Un ouvrier carrier se marie. Quelques temps après il est défiguré par une explosion accidentelle. Pour cacher ses plaies, il est obligé de porter un masque. Sa femme prend un amant. Un jour, ce dernier s'affuble lui-même d'un masque et est surpris par le mari. Au cours de la bataille qui s'ensuit, l'un des deux hommes masqués meurt. La femme aide à se débarrasser du cadavre, mais va découvrir que le meurtrier n'est pas celui qu'elle croyait
M. Gorel dans La revue du Cinéma, 1er juin 1930 déclarait :
"Ce qui me séduit dans ce film, c'est un ferme
désir de gêner. Pour employer une expression aussi ingénue
que définitive (et qui est, je crois, de Zola), le metteur en scène
Vanel dit son fait à la vie. Il le dit grossièrement, sans concession,
brutalement. Aux amateurs de gros plans, du sang. Aux innocents admirateurs
de montage, des lambeaux de viande. Aux friands de carte postale artistique,
toute la cruauté de la vie. Et qu'il y ait aussi dans ce film une fureur
de réunion publique et de barricades, en somme une suite de coups de
poing assez sauvages, toujours vigoureux, dignes d'un débardeur, voilà
qui, pour moi, arrange tout à fait les choses. Car, enfin, le cinéma
n'est que trop souvent dérision, mièvrerie
Pour amadouer
la censure (qui voulait, paraît-il, interdire le film), le producteur
a ajouté une "bonne fin" qui fait croire que toute la sombre
histoire imaginée par M. Vanel n'était qu'un rêve. Mais
le public, j'espère, ne s'y trompera pas."
Si cette analyse peut faire espérer un film naturaliste à la Stroheim ou à la Murnau il n'en est hélas rien. Laction se déroule à Jujurieux en Bugey, près de Lyon et le début constitue un excellent documentaire sur le travail ouvrier. La description du bonheur du couple est ensuite conventionnelle et sans ampleur. La même description par petites touches du désir amoureux frustré de la jeune femme et de son dégoût de son mari s'accorde mal avec la puissance des sentiments qui sont censés être en jeu.
La fin, imposée à Charles Vanel par le producteur, est effectivement ridicule. Version restaurée par la cinémathèque française, présentée à Cannes. Une restauration menée par l’Institut Lumière avec le laboratoire Éclair avec le soutien du CNC. À l’été 1929, on tourne un film à Jujurieux, commune située sur la rive gauche de l’Ain. Cette région est le pays du père du cinéaste qui y fut ouvrier dans une scierie. Charles Vanel, déjà immense comédien, ayant marqué les esprits avec son interprétation âpre dans Pêcheur d’Islande de Jacques de Baroncelli, se lance ici dans la réalisation. Pour lui, « l’auteur unique du film, c’est le metteur en scène : transposer une histoire ou un roman constitue presque l’équivalent d’une mise au monde, d’une naissance. Le métier du cinéma le plus intéressant n’est pas celui d’acteur mais bien celui de réalisateur. » L’acteur-cinéaste signe un film bouleversant. "Un drame d’atmosphère ouvrière" comme il se plaisait à décrire cette histoire qui rendait hommage à son père.
À la sortie du film, la critique fut élogieuse : « Vanel atteint soudain au grand drame. Une folle sincérité s’empare des images. Une convaincante et douloureuse cruauté. Enfin de la puissance. Le metteur en scène Vanel dit son fait à la vie. » (Michel Gorel, La Revue du cinéma, 1er juin 1930). Mais le temps du muet était déjà achevé. Quand le film arrive sur les écrans, le parlant est roi. Très vite retiré de l’affiche, le seul long métrage de Charles Vanel disparaît des mémoires. Enfin presque. Légué à l’Institut Lumière par Charles et Arlette Vanel en 1983, Dans la nuit, enfin restauré, redonne aujourd’hui à voir sa fureur et son réalisme absolus.