(1) Fin du VIIIe siècle en Orient. Sur le marché aux esclaves, la fascinante Zumurrud est mise à prix. Un vieux marchand en offre jusqu'à 1 000 dinars mais le maître de la belle esclave noire lui a permis de choisir à qui elle serait vendue et elle se moque de la virilité probablement défaillante de ces vieux riches. Zumurrud choisit pour maître le jeune Nur-Ed-Din pour sa bonté et sa beauté. Elle lui offre elle-même une bourse pour payer les 1000 dinars au vendeur et louer une maison dans le quartier des charpentiers. Ils passent ensemble une nuit d'amour heureuse et passionnelle.
Le jour est revenu et Zumurrud a brodé une précieuse étoffe à vendre au marché pour deux cents dinars, sous condition que son maître ne la cède pas à un homme aux yeux clairs. Nur-Ed-Din le promet, mais quand il voit arriver l'homme mentionné par Zumurrud qui lui offre mille dinars, il n'hésite pas et la lui remet. L'homme, Barsum, suit Nur-Ed-Din jusqu'à sa maison et lui demande à manger. Nur-Ed-Din va le lui apporter quand Zumurrud lui propose de lui raconter une histoire du grand livre qu'elle lit
(2) Le roi Haroun El-Rachid aperçoit dans une oasis, Zeudi, une belle femme faisant sa toilette. Il demande aux poètes de sa cour de raconter une histoire qui commence ainsi "Mes yeux l'aperçurent, hélas pour mon malheur, et je fus pris d'une angoisse immense de l'abandonner". (3) Le vieux poète, Sium, reprend la vision du roi puis raconte comment il convainquit trois jeunes garçons de passer du temps sous sa tente en leur offrants mets et boisson.
(2) Haroun El-Rachid reprend sa route et croise un jeune et beau garçon qui ne veut pas se marier, craignant d'aliéner sa liberté. De son côté, la reine, Berhame, rencontre Giana, 15 ans, persuadée que c'est la plus belle des adolescentes. Pour départager les protégés du roi et de la reine en matière de beauté, la reine propose une sorte d'épreuve. Ils leur font boire des narcotiques qui les réveilleront tour à tour, seuls sous la même tente. Comme c'est toujours le moins beau qui s'éprend du plus beau, l'adolescent qui sera délaissé sera le moins beau. Le roi approuve sa femme de départager ainsi les deux adolescents : "laissons donc parler l'amour". L'adolescent se réveille le premier et, admirant Giana endormie, lui fait l'amour dans son sommeil. La reine triomphe mais, quand elle réveille Giana, celle-ci est aussi admirative de l'adolescent endormi et lui fait l'amour dans son sommeil. Haroun El-Rachid et Berhame concluent que les jeunes sont deux âmes jumelles, faites l'une pour l'autre, "deux pleines lunes dans le même ciel"
(1) L'histoire étant finie, Nur-Ed-Din va porter à manger à Barsum. Celui-ci dispose une sauce sur la partie de légume qu'il partage avec Nur-Ed-Din. La sauce contient un puissant narcotique qui endort Nur-Ed-Din. Barsum, qui avait été commissionné pour cela par le riche marchand du marché des esclaves, enlève Zumurrud dans une malle. Il la porte chez le marchand dont Zumurrud avait moqué la virilité défaillante et qui se venge en la frappant de coups de bâtons.
Nur-Ed-Din se réveille de la drogue qu'on lui a administrée et s'effondre en larmes en constatant que Zumurrud lui a été enlevée. Une belle dame qui passait par là lui promet de la retrouver en se faisant passer pour une prêtresse qui pourra ainsi entrer dans chaque maison. Elle informe le soir même Nur-Ed-Din qu'elle a retrouvée Zumurrud qui l'attendra, sous les murs de la maison du ravisseur. La belle dame demande pour récompense que Nur-Ed-Din lui fasse l'amour. Nur-Ed-Din y consent et attend la nuit pour se diriger vers la maison du ravisseur. Épuisé par l'amour pratiqué avec la belle dame, Nur-Ed-Din s'endort au pied de l'enceinte. Djamel le Kurde, qui passait par là, lui vole son turban et enlève Zumurrud qui descendait à la corde. Djamel la porte auprès de son père, la menaçant de la violer le soir avec tous ses soldats. Zumurrud propose au père de l'épouiller et fait si bien qu'il s'endort. Elle vole ainsi la clé qui la retenait prisonnière. Ayant pris les vêtements masculins d'un guerrier assassiné, Zumurrud se réfugie dans la ville la plus proche.
