Lucas, quarante ans, est animateur dans un jardin d'enfants. Très populaire parmi eux il suscite l'élan amoureux de Klara, six ans, qui l'embrasse sur la bouche après avoir mis un cur en plastique dans la poche de sa veste. Comme il refuse son cadeau, Klara nie qu'elle en soit l'auteur et se morfond en attendant ses parents. Un peu par hasard et parce que la directrice passe par là, Klara transforme en haine passagère l'amour qu'elle a pour Lucas et déclare qu'il lui a montré son zizi associant probablement le choc d'une image fugitivement par son frère sur une tablette numérique au choc émotionnel. La directrice ne tarde pas à transformer en vérité la parole de Klara et fait venir un ami apprenti psychologue qui extorque difficilement à Klara un hochement de tête pour confirmer ses premiers dires.
Et alors que la neige commence à tomber et que les lumières de Noël s'illuminent, le mensonge se répand comme un virus invisible. La stupeur et la méfiance se propagent et la petite communauté plonge dans l'hystérie collective, obligeant Lucas à se battre pour sauver sa vie et sa dignité. Le doute continuera à s'installer dans la communauté jusqu'à la fameuse scène de chasse finale.
La chasse traite d'un grand sujet, celui du faux coupable détruit par sa communauté qui l'abandonne, sans générosité ou lucidité au premier soupçon. La mise en image est doucement symbolique : l'innocence des biches et des cerfs, le coté démoniaque d'une enfant trop angélique, l'indifférence de la nature ouatée du Danemark en hiver, l'indifférence la religion qui traite abstraitement d'ouvrir son cur le soir de Noel. Vinterberg en fait hélas un film grossièrement manichéen et assez douteux dans sa misanthropie.
Vinterberg a dépourvu son personnage principal du moindre trouble. Lucas est désespérément normal (même s'il est quitté par sa femme, il a une relation sexuelle réussie avec sa nouvelle petite amie), désespérément gentil (il n'est calomnié que pour avoir éconduit une amoureuse déçue), désespérément non coupable (c'est le frère et son ami qui ont montré fugitivement l'image d'un sexe en érection sur leur tablette numérique à Klara) et agité par nul démon intérieur.
Dès lors toutes les réactions du spectateur sont téléguidées. On a en effet d'un côté quelqu'un que l'on sait non coupable et de l'autre des individus qui se trompent forcement en le croyant coupable. Grethe, la directrice du jardin d'enfants, a obligatoirement tort de croire que les enfants ne mentent jamais ; les commerçants ont obligatoirement tort de se croire dans leur bon droit ; les villageois ont obligatoirement tort de croire à la possible culpabilité de Lucas un an après.
Mads Mikkelsen parvient à incarner ce personnage monolithique en sur jouant l'homme qui reste droit sous l'injustice mais finit quand même par se révolter parce que trop c'est trop. Et la façon dont il reçoit vaillamment les boites de conserve en plein visage et enterre sans sourciller son chien sous la pluie méritait peut-être le prix d'interprétation à Cannes.
Pour ramener du moins provisoirement son ancien ami vers lui, Lucas ne trouve rien de mieux que de le frapper le soir de la messe de Noël. Les hommes prouvent la vérité par leurs poings, soit ! En revanche nulle échappatoire pour les femmes. Grethe ne peut que vomir à l'évocation du sperme et passe allégrement du soupçon à l'affirmation de culpabilité. Elle suscite par sa folie dénonciatrice de nombreux faux témoignages. Le doute n'effleure jamais Agnès. L'ancienne femme de Lucas est laissée hors champs et à l'aboiement vindicatif de la chienne. Nadja, une fois avoir prouvé la normalité de Lucas, ne reviendra dans le champ que comme preuve de cette même normalité sans qu'une grande scène ne lui soit consacrée. En plus d'être misanthrope et simpliste, La chasse ne serait-elle pas un tantinet misogyne ?
Jean-Luc Lacuve le 18/12/2012