La secrétaire
Steven Shainberg
2002
Genre :Comédie sentimentale

Avec : Maggie Gyllenhall (Lee Holloway ), James Spader (E. Edward Grey) 1h44.

La secrétaire se présente d'emblée comme un film très stylisé. Lee Holloway accomplit un cérémonial de secrétaire soumise dans un bureau évoquant plus un salon bourgeois qu'une salle d'attente d'avocat.

Le retour en arrière racontant, six mois plus tôt, la sortie de l'hôpital de la jeune fille infuse néanmoins très vite des connotations vraisemblables qui attachent aux personnages. Lee sort de l'hôpital pour assister au mariage de sa sœur, américaine moyenne plus niaise que jolie. Son père est alcoolique et a bien du mal à assumer sa position sociale. Il ne tardera pas à être viré de son boulot et se contraindra à une cure de désintoxication. La mère rendue hystérique fait face du mieux qu'elle peut à la pulsion masochiste de sa fille. L'internement de celle-ci résulte en effet d'une mutilation plus maladroite et donc plus visible que celles qu'elle s'inflige depuis de longues années. La mère cadenasse les tiroirs à couteaux de la maison …et elle a raison : Lee voudrait jeter son nécessaire à torture dans la poubelle mais sent qu'elle souffrirait trop et se ravise. Bonne pioche : dans la poubelle, elle trouve aussi un journal de petites annonces. Elle renonce bien vite à une offre d'emploi de direction et entoure une annonce de secrétaire.

La rencontre avec son employeur, l'avocat, Mr Grey, replonge immédiatement le film dans l'univers de la stylisation. Croisant l'ancienne secrétaire sur le départ, Lee rencontre en effet un bien étrange Mr Gray, homme coincé, dont on peine à croire qu'il puisse accomplir une activité sérieuse et rémunératrice. Après avoir rangé la photo d'une jeune femme blonde dans un tiroir, il pose d'étranges questions à sa future secrétaire cherchant à savoir si elle est enceinte, habite chez ses parents, la décourageant d'accepter un travail routinier pour agréer finalement sa candidature tout en déclenchant le système d'arrosage de ses orchidées. Le retour à la réalité passe, pour Lee par la préparation burlesque d'un café, la bonbonne d'eau étant vide. Les jours suivants, Lee vient travailler sous la conduite de sa mère. Mr Gray vérifie la soumission de sa secrétaire en lui faisant fouiller le container à poubelle et ne tarde pas à découvrir ses penchants pour l'automutilation. Il en comprend la raison et expédie l'explication psychanalytique en deux phrases : Lee matérialise sa douleur face à l'angoisse du monde en s'automutilant. Elle voit ainsi la douleur sortir d'elle puis disparaître au fur et à mesure de la cicatrisation de la plaie.

Mais ce qu'on pourrait dire être la "parole pleine" du psychiatre serait bien dérisoire pour guérir Lee. Mr Gray ne tarde pas à lui proposer une véritable révélation de sa personnalité au travers des mises en scènes à la fois très chics, conceptuelles et sexy. Lee s'habille mieux, s'affirme face à sa famille, ne traîne plus la jambe, cesse de renifler et, dans un plan magnifique, jette définitivement sa trousse à torture à l'eau.

La secrétaire devient alors ce que promet la seule phrase vraie de sa bande annonce racoleuse (pour ne rien dire de l'affiche !) l'histoire de deux personnes qui se sont rencontrées. La façon obstinée dont Lee parvient à convaincre Mr Gray de la force de leur relation vient tout naturellement par contraste avec la vie banale que l'on veut lui faire vivre. Les dernières scènes où tout son entourage vient la féliciter de son obstination masochiste à rester collée à son bureau sont les seules scènes oniriques du film. Comme si la société était bien incapable de la moindre fantaisie et surtout d'une recherche authentique du plaisir de chacun. On admirera au contraire le soin quasi avant-gardiste de Mr Gray dans ses mises-en-scènes. Ainsi les installations de lettres sous verre où les fautes sont soulignées de rouge disposées comme des pots de fleurs pourraient sans peine trouver leur place dans un musée.

Profondément optimiste, le film préserve une croyance en l'exploration de nouvelles voies amoureuses même au sein du mariage. Encore faut-il y croire comme Lee qui, obstinément, regarde longuement la caméra en guise de plan final.

 

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