Dans cette ville, le roi vient de mourir, et ainsi, la cour, voyant Zumurrud et la prenant pour un homme, l'élisent roi sous le nom de Ouardan et lui font épouser de force une princesse, Hayat. À sa cour, Ouardan reçoit Barsum qui l'avait enlevée et apprend, qu'avant de s'être présenté à elle, il s'était empiffré à sa table. Elle le fait crucifier sous ce prétexte. Peu après, c'est Djamel le Kurde qui se présente. Il s'est comporté de la même façon et connaît le même châtiment.
Pendant ce temps, Nur-Ed-Din est désespéré et ne sait que faire. Il se met en voyage et rejoint la ville où, sans qu'il le sache, sa bien-aimée vit et porte la parure royale sous le nom de Ouardan. Il est accueilli par deux jeunes filles, Budur et Mabula, soeurs de Munis, qui le lavent, le rhabillent et jouent un peu avec lui. Nur-Ed-Din s'en va mendier quand Munis lui demande de l'aider à porter ses courses : toute une série de mets plus raffinés les uns que les autres. Munis revient dans son palais où elle raconte des contes à Nur-Ed-Din et à ses soeurs.
(4) La jeune Dunya en son palais fait un rêve étrange : une colombe mâle grise est prisonnière d'une toile, et malgré ses efforts, ne réussit pas à se libérer. Quand l'oiseau est à bout de force, une colombe femelle blanche arrive et le sauve, et les deux s'envolent ensemble. Mais quand la colombe femelle se trouve à son tour prisonnière d'un filet, la colombe mâle la survole et la laisse à son destin. Au matin, Dunya tente de dessiner sur un parchemin deux gazelles autour d'un arbre mais ne réussit pas pour autant à s'ôter de l'esprit sa vision de la nuit.
De son côté, Tagi Almolouk, fils du roi Souleyman, rencontre sur la route un garçon nommé Aziz qui, à peine le voit-il, tente de cacher à sa vue un parchemin représentant un arbre flanqué de deux gazelles. Tagi demande à voir ce parchemin et Aziz éclate alors en larmes. Tagi demande des explications et le jeune homme commence à raconter sa triste histoire.
(5) Aziz doit épouser sa cousine Aziza, mais peu avant la cérémonie, alors qu'il va chercher un ami, un mouchoir tombe sur Aziz, lancé par une mystérieuse jeune fille. Aziz est tellement bouleversé par cette vue qu'il en oublie son mariage et reste prostré jusqu'à la nuit avant de déplier le grand mouchoir et d'y découvrir un message amoureux. Il retrouve Aziza, en pleurs. Sa mère explique que tous ont fait la fête en l'attendant et que le mariage a été repoussé d'un an. Aziza explique à Aziz, ignorant du langage de l'amour, ce que cette fille attend de lui. Aziz cherche à la revoir au même endroit en vain, et furieux, frappe Aziza en lui demandant plus d'explications. La patiente Aziza, qui a à présent perdu tout espoir, lui conseille de se rendre dans un jardin hors de la ville où est plantée une tente. Ainsi, Aziz et cette jeune fille, Budur (également appelée « la folle ») passent des nuits d'amour fou. Dans le même temps, Aziza devient toujours plus faible et meurt dans les larmes. Aziz découvre la mort de sa promise et Budur lui dit de se faire prêter de l'argent pour lui construire une tombe fastueuse en marbre. Aziz ne se présente même pas aux funérailles et garde l'argent avec dans l'idée de passer sa vie avec Budur. Aziz, alors qu'il rentre, est conduit de force dans une maison où il est obligé d'épouser une jeune fille et d'oublier Budur. Après un an, il est devenu père, mais n'a pas oublié sa chère Budur et la retrouve qui l'attendait. Décidée à se venger, elle l'émascule. Il revient à la maison d'Aziza où il trouve la mère de cette dernière qui lui remet le parchemin qu'il avait donné à Aziza, cadeau de Budur. Sur ce parchemin, qu'Aziza attribue à la princesse Dunya, elle l'exempte de toute faute et se dit heureuse d'être morte avant lui. Aziz est vaincu par les remords et éclate en sanglots.
