"Je connais tout, hormis moi-même" déclame sous la pluie la jeune lycéenne Chazawa, le recueil de poésies de François Villon à la main. Sumida erre dans les paysages dévastés par le tsunami. Dans le tambour d'une machine à laver, il trouve un revolver abandonné. Il s'en saisit et se tire une balle dans la tête.
Non, ce n'était qu'un rêve. Sumida habite avec sa mère une paillote autour d'un petit lac. Il loue des barques alors que le bar extérieur sert de point de ralliement pour un petit groupe de réfugiés qui vit dans des tentes de fortune. La jeunesse de Sumida réconforte ces joyeux excentriques qui ne manquent pas d'accompagner l'adolescent dès qu'il part faire un jogging. La jeune Chazawa admire alors son camarade de classe.
Le professeur, en classe, attend que ses élèves, comme tout Japonais, se lèvent face au désastre. Leurs ainés ont relevé le japon après la guerre, c'est maintenant à chacun d'eux de prendre courage. "Chaque fleur est unique, ne courbe pas l'échine" répond-il à Sumida, arrivé en retard, qui l'interroge sur ceux qui n'ont pas envie d'être extraordinaire. Chazawa, qui l'a observé de ses yeux énamourés, se lève et crie : "Sumida ! Sumida ! Vive les gens ordinaires". Elle essaie ensuite de capter l'attention de Sumida mais celui-ci la repousse arguant qu'elle lui a fait honte. Dans sa chambre, Chazawa inscrit les propos de Sumida à côté des citations qui l'ont marquée.
Si Sumida tient tant à être ordinaire c'est qu'il subit la violence d'un père alcoolique, qui l'a abandonné mais revient le harceler pour l'inciter à se suicider afin qu'il touche l'argent de son assurance vie.
Réalisant que son rêve ne pourra jamais être exaucé, Sumida devient obsédé par les sanctions qu'il pourrait prendre contre les personnes malfaisantes qui l'entourent....
Sono Sion
adaptait le manga éponyme de Minoru Furuya publié entre 2001
et 2002 dans Young Magazine quand le Tsunami du 11 mars 2011 a bouleversé
son scénario.
La terrible pulsion de mort dont le rêve du revolver est révélateur s'est ainsi retrouvée située au cur des paysages dévastés par le Tsunami, saisis par des travellings accompagnés du Requiem de Mozart. Le combat d'une jeunesse japonaise sacrifiée par les adultes irresponsable du manga devient plus universel. Le combat se doit alors d'être excessif (l'eau, la boue, les couleurs badigeonnées sur le visage, la guillotine peinte en rouge, l'assassinat au parpaing) et les deux adolescents désabusés du manga deviennent les fleurs fragiles d'un espoir poussé sur les décombres laissés par leurs aînés. Si François Villon survit encore aujourd'hui, peut-être eux-mêmes, en se connaissant eux-mêmes, sans leurs parents, trouveront-ils, grimaçants, une nouvelle voie.
Jean-Luc Lacuve le 12/03/2012
BALLADE DES MENUS PROPOS de François Villon
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Je reconnais le pourpoint au collet, Je reconnais un cheval dun mulet, Oui, Prince, je reconnais tout en somme, |