Hokkaido, dans le nord du Japon. Fumiko vit un mariage malheureux auprès d’un mari, Shigeru, courtier au chômage, qui n’a aucun goût pour la littérature et se sent méprisé par sa femme. Fumiko bénéficie du soutien indéfectible de sa mère et de l’amour de ses enfants, Noburo et Aiko, qu’elle adore. Un club de poésie est sa principale échappatoire, et lui permet de se rendre en ville. Elle y retrouve Taku Hori, le mari de son amie, Kinuko. Taku Hori est le seul à l'encourager à continuer d'écrire des poèmes aussi vrais et incisifs même s'ils traduisent son malheur actuel alors qu'elle aimerait tant être joyeuse comme au temps de leur jeunesse commune. Il l’encourage aussi à participer au concours de poésie organisé à Tokyo et s'engage à envoyer ses poèmes.
En rentrant tard un soir, Fumiko voit s'enfuir la maîtresse de son mari. Elle demande le divorce mais doit se résoudre à partager la garde de ses enfants. Shigeru obtient la garde de Noburo. Aiko fait une fugue pour retrouver son frère auquel elle est très attachée. Fumiko vit heureusement chez sa mère aimante qui héberge aussi le frère cadet de Fumiko, Yoshio, qui va bientôt se marier avec la douce et aimante Seiko.
Le jour du mariage de son frère, Fumiko, jeune divorcée, se sent déplacée et emmène Aiko se promener. Elle a la douleur de voir Noburo se promener avec son père et sa nouvelle femme. Elle se rend alors chez Taku Hori. Une fois sa fille endormie et Kuniko partie travailler, Fumiko déclare à demi-mot son amour pour Hori. Celui-ci élude et la reconduit au car après lui avoir conseillé de se remarier.
Hori meurt brutalement. Quelque temps plus tard, le recueil de Fumiko est publié. Mais elle est soumise aux douleurs de plus en plus fortes d’un cancer du sein. Elle est hospitalisée. Kinuko vient la voir avec une boîte à musique comme cadeau. Professeure de Noburo, elle veille sur lui. Elle lui fait part des excellentes critiques pour "Perte des seins". Ironique, Fumiko se dite contente d’être exclue du mariage
Son fils vient lui porter un dessin. Dans la chambre, elle découvre un article de journal indiquant que son premier recueil lui est parvenu sur son lit de mort. Son cancer du sein s'étant étendu aux poumons. Indignée par ce qui lui semble être une curiosité morbide, Fumiko refuse que le journaliste de Tokyo Nippon, Akira Ôtsuki, vienne lui rendre visite. Mais celui-ci est déjà en route. Elle fait une fugue de l'hôpital pour voir ses enfants au collège et s’asseoir auprès d'un étang pour écrire des poèmes. Elle est ramenée très fatiguée à l'hôpital.
Akira Ôtsuki demande à la voir dans sa chambre d'hôpital mais elle le fait renvoyer par sa mère. Il promet de revenir le lendemain. Fumiko accepte cette fois mais elle est pleine d'animosité. Il l’incite néanmoins à continuer d'écrire ce qu'elle refuse. Un temps viendra où ils boiront de la bière et fêteront son succès, dit-il.
Un banquet est organisé en l'honneur de Fumiko. Devant la chaise vide de Fumiko à la place d'honneur sont disposés un verre de bière et son recueil de poèmes.
Fumiko est venue prendre un bain chez Kinuko. Celle-ci est soudainement effrayée en voyant la poitrine brulée de Kuniko qui l’incite à voir en face ce qui reste de ses seins. Poussant la provocation, Fumiko lui déclare avoir été amoureuse de son mari. Yoshio et Otsuki viennent leur rendre visite ; et Fumiko déclare qu'elle n’écrira pas tant qu’Atsuki sera là. Elle lui demande de partir. Yoshio accompagne Atsuki à la gare mais Kinuko le rattrape à temps et lui donne un poème de Fumiko, signe qu'elle a écrit durant sa présence. Revenu près d'elle, Atsuki reçoit de Fumiko ses poèmes lui faisant promettre de les jeter après sa mort dans le lac Toya.
Hide, la voisine de chambre de Fumiko, doit partir. Dans la nuit, Fumiko entend des pleurs et voit une patiente décédée qui est accompagnée vers la morgue. Elle s'écroule sur le sol. Atsuki, venu la voir le main, la ramène dans sa chambre. Fumiko est prise d'une crise de toux qu’Atsuki calme en l’enlaçant.
