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La chienne

1931

Avec : Michel Simon (Maurice Legrand), Janie Marèze (Lulu Pelletier), Georges Flament (André Jauguin, dit Dédé) Magdelaine Berubet (Mme Adèle Legrand), Gaillard (L'adjudant Alexis Godard). 1h40.

M. Legrand, caissier à la bonneterie Henriot, est un homme respectable, marié à une veuve de guerre acariâtre. Il a un violon d'Ingres : la peinture. Il fait la connaissance d'une fille, Lulu, qu'exploite un odieux souteneur, Dédé. Il l'installe en meublé et, pour l'entretenir, vole dans la caisse. Il est renvoyé. Cependant, Dédé persuade Lulu d'exposer les toiles de Legrand en se les attribuant : grâce à une habile manœuvre publicitaire, elles se vendent bien. D'autre part, le premier mari de Mme Legrand, que l'on croyait mort sur le champ de bataille, reparaît : trop heureux, Legrand lui cède la place et court rejoindre Lulu. Il la trouve dans les bras de Dédé. Bouleversé, il revient le lendemain et, comme elle le nargue, il la tue sauvagement. Mais c'est Dédé qui sera accusé du meurtre et exécuté. Legrand, après avoir remâché son remords, devient clochard.

Jean Renoir qui excelle à peindre les minorités d'exception, sacrifiant leur confort au bénéfice de leur liberté, s'est attaché pour une fois à montrer un Français tout ce qu'il y a de plus moyen, caissier dans une banque et, de surcroît, titulaire de la médaille des fidèles employés. 

Dans cette existence morne et exemplaire, une seule possibilité d'évasion : la peinture. Lorsqu'il rencontrera l'aventure avec Lulu se sera plus le modèle idéal que la partenaire qui le séduira, et le petit appartement loué avec l'argent volé, abritera tout à la fois ses amours coupables et les chères toiles tant méprisées par l'épouse. 

Artiste sans le savoir et assassin sans le vouloir, il suivra l'exemple du premier mari de sa femme et deviendra clochard ; tant il est vrai que l'indépendance d'un gentil coquin est préférable aux servitudes d'un honnête homme (1).

 

Premier film parlant de Renoir, La chienne est aussi son premier grand film. Quand  beaucoup de cinéastes sacrifient alors les mouvements de caméra, lourd et parfois bruyants, à la prise de son (la piste sonore du film a été restaurée en 1997), Renoir fait preuve d'une extrême virtuosité. On notera ainsi, dans l'épilogue, le panoramique qui permet de découvrir l'autoportrait de Legrand emmené dans la voiture alors que celui-ci, clochard, contemple la galerie impressionniste.  De même, le plan final est un travelling arrière qui saisie Legrand et l'adjudant se réjouissant du pourboire et s'en allant le dépenser pendant que la caméra semble les cadrer depuis une fenêtre qui se transforme en une scène de théâtre sur laquelle tombe le rideau. Ce plan final fait écho au plan initial, également amorcé par une présentation de guignol puis par une première scène vue à travers un passe-plats. 

Renoir teinte encore ici son anarchisme d'un naturalisme assez visible. Il s'orientera ensuite plus nettement vers des annotations réalistes notamment  avec Boudu sauvé des eaux  dont La chienne partage la thématique.

 

Source : (1) Claude de Givray (André Bazin : Jean Renoir, éd. Champ Libre, 1971.)

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