Dans son château portugais, le roi Sebastiao désire lancer une grande campagne militaire afin d'étendre son empire et se montrer digne de ses prédécesseurs. Mais cette ambition démesurée lui révèle son immense solitude. Il s'oppose à la reine Catarina et ses plus proches conseillers tentent de lui faire entendre raison, au risque de lui déplaire. Seule la cour de nobliaux assoiffés de reconnaissance l'appuie dans sa volonté de conquêtes. Pourtant, au risque de passer pour tyrannique, et malgré les moqueries de son peuple qu'on lui rapporte, le roi ne veut pas en démordre. Il condamne ainsi à mort un soldat qui osait le critiquer...
Ironie de l'histoire : le plus déplorable sans doute des rois portugais qui, par son obstination têtue et délirante, va déclencher la perte de l'indépendance de la nation, sera aussi celui qui sera élevé au rang de mythe. Il sera garant de l'espoir d'une paix définitive entre les hommes. Disparu, caché, le roi, selon la légende, reviendra sur son cheval blanc, un matin brumeux et préservera l'humanité contre le mal.
En restant cantonné dans le château pour ne suivre que la prise de décision définitive de Sebastiano sans monter la bataille d'Alcazar Quivir, Oliveira fait le choix d'un film mental. Toutes les dernières séquences notamment sont consacrées à la discussion entre Sabastiano et le cordonnier céleste : l'incarnation de son fantasme et de ses peurs. Viendront ensuite les conseillers vus en rêve et les rois de sa dynastie : Sebastiano se fera ainsi adouber par son grand-père Charles Quint. Cette séquence consacre la victoire définitive de l'ombre sur la lumière. Cette dernière étant, si l'on veut, symbolisée par sa grand-mère, l'épouse de Charles Quint qui, comme les conseillers, essaie en vain de dissuader Sebastiano de son projet fou.
Avec une grande économie de moyens, Oliveira réussit un film millimétré dans ses plans et maîtrisé de bout en bout sur l'obscurcissement d'un cerveau (pas si éloigné du Ludwig de Visconti) avec sa dose de psychanalyse - le rôle des parents et des grands-parents-.
Le Cinquième empire est inspiré de El Rei Sebastião,
une pièce de théâtre de l'écrivain portugais José
Régio. Manoel de Oliveira, qui fut un ami de cet auteur, né
en 1900 et décédé en 1968, avait déjà porté
à l'écran deux de ses oeuvres : Benilde ou a Virgem-Mae en 1974
puis Mon cas en 1986. En 1965, il l'avait filmé dans un court documentaire,
As Pinturas do Meu Irmão Júlio : l'écrivain évoquait
les toiles de son frère peintre Julio.