(4) Une fois qu'Aziz a fini de raconter son histoire, Tagi le console et exprime le désire de connaître la princesse Dunya. Aziz l'accompagne dans une auberge où le cheik, chez du marché, mange. Il leur apprend que Dunya refuse de se marier tant elle hait les hommes. Pour l'approcher, il faut passer par le jardin. Le jardinier leur explique que si Dunya déteste les hommes c'est à cause de son rêve des deux colombes dont le mâle n'est pas revenu à son tour sauver sa compagne. Elle interprète ce rêve comme une référence claire à la trahison des hommes envers les femmes et a donc décidé de ne jamais se marier, bien qu'elle soit jeune et très belle. Tagi donne 300 dinars au jardinier pour le laisser libre de faire ce qu'il veut dans le jardin. Aziz et Tagi trouvent deux pauvres mosaïstes : Shahzmah et Yunan et les amènent à la maison pour décorer le plafond. Tagi, resté sous le choc du cauchemar de Dunya, essaye de représenter cette vision, avec une petite modification finale. Pendant que les deux mosaïstes se mettent au travail, Tagi leur demande de raconter leur histoire pour l'instruire et tuer le temps.
(6) Lors d'une attaque de bandits, Shahzmah feint d'être mort pour être épargné. Il se rend alors dans une ville où il rentre au service d'un homme qui ne peut mieux lui offrir qu'un travail de bûcheron pour gagner sa vie. Près d'un arbre, Shahzmah découvre une trappe secrète qui mène à une splendide maison souterraine où une jeune princesse est tenue en captivité par un démon. Après une nuit d'amour, la jeune fille incite Shahzmah à fuir pour échapper au démon avant qu'il ne revienne.
Le démon est un être d'apparence humaine mais aux cheveux hirsutes, roux comme le feu. Près du lit de la princesse, il trouve une paire de babouches qui appartiennent à Shahzmah. Il se met alors à la poursuite du jeune homme et montre à toute la ville les chaussures du jeune homme, en demandant où il habite. Mis sur sa voie par le savetier qui lui a vendu les chaussures, le démon le ramène sur le lieu de son méfait. Pour se venger, le démon propose aux deux jeunes gens de s'entre-tuer et de laisser la liberté au survivant, mais l'amour qui les lie est trop fort. Le diable passe sa rage sur la jeune fille en lui coupant d'abord les mains, puis les pieds, et enfin la tête, après quoi il porte le garçon dans le désert et le change en singe.
Le singe est capturé par un groupe de voyageurs qui songent à écrire leurs mémoires. Shahzmah, pour se faire remarquer, prend une feuille et commence à écrire. Le message voyage de la péninsule arabique jusqu'à la lointaine Inde, où le roi veut convoquer l'auteur d'une calligraphie aussi parfaite. Le singe est porté en triomphe à travers la ville jusqu'à la cour, où la fille du souverain, Ibriza, reconnaît en lui la victime de la malédiction jetée par un diable. Elle lui fait reprendre son apparence normale en se sacrifiant elle-même. Shahzmah est bouleversé par un tel acte d'amour et demande au souverain à rentrer chez lui, désormais habillé comme un moine demandant grâce à Dieu.
(7) Un jour, un vieil ermite arrive en bateau et annonce qu'il va mourir à un jeune esclave, auquel il demande de récupérer son corps et sa tunique pour la donner au premier qui la demandera. Yunan est le rejeton d'un noble indien, jamais sorti de son palais et totalement ignorant du sens de la vie. De son côté, Yunan part à la découverte du monde, mais ne peut éviter le naufrage que le chevalier de cuivre fait subir à ceux qui s'approchent de son ile montagneuse. Sur un conseil divin qui le rend aveugle, Yunan prend un arc en cuivre et une flèche en plomb et frappe à mort le chevalier. La montagne maudite s'écroule et Yunan aborde une autre ile à la nage. Sur la plage, il trouve une entrée secrète vers une chambre habitée par un roi de quinze ans. Le roi lui demande de ne pas le tuer ; en effet, une cruelle prophétie lui a appris que le jour de ses quinze ans un homme venu de la mer aurait fait s'écrouler la montagne maudite. En échange, il y aura besoin du sacrifice d'une âme innocente et ce serait lui. Le bon Yunan le console et va même jusqu'à se baigner en jouant avec le garçon. Mais au matin, alors que le jeune dort encore, Yunan, aveuglé par les dieux, sort son poignard et le frappe dans le dos. Horrifié par son geste, il sort en courant vers la plage où il est repéré par son père parti à sa recherche en bateau. Yunan revient sur ses terres et une fois arrivé, délaisse le riche cortège de son père pour demander au jeune esclave les vêtements qu'un ermite a laissé pour lui.
