Michael Moore se penche cette fois sur les évènements du 11 septembre 2001, et notamment la manière dont George W. Bush s'est servi de cette tragédie dans son propre intérêt.
Moore part des élections présidentielles contestées, notamment dans l'Etat de Floride, et accumule ensuite les critiques à l'égard de Bush : intérêts communs avec la famille Ben Laden, manque de détermination à rechercher les auteurs des attentats du World Trade Center, mensonges... Le président américain a installé un climat de terreur dans son pays et dans une grande partie du globe, usant de cette paranoïa pour asseoir sa politique de guerre.
Le
message essentiel de Fahrenheit 9/11, Moore le tire de la citation d'Orwell
donnée à la fin du film: "Les guerres modernes n'ont pas
pour but d'être gagnées ou perdues, elles doivent durer éternellement
car elles permettent de maintenir la hiérarchie sociale en place".
Il ne s'agit pas pour Moore de révéler pour quelle mauvaise
raison la guerre face à l'Irak a été déclarée
mais de montrer quel impact elle a pour les pauvres, qui font massacrer leurs
enfants, et pour les riches qui seront encore plus riches.
Comme à son habitude, le cinéma de Moore consiste à créer des pièges dans lesquels ses cibles viennent s'enferrer toutes seules lorsque l'on compare leur discours aux faits. Ces pièges révèlent que le langage des puissants n'est qu'un paravent, qu'une illusion, qu'une propagande. Mais devant la puissance de cette mascarade, le discours argumenté est d'un piètre réconfort, mieux vaut le rire dévastateur et vengeur.
Certes on apprend des choses dans fahrenheit 9/11. On trouvera ici, comme dans Le monde selon Bush de William Karel les mêmes arguments qui ont conduit Bush à faire la guerre : chute de popularité après son élection si ce n'est volée du moins arrachée grâce à ses influences sur les médias, en Floride et à la cour suprême et son incapacité à prendre des décisions en début de mandat. L'impossibilité de faire la guerre aux saoudiens, alors que 15 des 19 terroristes étaient originaires de ce pays. Départ sans interrogation des membres de la famille Ben Laden qui, certes, détestaient Oussama mais possédaient peut-être des renseignements factuels permettant de le capturer en Afghanistan (son QG dans ce pays ne sera détruit que 2 mois après le 11/9) et retrait sur une cible haie depuis longtemps. La même analyse de la corruption généralisée des groupes, Enron ou Carlyle dont ont bénéficié les Bush et les Rumsfeld ou encore le vice le vice-président Richard Cheney qui attribua, seize mois après l'invasion américaine, sans aucun appel d'offres, un contrat de 1,4 milliards de dollars à une filiale du géant américain Halliburton qu'il dirigeait jusqu'en 2000. On y apprend de même que le Patriot act a été voté en une nuit sans être lu par les parlementaires.
Mais la réussite du film tient à l'énergie déployée qui va des pièges dressés (la défense de l'ambassade saoudienne par les services secrets, les soldats recruteurs sur un parking, les députés confrontés à leur refus d'envoyer leurs enfants en Irak), aux moments de douce folie (le parallèle entre des extraits de films policiers et l'absence d'interrogatoire des Ben Laden, entre des extraits de western et la mise ne place d'un régime de terreur basée sur d'hypothétiques menaces), au travail d'investigation pour retrouver des bandes vidéos inédites (le manque de réaction de Bush à l'annonce que son pays est attaqué, les images de guerre non censurées, le cynisme de Bush dans les réunions de la haute bourgeoisie ou des chefs d'entreprises alléchés par l'appât du gain facile en Irak). Moore, dans cette rafale d'arguments, prend surtout le soin de se pencher sur le dérisoire concret des mesures antiterroristes (tout ça pour ennuyer un papy pendant sa sieste ou pour infiltrer de paisibles pacifistes) et sur le cas de ses concitoyens de Flint : les jeunes noirs pas encore décidés à s'engager ou cette mère d'abord franchement patriotique, puis lorsque son fils meurt en Irak, face à une douleur qui ne s'apaise pas.
Hormis quelques raccourcis maladroits - une coalition qui se résume à de petits pays européens et oublie l'Angleterre, l'Espagne, l'Italie ou le Japon, une vision enchanteresse de l'Irak avant le début de la guerre -, il ne convoque dans son dernier film que des faits relatés dans la presse.
Avec Fahrenheit 9/11, Michael Moore se comporte en véritable héritier de la contre-culture américaine critiquant aussi bien la faillite du politique, la communication envahissante que la fragilité de la démocratie rongée par la démagogie et la paupérisation du monde occidental.