Après un flirt poussé, Yuka accepte de monter dans l'appartement de Sadao. Sadao drogue Yuka à son insu, l'attache, la fouette, l'insulte et lui raconte la dispute qu'il a eue avec sa femme insoumise et aujourd'hui défunte. Lorsque Yuka se réveille, elle rentre dans une rage folle. Sadao tente d'abord de la raisonner, puis, incapable de résister à ses pulsions sadiques, il reprend ses sévices sur la jeune femme. Mais l'esclave va peu à peu se rebeller et se venger de son persécuteur...
Ce chef d'oeuvre de Koji Wakalmatsu réalisé en 1966 sort en salle en France en 2007 avec une interdiction au moins de dix-huit ans. La censure a considéré que ce film dégradait l'image de la femme. Considération grotesque qui suppose une incapacité consternante à ne pas voir la dimension métaphorique du film et surtout la force de ce personnage féminin qui n'a pas peur, n'est pas à vendre et ne se soumet pas. Au contraire, son parcours est celui d'une prise de conscience de sa soumission passée aux humiliations sociales.
Le scénario de Yoshiaki Otani est tourné en cinq jours. L'image de Hideo Ito comme la lumière de Hajime Isogai sont perpétuellement inventives avec des arrêts sur image, des surimpressions, des images oniriques telle "la grotte aux stalactites". Le cadre morcelle le corps de manière fétichiste tout en gardant l'impression d'emprisonnement dans les plans larges. Cette esthétique sublime, tragique et poétique, exacerbée par le clavecin intemporel et fatidique, contrebalance la noirceur du propos.
L'embryon du titre, c'est l'homme, celui qui souffre de n'être plus le foetus pas encore chassé du paradis, pas encore expulsé du ventre de sa mère, de la grotte aux stalactites comme il l'appelle si joliment.
Il souffre de cette condition absurde d'être né. Le film s'ouvre sur cette lamentation du livre de Job : "Périsse le jour où je suis né. Pourquoi ne suis pas mort dans le ventre de ma mère ? Pourquoi n'ai-je pas expiré au sortir de ses entrailles."
Le film est un huis-clos presque total puisque les flashes back peuvent se passer dans ce même lieu et avec les deux même acteurs ce qui a été justifié par la ressemblance entre Yuka et et l'ancienne épouse de l'homme. L'extérieur, hors la première séquence, n'intervint qu'avec le son de la pluie.
La rage prend l'homme lorsque Yuka se moque de lui. Cette femme, une employée dans un magasin de chaussures où il est son supérieur, est le sosie de son ancienne épouse. Mais elle est plus résistante, plus forte que celle, déjà rebelle à son mari qui avait désobéi pour tomber enceinte
Derrière Yuka et son ancienne épouse, il y a aussi la mère suicidée qui s'est pendue après la guerre. Maman sera le dernier mot prononcé. L'amour se transforme en haine, la tendresse en violence sadique irrationnelle, quand il n'arrive pas à la soumettre. la femme elle prendra conscience que même en s'étant libéré de cette sequestration, elle restera sans doute soumise à la morale japonaise oppressante.
Source : présentation de Lucile Hadzihalilovic sur le DVD ci-dessous.