(4) Lorsque Shahzmah et Yunan ont fini de raconter leurs histoires, le plafond est terminé et ils s'en vont poursuivre leur chemin après avoir été payés un dinar selon leur voeu de pauvreté. Le jardinier montre à Dunya, au plafond de la maison du jardin, la mosaïque que Tagi a commandée pour elle. Dunya, extasiée par la beauté de l'œuvre, y reconnait néanmoins l'histoire de son cauchemar. Le jardinier explique que Tagi a ajouté un détail : l'arrivée d'un faucon qui tue la colombe mâle, exempte donc de toute trahison. Dunya comprend le sens du symbole et fuit, mais revient ensuite lorsqu'elle comprend être tombée amoureuse de Tagi.
(1) Une fois les histoires de Munis terminées, Nur-Ed-Din prend son bain avec les trois soeurs qui lui demandent de nommer leur sexe. Il échoue à trouver "L'herbe odorante des champs", "la grenade fendue" et "l'auberge du bon accueil" mais s'amuse de leur échec à trouver le nom du sien : "Le poulain qui broute l'herbe odorante des champs, qui mange la grenade fendue et qui passe la nuit à l'auberge du bon accueil". Les quatre s'embrassent et font l'amour jusqu'au matin.
Quand le jour se lève, Nur-Ed-Din, toujours désespéré, part à la recherche de sa Zumurrud. Il erre ainsi jusqu'au désert où il est terrorisé par sa rencontre avec un lion. A bout de forces et sans plus d'espoir, il se dit prêt à se laisser dévorer. Il comprend alors que le lion est venu le guider et atteint ainsi la cité du roi Ouardan. Nur-Ed-Din plonge sa main dans le plat de riz qui couta la vie à Barsum et Djamel et est en effet arrêté immédiatement. Mais Zumurrud, qui a reconnu son bien-aimé, le fait laver et parfumer et le convoque dans sa chambre. Nur-Ed-Din ne sait que trop bien ce que le roi lui veut, mais décide d'obéir pour ne pas perdre la vie. Zumurrud lui ordonne de se déshabiller et de s'allonger sur le lit avant de se déshabiller elle aussi en lui révélant sa véritable identité. Nur-Ed-Din, heureux, étreint Zumurrud et se réjouit que son histoire, qui avait si mal commencé, se termine ainsi si joyeusement.
Ce film marque une double rupture par rapport à toutes les adaptations antérieures des Mille et une nuits. Aucun des héros les plus populaires n'y est représenté. Ni Aladin, Shéhérazade, Sindbad ou Ali Baba n'y figurent. Le film est également tourné en décor naturel en Ethiopie, Yémen en Iran et au Népal.
La trilogie de la vie
Zumurrud et Nur-Ed-Din sont bien des personnages des Mille et une nuits. Mais, dans le corpus des quelques 260 contes, Pasolini en sélectionne sept, les plus érotiques qu'il recoud avec jubilation ("Toute la vérité ne réside pas dans un seul rêve mais dans plusieurs rêves" est-il dit en exergue du film) dans le projet politique évident de montrer que, dans les sociétés anciennes non corrompues par l'urbanisme bourgeois, l'amour était vécu librement.
Les Mille et une Nuits, après Le Décaméron et Les Contes de Canterbury achève ce que Pasolini appelle sa "Trilogie de la vie", que l'on peut résumer comme un hymne à la vie, à la jeunesse, à l'amour. Pasolini y revendique "Le pastiche", le collage de "culture haute" et de "culture basse". "La culture haute" correspond à une adaptation très intellectualisée de quelques uns des grands cycles narratifs de l'histoire de la culture et "la culture basse" correspond à l'érotisme populaire.
