qu'il
a grandi à mesure que je le faisais. Il m'est arrivé plus ou
moins, vous le savez, ce qui est arrivé à Cervantes qui commença
par une nouvelle et finit par écrire Don Quichotte. C'est un sujet
que l'on ne peut plus lâcher une fois qu'on a commencé (Orson
Welles, cahiers du cinéma, 1986, p.48)
Le film est constitué de trois niveaux distincts : l'existence de Don Quichotte et de Sancho Pança comme héros mythologiques ; l'Espagne et le monde contemporain ; Welles et son film par rapport à ces deux autres niveaux. Il y a à la fois, le mythique - "c'est très stylisé, beaucoup plus que tout ce que j'avais fait auparavant ; stylisé au point de vue des cadrages, de l'emploi des objectifs, un reportage improvisé sur le mythe mais également Orson Welles intervenant en tant que tel comme il l'avait fait dans ses programmes de télévision ou dans ses autres essais.
Les héros de Cervantes y apparaissent sous quatre aspects déférents : en tant que figures intemporelles en marche dans un paysage ; les aventures directement reprises directement de Cervantes : la lute contre les moulins à vent, les moutons ; les pèlerins ensorcelés par les magiciens ou la vision de la dame : la sortie de Don quichotte dans le monde contemporain, au-delà de son renoncement et de sa mort chez Cervantes et en tant que figure présente et éternelle : Don quichotte est le chevalier de la lune, ce pourquoi il devait s'y rendre
Youssef Ishaghpour : Orson Welles cinéaste, une caméra visible, tome III, p.822-835.