Dans un garde-meuble, c’est par hasard que John Maloof mit la main sur les photos de Vivian Maier en 2007. Depuis, il ne cesse de chercher à mettre en lumière son travail. Il commence par numériser ses photographies et à défaut d'intéresser les musées les publie sur un blog conçu à cet effet. Le succès est immédiat mais les institutions rechignent.
En avril 2009, John Maloof découvre dans un carton une enveloppe d’un laboratoire de photo portant le nom de Vivian Maier écrit au crayon. Il tape le nom de Vivian Maier sur le moteur de recherche Google et apprend par un avis de décès paru quelques jours plus tôt dans le Chicago Tribune qu'elle est décédée à l’âge de 83 ans.
John Maloof retrouve dans un garde-meubles les affaires de Vivian Maier et découvre sa passion pour entasser les souvenirs de toutes sortes. Il décide de partir à la recherche de qui fut cette mystérieuse Vivian Maier. Il réunit ceux qui l'on connue et furent des enfants quelle garda. Vivian Maier était inséparable de son Rolleiflex et prit tout au long de son existence plus de 100 000 photographies sans jamais les montrer. Pour être libre d’exercer son art quand elle le voulait, Vivian Maier fut une garde d'enfants excentrique toute sa vie. Les témoignages se contredisent : était-elle d'origine française comme l'elle prétendait ou imitait-elle juste l'accent comme el prétend un linguiste ? Etait-elle gentille avec les enfants ou totalement indifférente à leur sort et même cruelle ?
Elle se considérait comme une espionne se faisant appeler "V. Smith". Sous l'ironie, la déclaration de Maier dévoile son but d'artiste : espionner, voir sans être vue, capter l'essentiel et repartir sans laisser de trace. John Maloof retrouve les traces d'un voyage qu'elle fit dans la vallée du Champsaur dans les Alpes françaises. Elle était venue pour liquider l'héritage de la maison et effectuer un long voyage.
Les frères Gensburg, que Vivian Maier a élevés de 1956 à 1972 se sont occupés d'elle dans les dernières années de sa vie. Ils rependront ses cendres dans le jardin qu'elle aimait tant.
Aujourd'hui exposée à la Howard Greenberg Gallery de New York Elle correspond en tout cas à l’archétype de l’artiste maudit qui meurt dans l’anonymat et la pauvreté, avant d’être redécouverte de manière posthume.
Le film est tout à la fois un portrait de John Maloof qui a produit et coécrit le film, de Vivian Maier avec une vaie interrogation sur son côté obscur et un hommage à ses photographies.
Vivian Maier sait saisir l'humanité, l'espièglerie tout autant que le destin tragique, des plus fragiles : noirs, vieux, pauvres et sans abris dans un cadrage géométrique de la ville de Chicago ou parfois de New York ou d'intérieurs. L'angle de prise de vue est souvent en contre-plongée du fait de son appareil photographique qui produit aussi un format carré. Saisie de l'instant décisif où Vivian cherche le regard qui va la regarder droit dans les yeux et qu'elle provoque peut-être.
John Maloof tente de mettre en évidence des séries : autoportraits, photos de rues, voyages, poubelles, rues mal famées, dames élégantes, enfants des rues. Ce sont ses photographies des années 60 qui sont mises ne valeur. Sont aussi évoqués son enquête morbide en vidéo sur une jeune femme assassinée où elle suit la famille jusqu'à la cérémonie du funérarium et reportage sonore sur le Watergate.
Son évoqué ses modèles possibles : Lisbeth Model et Diane Arbus. La première était une amie de Jeanne Bernard que connut Vivian pour être l'amie de sa mère et qui est peut-être à l'origine de sa passion pour la photographie. Mais Lisbeth n'avait pas de vocation sociale. Les photos de Diane Arbus sont aussi assez différentes des siennes. Celle-ci faisait poser ses modèles en affirmant que le modèle fait partie de la photo et aimait les séries de "freaks".
Jean-Luc Lacuve, le 24/05/2016