L'amour y triomphe parfois joyeusement avec Munis et ses deux soeurs, parfois tragiquement avec Shahzmah et la prisonnière du démon, démembrée par ce dernier puis la fille du roi qui brûle pur lui redonner son âme. Tout aussi tragique, le conte d'Aziz et Aziza. Aziza sacrifie sciemment son amour au profit de celui de son amour en interprétant pour lui les messages cryptés de Budur. Elle tente de trouver auprès d'elle une issue à son amour malheureux en faisant poser des questions par Aziz. Celui-ci ramène sans les comprendre les paroles de Budur : "-Amoureux, au nom de Dieu, que doit faire un garçon quand l'amour est son maitre ? "-On manœuvre avec son amour, on cache son secret et patiente en toute chose avec résignation". "-Il a cherché à se résigner mais n'a trouvé en lui qu'un cœur désespéré par la passion". "-S'il ne trouve pas la résignation, il n'y a peut être rien de mieux pour lui que la mort". "-Nous avons entendu et obéissons et maintenant mourrons". Le dernier message d'Aziza pour Budur sauve la vie de l'inconséquent Aziz : "-Salue pour moi celle qui a empêché mon amour : La fidélité est un bien mais la légèreté est aussi un bien"... ce qui n'empêche pas Budur de l'émasculer.
L'amour magnifié est celui qui trouve son salut après les épreuves, ainsi celui de Zumurrud et de Nur-Ed-Din.
Sept histoires enchâssées.
L'histoire cadre (1) est celle de Zumurrud, l'esclave semi-affranchie, et de Nur-Ed-Din, le puceau. Ils s'achètent mutuellement au début du film, vivent une nuit d'amour, sont séparés par bien des péripéties, avant de se retrouver miraculeusement à la fin.
Zumurrud, qui la lit dans un grand livre, raconte l'histoire du roi Haroun El-Rachid et de la reine Berhame (2) dans laquelle est enchâssée la courte histoire du poète Sium et des trois jeunes garçons (3)
Nur-Ed-Din, séparé par ruse de Zumurrud, écoute, chez la jeune Munis les quatre autres histoires : l'histoire de Tagi et Dunya (4) qui contiendra elle-même les trois dernières histoires (5, 6, 7). Tagi rencontre d'abord Aziz qui lui narre sa propre aventure (5) : prêt à se marier avec sa cousine Aziza, Aziz tombe amoureux d'une inconnue, Budur ; une relation cryptée se joue entre les deux femmes par-dessus sa tête ; il fait l'amour à Budur pendant qu'Aziza se meurt par sa faute ; puis il est fait prisonnier pendant un an par une famille qui l'oblige à épouser une inconnue qui lui fait un enfant pendant ce temps ; il est, enfin, puni par Budur pour avoir été inconscient des sentiments d'Aziza, martyre de l'amour.
Dunya (4) est à l'origine d'une toile peinte qui a transité entre les mains de trois femmes, Budur, Aziza et la mère d'Aziz, avant d'arriver dans les mains de ce dernier. L'amour irrationnel qu'il porte à cette femme qu'il n'a vu qu'une seule fois, auteur, du dessin, est transmis immédiatement à Tagi, l'auditeur de l'histoire, que l'évocation de Dunya, qu'il n'a jamais vue, fait s'évanouir. Les deux hommes tentent ensemble d'approcher Dunya, fille de roi qu'un cauchemar a convaincu de ne jamais s'approcher des hommes. Soudoyant le jardinier du royaume, personnage discret mais passeur essentiel du film qui tire la morale finale sur "la multitude des rêves", ils pénètrent dans le jardin de Dunya et Tagi engage deux maçons mosaïstes, qui racontent leurs propres aventures, qui sont très précisément jumelles et inversées.
Shazaman (6), un prince dépouillé, tombe amoureux d'une jeune fille inconnue enfermée dans un souterrain, et violée tous les dix jours par un démon. Il est retrouvé par le démon grâce à ses babouches qu'il a, comme Cendrillon, oublié sous la terre. Le démon coupe la fille en morceaux, emporte très loin Shazaman et le transforme en singe. Le singe savant recueilli par un roi, la fille de monarque brûle pour sauver le prince qui retrouve son apparence mais se dépouille et devient un mendiant.
