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Dans la cour

2014

Avec : Catherine Deneuve (Mathilde), Gustave Kervern (Antoine), Féodor Atkine (Serge), Pio Marmai (Stéphane), Michèle Moretti (Colette), Nicolas Bouchaud (M. Maillard), Oleg Kupchik (Lev), Garance Clavel (L'ex d'Antoine), Carole Franck (Femme agence intérim), Olivier Charasson (Le spécialiste). 1h37.

Antoine est musicien. A quarante ans, il décide brusquement de mettre fin à sa carrière. Après quelques jours d'errance, et le secours d'une employée de l'agence d'intérim aussi stressée qu'il est amorphe, il se fait embaucher comme gardien d'immeuble par Mathilde, qui dirige la copropriété avec son mari, Serge.

Jeune retraitée, Mathilde s'occupe comme elle peut d'une association qui vient en aide aux personnes solitaires. Mais cette occupation accentue encore son angoisse et elle passe ses nuits à surveiller une inquiétante fissure sur le mur de son salon.

De son côté, Antoine se plait dans son activité de concierge dont le travail mécanique et paisible lui permet de s'adonner à la drogue et l'absorption de multiples bières. Il rencontre M. Maillard qui s'inquiète des vélos que Stéphane, un autre locataire, entrepose dans la cour et d'un bruit suspect dans la remise. Dans celle-ci, Antoine découvre Lev, un émigré venu de l'Est qui a trouvé refuge là avec son chien. Lev se montre tout à la fois inquiétant et persuasif.  Antoine, non seulement permet à Lev de rester quelques temps mais, trop gentil, distribue ses prospectus pour une secte mystique. Antoine rencontre ensuite Stéphane, le locataire aux vélos, ancien champion de football déchu depuis une blessure à la jambe, avec lequel il sympathise immédiatement et partage de la drogue.

Peu à peu, l'angoisse de Mathilde grandit pour se transformer en panique. Elle décolle la tapisserie qu'Antoine avait posée sur la fissure à la demande de son mari. Antoine se prend d'amitié pour cette femme et lui propose de quoi recoller la tapisserie et, plus sûrement, de voir un spécialiste de l'urbanisme. Celui-ci se montre très rassurant. Cependant, l'exposé d'un cas d'école catastrophique porte Mathilde au bord de la folie. Elle pose alors des affichettes dans la rue mettant en garde contre l'effondrement de l'immeuble. Antoine tente de la calmer mais finit par participer au collage des affichettes et Mathilde rencontre alors Collette, une autre névrosée. Dans l'appartement, Serge, le mari, se désespère d'entendre les messages moqueurs, grossiers ou illuminés sur le répondeur familial.

 Mathilde organise une réunion de copropriété où elle a convoqué un entrepreneur s'apprêtant à faire n'importe quelle opération de comblement pour un montant astronomique. Colette s'embrouille dans les diapos, par ailleurs bien trop catastrophistes ; les copropriétaires fuient au plus vite.

Antoine et Stéphane passent de plus en plus de temps à se droguer ce qui rend parfois "un peu" malade le gardien. Lev laisse son chien chez lui. Il dévore la maquette de M. Maillard que, dans une prise de cocaïne, ils essaient de réparer.

Antoine récupère Mathilde chez lui pendant quelques jours car elle craint que son mari ne la fasse interner. Il tente de la sortir et la ramène dans son ancienne demeure familiale où elle explose de colère vis a vis des nouveaux, charmants et jeunes propriétaires qui ont fait des modifications.

Antoine aperçoit un matin son ex-compagne venue lui demander de rentrer mais pour laquelle il n'éprouve toujours plus rien. Mathilde est bientôt dans un état catatonique et Antoine pense qu'elle doit retourner auprès de son mari. Il est pris à parti par Lev qui lui en veut de ne plus pouvoir l'aider et dont il a insulté le gourou. Fatigué, Antoine demande à Stéphane une dose de drogue. Mathilde se réveille pour le voir s'écrouler d'une overdose. Elle appelle le SAMU mais il est trop tard et Antoine meurt.

Plus tard, Mathilde dira être revenue de sa dépression en sachant qu'il faut de nouveau se confronter aux gens. C'est le dernier message que lui avait transmis Antoine. Elle arrose les rosiers qu'il avait volés, dorénavant magnifiques, et philosophe sur la preuve d'amour que peut être "le mensonge pour notre bien" de gens qui nous aiment.

Avec Bruno Podalydès et Emmanuel Mouret, Pierre Salvadori est l'un des principaux réalisateurs français à remettre sans cesse la comédie sur le métier pour ausculter les petites misères de personnages qui semblent bien intégrés socialement mais qui pourraient se retrouver exclus d'un monde dans lequel ils souffrent.

Dans la cour semble reprendre  la vieille recette du duo improbable, ici un musicien neurasthénique et une bourgeoise à la retraite. L'un, Antoine, viendra à la demande du mari visiter l'appartement de l'une pour répare les lézardes du mur (clin d'œil malicieux à la Catherine Deneuve psychotique de Répulsion). L'autre, Mathilde, viendra chez lui lorsque son mari menacera de la faire interner. Autour d'eux, dans la cour, se rencontrent les habitants de l'immeubles, légitimes, M. Maillard et Stéphane ou illégitimes, l'inquiétant et illuminé Lev venu de l'Est. Dans la cour aura aussi lieu la séance catastrophe de diapositives qui éloignera le monde autour d'eux.

Cette cour est ainsi la métaphore évidente des rencontres avec les autres, bénéfiques ou non, heureuses ou malheureuses. L'ultime tentative d'Antoine de sortir Mathilde de son angoisse pour l'amener sur les traces de son enfance s'avère naturellement un échec car elle ne supporte pas les changements intervenus. Elle refuse de passer la main sur ce qui fut autrefois son domaine et trouve négatifs tous ce que les jeunes propriétaires ont décidés. Ce refuge inadéquat dans l'enfance trouve une forme d'image inversée dans la mort d'Antoine.

En contrepoids de cette tension toujours très vive chez Salvadori entre les forces de morts et de vie, se déploient tous les excellents gags du film : la poire lancée de façon impulsive sur l'épaule d'Antoine par Mathilde agacée par ce gros nounours qui joue avec un jet d'eau ; le voisin qui aboie en pleine nuit car il a cru entendre le chien d'un squatteur dans la cour et prétend ainsi le faire sortir de sa tanière mais se trouve bien penaud de l'avouer le lendemain ; ou encore Serge écoutant, consterné, les messages sur le répondeur suite aux affiches collées par sa femme.

Jean-Luc Lacuve, le 01/05/2014.

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