Atsuki est rappelé par son journal à Tokyo le lendemain. Il passe la nuit à la veiller. Elle vient le rejoindre sur sa couche. Au matin, il promet de revenir. Fumiko écrit "Mes enfants, acceptez ma mort. Elle est l'unique chose que votre mère, sans biens, puisse vous laisser"
Elle demande à ce qu'on lui lave les cheveux mais elle meurt avant qu'Atsuki puisse revenir, son télégramme est posé sous son linceul. Les enfants sont appelés pour suivre le cortège jusqu'à la grille de la morgue. Plus tard, avec Atsuki et Aiko qui tient sa poupée, Noburo jette une à une des fleurs dans le lac Toya.
Le titre français, Maternité éternelle, ne rend pas service au film. Il oriente l'intérêt vers l'amour de Fumiko pour ses enfants alors qu'il s'agit surtout pour Tanaka de glorifier la féminité totale de Fumiko, mère aimante certes, mais aussi artiste et surtout amoureuse et désirante, celle qui, en dépit de sa maladie, possède les seins eternels de la féminité. Le titre original du film est ainsi bien plus puissant reprennant celui du récit du journaliste qui l'aima dans ses derniers jours. Il transfigura le titre incisif, provoquant et vrai de Fumiko "Perte des seins" en ce que lui ressenti : "les seins eternels".
Genèse
Hokkaido est une île située à l'extrême Nord du Japon. La ville d'Obihiro y propose un mémorial dédié à Fumiko Nakajo (1922-1954), poètesse locale, devenue une gloire du tanka. Les tankas sont de petits poèmes sans rimes, ancêtres du haïku, et font partie de l'aristocratie de la littérature. Nakajo fut adoubée par Yasunari Kawabata lui-même tant sa virtuosité lui semblait évidente. Fumiko Nakajo est morte très jeune d'un cancer du sein et sa célébrité fut surtout posthume. Avant sa disparition, elle vécu à l'hôpital une histoire d'amour passionnée avec le journaliste Akira Wakatsuki qu’il raconte dans son livre, Les seins éternels (publié en avril 1955) "Lors de la première lecture de ce livre, j'ai eu un choc considérable. L’intuition féminine y est décrite sans fard, avec un dynamisme incroyable et dans une atmosphère très poétique. Je souhaiterais réaliser ce film en mettant toute ma vie", déclarera bientôt Kinuyo Tanaka.
Maternité éternelle est ainsi souvent considéré comme la première œuvre vraiment personnelle de sa réalisatrice, la star étant à l'origine du projet, ce qui n'était pas le cas des deux films précédents.
Le destin d'une poétesse
Fumiko est une vraie poétesse en ce sens qu'elle n'édulcore pas ce qu'elle ressent. Elle dit la vérité des drames qu'elle vit même si elle aurait souhaité être une femme heureuse. Elle vit intensément ce qui vient vers elle; ses enfants, son frère et sa belle-sœur et sa mère attentionnée. Mais elle n’oublie pas les deux amours de sa vie. Celui, empêché, pour Mori, le mari de son amie Kuniko fut certainement le plus fort. Preuve en est la volonté de voir jetés ses poèmes dans le lac Toya après sa mort. Elle de révèle pas à Atsuki, qu'elle aime dans ses derniers moments, que le lac Toya est celui du voyage de noces des Mori que Fumiko aurait tant aimé vivre à la place de son amie. De cet amour passé, elle ne dit rien à Atsuki
Les poèmes de Fumiko : celui de son mari indifférent partant travailler, de son enfant partant pour l’école, d’elle face à l’étang sont très forts. Mais plus acéré encore est celui qu'elle lègue à ses enfants : "Mes enfants, acceptez ma mort. Elle est l'unique chose que votre mère, sans biens, puisse vous laisser"
Les moments le plus forts du film sont aussi tragiques. Fumiko est déçue que Mori l'ai incité à se remarier. Elle se laisse raccompagner au car sous la pluie dans un traveling de deux minutes qui l’accompagne puis la dépasse' : "Tout est bêtises depuis le début ; sur la foi d’une seule rencontre je me suis mariée, déguisée en poupée, sans même savoir ce qu'aimer voulait dire". Moment intense également que celui des pleurs qui la réveille pleine nuit pour suivre dans le couloir tel un fantôme anticipant sa mort, le cortège funéraire jusqu’aux grilles qui se ferment devant elle avec, au-dessus, le panneau « morgue ». Ce mouvement sera répété avec les enfants suivant la civière mortuaire de Fumiko. Mais cette fois l’acceptation de sa mort, selon son poème, et le rite demandé au lac Toya transfigure sa fin tragique.
Source : Pascal-Alex Vincent : Kinuyo Tanaka, réalisatrice de l’âge d’or du cinéma japonais, édité par Carlotta-Films en janvier 2022.