Yunan (7), fils de roi, connaît un destin parallèle inversé, mais sur le versant homosexuel (par allusions assez claires). Il tue dans son sommeil un enfant enfermé dans un autre souterrain, précaution inutile due à un oracle qui l'avait condamné comme dipe, un fils de roi dans le lit duquel il couchait après avoir joué avec lui dans un bain.
L'histoire de Tagi et Dunya (4) se clôt par la réunion du couple grâce à la guérison de la jeune fille éclairée par la morale, tirée par le jardinier de la mosaïque, indiquant que le pigeon mâle n'avait pas fuit mais avait été tué par un aigle.
Enfin l'histoire de Zumurrud et Nur-Ed-Din se termine par l'épisode du lion qui ramène le garçon dans la ville ou son "esclave" est devenu roi. Alors qu'il s'attend à se faire sodomiser, Zumurrud lui révèle son identité.
Villes et paysages des Mille et une nuit
Les Mille et une nuits intègrent des contes persans, indiens et arabes et se passent en majorité à la cour de Bagdad en Irak à la fin du VIIIe et au début du IXe siècle. C'est néanmoins en Iran, au Népal et en Éthiopie mais surtout au Yémen, dans la partie sud de la péninsule arabique, que Pasolini trouve le cadre nécessaire à son imaginaire. La fascination de Pasolini pour le Yémen a en partie contribué à la reconnaissance de ses sites par l'UNESCO.
Le désert d'Éthiopie est le cadre des histoires du couple royal Haroun El-Rachid (765-809) et Berhame.
La rencontre de Zumurrud et Nur-Ed-Din se déroule à Zabid, une ancienne ville de la plaine côtière occidentale du Yémen.
Lorsque Zumurrud s'échappe de Zabid, elle vole un costume d'homme et se réfugie dans la ville la plus proche où elle est couronnée roi. La porte du désert à laquelle elle arrive est Sanaa, la plus grande ville du Yémen et sa capitale.
Une fois à l'intérieur des murs de la ville, cependant, l'emplacement change pour Ispahan, à 340 kilomètre au sud de Téhéran en Iran. La somptueuse fête de mariage où le roi Zumurrud est en mesure de se venger de ses ravisseurs, est la cour du spectaculaire Imam Mesjed-e, carrelé de bleu pâle du 17e siècle sur le côté sud de la place Naghsh-e Jahan.
Nur-Ed-Din en cherchant Zumurrud trouve Munis et ses deux soeurs et écoute les contes qu'elle lui lit. Leur domicile se trouve dans la vieille ville fortifiée de Shibam, au Yémen. La ville a été surnommée "Le Manhattan du désert"' en raison de ses étonnants gratte-ciel en briques crues datant principalement du XVIe siècle.
Le conte d'Aziz se déroule dans la vieille ville de Sanaa, au Yémen, que l'on n'avait qu'entraperçue à l'arrivée de Zumurrud.
A quelques kilomètres au nord-ouest de Sanaa se trouve le palais de la princesse Dunya, qui est l'extraordinaire palais de Dar al-Hajar (palais de roche), Wadi Dhahr. Construit à l'origine au XVIIIe siècle, le palais a été agrandi dans les années 1920 en tant que résidence d'été pour l'imam Yahya, alors chef du pays.
Une fois transporté dans les airs par le démon, Shahzmah est filmé au Népal. Le palais du roi se situe dans le complexe architectural de Hanuman Dhoka, avec sa porte dorée très élaborée où le singe est présenté. Il se situe sur la place Durbar à Katmandou.
Le bain sculpté où le prince Yunan dit à son père qu'il a été chargé d'aller en mer pour une mission mystérieuse se situe également dans le Hanuman Dhoka, dans une cour, la Sundari Chowk.
Enfin, c'est de retour, extérieur Sanaa-intérieur mosquée d'Ispahan pour la fin, qui voit Nur-Ed-Din conduit par un lion dans la ville dont le roi tout-puissant se révèle être son amour perdu, Zumurrud.
Jean-Luc Lacuve, le 15 février 2020.
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