1843, Marx est hanté par un cauchemar : des familles de pauvres paysans ramassent du bois dans la forêt. Pour cela, elles sont pourchassées et tuées des milices armées à cheval. Journaliste, Marx vient d'écrire un texte sur les crimes que génère, dans l'aristocratie allemande, l'impossibilité de discerner ce qui est du vol du simple ramassage inoffensif. Les pauvres, ainsi punis, ne pourront que se révolter.
L'effet du texte est sans appel, la Gazette Rhénane de Cologne, journal d’opposition dont Marx est le rédacteur en chef, est interdite. Les quelques journalistes présents et Arnold Ruge son commendataire s'en désolent, mais Marx qi contrôle mal son envie d'en découdre, se laisse bien volontiers mettre en prison pour quelques jours. Arnold Ruge lui propose de venir travailler pour lui à Paris où il souhaite lancer eu revue plus libérale les “Annales franco-allemandes”.
Friedrich Engels est le fils révolté d’un riche industriel Allemand qui l'a fait venir à Manchester où il est propriétaire d'une usine textile, afin de lui servir de fondé de pouvoir. Friedrich supporte mal de voir maltraitées les ouvrières et suit Mary Burns qui vient d'être jetée dehors. Il veut obtenir d'elle, et de ses amis prolétaires irlandais, une description de leur vie sociale pour un livre qu'il a en projet. Mal accueilli, il est frappé et soigné par Mary dont il tombe amoureux.
1844. Marx, 26 ans, a épousé Jenny Von Westphalen, une riche aristocrate de Trêves en dépit de l'opposition de sa famille. Le couple est à Paris avec un bébé et leur jeune servante, Lenchen, qu'ils ont bien du mal à payer. Marx, assiste aux meetings de Pierre Proudhon avec qui il aime entretenir des controverses et s'accommode de la présence de Bakounine, l'anarchiste. Marx, dont les finances sont au plus bas, veut obtenir plus d'argent d'Arnold Ruge pour ses articles. Chez lui il rencontre Friedrich Engels qu'il méprise en souvenir d'une conversation à Berlin où il lui avait paru présomptueux. Engels se révèle néanmoins un fin connaisseur de son œuvre et son plus grand admirateur. Marx concède qu'il a lu son remarquable ouvrage, “La situation de la classe laborieuse en Angleterre”. Intelligents, audacieux et téméraires, ces jeunes gens, entre parties d'échecs endiablées, nuits d'ivresse et débats passionnés, rédigent fiévreusement, La sainte famille puis Misère de la philosophie en réponse à Proudhon dont ils ont reçu le sentimental essai, Philosophie de la misère.
1846 Marx est chassé de Paris pour avoir rédigé un brûlot contre le roi de Prusse. Les Marx et Engels vivent à Bruxelles.
1847 Marx et Engels rédigent le “Manifeste du Parti communiste”, le “catéchisme” des révoltes ouvrières en Europe. Ils en lisent les premiers textes à la Ligue des Justes à Londres, qui deviendra, sous leur impulsion, la Ligue des Communistes. Ils vont prendre une place prépondérante dans la direction de cette organisation clandestine.
Un carton indique que La révolution de 1848 éclate en février en France; que divers mouvements révolutionnaires vont éclater entre 1848 et 1849. C'est “Printemps des peuples” dans plusieurs pays d’Europe. En Italie, en janvier, des révoltes touchent la Sicile, la Toscane, les États pontificaux, Naples et Milan. En Allemagne, la “Révolution de mars” voit un ensemble de révolutions éclater entre mars 1848 et la fin de l’été 1849 à Berlin, en Prusse et dans toute la Confédération germanique, en Autriche et dans les provinces sous domination autrichienne. Des soulèvements ont également lieu en Hongrie, en Serbie, en Transylvanie, en Pologne…
Décors de studio, focalisation sur la vie sentimentale, succession de scénettes illustratives de la vie de Marx ; Le jeune Karl Marx est un biopic académique. Il a néanmoins le mérite de dépoussiérer une figure devenue trop lourde à porter sous le poids des dictatures successives qui ont réclamé son héritage. Il est ainsi bienvenu de centrer le récit sur les années de jeunesse. Marx y apparait comme l'héritier de la philosophie allemande ; sa rencontre avec Engels qui l'incite à lire les classiques (Smith, Ricardo) lui fournit une connaissance pratique de la classe prolétaire; et la France lui permet de faire ses armes politiques.
C'est en effet un changement radical qui intervient à Paris. Marx a alors soudainement conscience que "les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, alors que le but est de le changer". Profitant de la remarque de Jenny comme qui, même à trois, ils ne soulèveront pas le monde, Marx et Engels décident d'infiltrer la ligue des justes pour la transformer en Ligue des Communistes. Celle-ci devient une organisation internationale forte de représentants dans plus de trente pays qui va leur permette de diffuser leurs idées résumées dans leur catéchisme, par ailleurs fort bien écrit, Le manifeste du parti communisme.
Les thèses économiques de Marx sont effleurées. Le travail des prolétaires est une marchandise qui donne lieu à un échange inégal. Les prolétaires sont obligés de la vendre alors que les bourgeois laisse le marché en fixer le prix, très bas vu la masse de chômage et l'emploi des femmes et des enfants. Ce n'est que lorsque les ouvriers ne seront plus obligés de vendre leur travail au capital qu'il pourra subsister des classes différentes mais sans antagonisme. Mais, tant que l'inégalité dure, c'est la lutte des classes. Il est inutile de croire comme Wilhelm Weitling que les patrons, gagnés aux valeurs du christianisme relèveront le prix du travail ou comme Proudhon qu'il peut être augmenté par les grèves. C'est le system capitaliste qui est à renverser. Il est aussi brièvement fait état de la nécessité de l'impérialisme pour contrer la baisse tendancielle du taux de profit
Ce n'est toutefois pas le propos central du film qui s'inspire moins du capital que des Lettres d’amour et de combat de Jenny et Karl Marx (édition Rivages-Poche). L'héritage de Marx, Raoul Peck le trouve dans les extraits du générique final; mai 68 ou la révolte de Lumumba..
Jean-Luc Lacuve, le 19 octobre 2017
la “Ligue des justes”(Bund der Gerechten) est un groupe socialiste foncée dix ans auparavant sur l’initiative d’un compagnon tailleur allemand, Wilhelm Weitling, partisan d’une “révolution sociale qui priverait les riches des moyens de s’enrichir aux dépens des pauvres.” la Ligue des Justes s’implante progressivement en France puis en Allemagne avant d’essaimer dansplusieurs autres pays d’Europe et du monde. En 1839,elle s’engage aux côtés de la “Société des saisons”, association républicaine créée par Auguste Blanqui, dans sa lutte contre la Monarchie de juillet. L’échec de cette rébellion la conduit à installer son siège à Londres. C’est sous l’influence de Marx et Engels, en 1847, que la Ligue des Justes sera rebaptisée Ligue des Communistes (Bund der Kommunisten), devenant la première organisation internationale “marxiste”, forte de représentants dans plus de trente pays. (la Ligue des communistes serafinalement dissoute en 1852 sur proposition de Marx, pour laquelle elle ne constitua, entre 1847 et 1852 qu’un “épisode dans l’histoire du Parti.”