Dans le Nord de la France, Jean-Benoît débute un apprentissage de mécanicien dans un garage. Il peine car il n'a pas confiance en lui et se déconcentre facilement. Ses erreurs répétées font peser sur lui une menace de renvoi. Il doit passer son BEP mais fait tout pour ne pas l'avoir. Pourtant, il veut ce diplôme qui lui permettrait de s'insérer, d'échapper à la délinquance qui couve. Car, quand il se confie au réalisateur, Jean-Benoît évoque une peur du vide, une violence intérieure. Sa petite amie, Hélèna, n'arrive pas à l'apaiser malgré son extrême gentillesse. Peu à peu, Jean-Benoît parle de son père. Il emmène le réalisateur dans sa maison d'enfance et décrit alors la violence permanente au foyer, puis comment son père s'est suicidé. De retour au garage, il doit passer l'examen pour le BEP.
La première interview de Jean-Benoît sur une falaise d'Etretat au soir couchant indique clairement la volonté d'affronter sans détour le cas particulier et précis du parcours difficile et tourmenté d'un jeune apprenti de dix-sept ans tout en le mettant en rapport avec l'immensité et la beauté de la nature, symbolisant le droit au bonheur universel. Ce va et vient entre la réalité sociale et l'immensité poétique du monde s'incarnera de façon constante dans les plans de coquillage, de forêt ou d'herbes folles qui se superposent sans artifices au discours, alors off, de Jean-Benoît.
Nion ne cache rien de l'élaboration de son film, de cette rencontre
étalée sur 27 mois qui a bien failli s'arrêter lorsque
Jean-Benoît, irresponsable par moment, voulait tout balancer. Les séquences
sont frontales : la voix du metteur en scène demande à Jean-Benoît
de s'exprimer au travail, chez lui ou dans les paysages normands, là
où il vient le rencontrer. On imagine bien que tout le matériel
n'a pas été utilisé, ne subsiste qu'un choix équilibré
entre les deux pôles choisis par Nion : l'aventure de l'intégration
sociale et la recherche de la vérité du personnage. Celle-ci
tourne qui tourne à la vrai psychanalyse lorsqu'il se fait jour que
dans le garage où il travaille, dans sa relation amoureuse avec Hélèna
et ses rapports conflictuels avec sa mère, Jean-Benoît se sent
incapable d'apprendre et de se sortir de l'enfance parce que marquée
par la disparition de son père dont on apprend assez tardivement le
suicide. Cette information fait se souvenir des premières déclarations
de Jean-Benoît disant vouloir s'asseoir au ras de la falaise pour voir
ce que cela faisait de mettre les pieds dans le vide.
Scène remarquable où Jean-Benoît reconnaît un père en son réalisateur qui lui permet de s'exprimer comme son père n'a jamais pu le faire et comme il n'a jamais pu le faire avec lui. Nion décidera ensuite de faire entendre cette parole sur les images de lichen qui s'étalent à proximité du foyer de placement où cette déclaration à lieu.
Didier Nion
|