Riche play-boy jouisseur et cynique, Bob Merrick, victime d'un accident en hors-bord dû à son imprudence, a été ramené à la vie grâce à un inhalateur emprunté au docteur Wayne Phillips. Mais il a involontairement causé la mort de ce dernier, terrassé par un malaise cardiaque et qui conservait toujours son inhalateur avec lui.
Se sentant coupable, Merrick tente de se racheter en proposant un chèque de 2 500 dollars à Helen, la veuve du médecin disparu dont l'hôpital doit faire face à de graves échéances. Mais Helen qui n'éprouve que mépris et ressentiment pour Bob refuse son offre. Ce qui n'empêche pas ce dernier de tomber éperdument amoureux d'elle et de la poursuivre de ses assiduités. En tentant de lui échapper la jeune femme est grièvement blessée; elle perd la vue.
Merrick rencontre alors un ami du docteur Phillips, Edward Randolph, qui l'initie à l'idéal altruiste sur lequel le médecin disparu avait basé sa vie. Merrick se fait connaître d'Helen sous le nom de Robinson et devient son intime. Au cours de ses fréquentes visites, son amour ne fait que croître tandis qu'Helen finit à son tour par l'aimer et par se rendre compte de sa véritable identité. Pour l'aider à recouvrer la vue, Merrick dépense sans compter mais, le jour où il lui demande sa main, Helen disparaît. Désormais ardent philanthrope, Merrick reprend ses études de médecine jadis interrompues. Quelques années plus tard, devenu chirurgien réputé, il est appelé au chevet d'Helen mourante. Grâce à son intervention, la jeune femme retrouvera la vue et la santé et, auprès de lui, connaîtra à nouveau le bonheur.
C'est Ross Hunter, le producteur du studio Universal auquel appartient les droits du scénario qui décide de faire un remake du beau mélodrame, Le secret magnifique, signé en 1935 par John M. Stahl et qui fut un très grand succès populaire. Le film ne comporte qu'un contexte économique abstrait et aucune dimension raciale comme le seront plus tard Ecrit sur du vent, La ronde de l'aube ou Mirage de la vie.
Sirk n'a non seulement pas choisit le sujet, mais il ne dispose d'aucune liberté pour modifier le scénario. Le studio veut lancer Rock Hudson avec Jane Wyman qui est alors déjà une star. Le film obtiendra un succès populaire mais personne ne verra à l'époque un auteur chez Sirk.
Pur cinéaste du regard, de la mise en scène et de l'intensification d'un monde qui devient plus fort que la vie, Sirk parvient pourtant à s'attacher à cette simple histoire sentimentale qui, grâce à son talent, devient bouleversante.
Le scénario est tiré d'un roman écrit par un pasteur protestant qui a renoncé à faire des sermons pour écrire un roman dont le propos reste sulpicien : il faire attention aux autres, se dépasser soi-même, lutter pour transcender sa médiocrité et devenir un type formidable.
Sirk n'introduit pas de second degré. Edward Randolph, qui encourage Bob dans l'idéal altruiste, c'est Dieu dans les nuages en train d'observer les pauvres humains. Du moins est-ce le sens de la séquence où il domine la salle d'opération, derrière une coupole transparente.
L'obsession magnifique qu'il propose c'est de faire le bien sans que personne ne le voie, en secret. Et tout le film tourne autour de l'aveuglement. Bob Merrick s'aveugle dans ses artifices de séducteur et Helen ne voit pas la sincérité de son amour. Pour tous les deux, il s'agira d'ouvrir les yeux sur une morale plus vaste que ce qu'elle était auparavant. De même, la fille de Phillips, dans une séquence bouleversante, découvre la sincérité de l'amour qui unit Helen et Bob Merrick.
Pour Philippe Le Guay, Sirk reprend le même propos que celui de Diderot dans sa Lettre aux aveugles à l'usage de ceux qui voient : c'est dans le spectacle du monde que l'on peut atteindre à la compassion. Les aveugles ne peuvent pas se rendre compte qu'autour d'eux il y a la misère et la faim parce qu'ils n'ont pas la clé sensible du monde. Ceux qui voient peuvent être touchés par ceux qui souffrent.
Sirk nous rend sensible à la beauté du spectacle du monde par l'intensification du réel. Il rend les couleurs plus vives qu'elles ne le sont avec une obsession du détail comme celui du parasol jaune quand Helen comprend que son mari vient de mourir. Les couleurs nous réconcilient avec le monde, nous donnent envie de faire partie du monde. "Je ne savais pas que le monde pouvait être aussi beau" dit ainsi Helen. La beauté du cinéma de Sirk c'est cet écho entre la plastique et la morale.
Editeur : Carlotta Films. Novembre 2007. Format : 1.37. VO VOSTF & VF mono (1h43). |
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Suppléments : Éclats du mélodrame : À travers le miroir (32 mn) Jean-Loup Bourget, revient sur la forme tragique des oeuvres de Douglas Sirk, sur la politique des studios dans les années 50 et sur la création du mythe Rock Hudson. Le Secret magnifique par Philippe Le Guay (9 mn). Le secret magnifique (1935 – N&B – 97 mn – VOSTF). La première version réalisée par John M. Stahl. |