De retour au collège de Chilton à l'occasion de la fête des anciens élèves Tom Lee se souvient...
De caractère sensible et doux, il était l'objet du mépris de ses camarades de collège qui le traitaient d'efféminé car il préférait la musique et la peinture au base-ball. La seule amitié qu'il rencontra fut celle de Laura, la femme du directeur, Bill Reynolds.
Incomprise par son mari brutal, Laura se rapproche chaque jour davantage du jeune homme avec lequel elle partage le goût des belles choses. La femme du proviseur lui avait donné une théière en cadeau de bienvenue, lui conseillant, comme à toutes les femmes de professeurs, de ne donner aux étudiants que thé et sympathie, de rester à l'écart, d'être spectatrice.
Mais Laura comprend la douleur de Tom qui, abandonné par sa mère à cinq ans, n'a pas de foyer. Elle-même souffre de la mort de son premier mari, tué à la guerre à dix-huit ans pour prouver sa bravoure à ses camarades qui l'avaient humilié au camp d'entraînement. Bill, quant à lui, montre envers son élève une hostilité accrue par sa jalousie envers une masculinité plus douce que la sienne.
A la suite d'une violente dispute avec son père et d'une visite catastrophique chez Ellie Martin, la prostituée du lieu, Tom tente de se suicider. Laura le sauve de justesse. Cette tension extrême les jette dans les bras l'un de l'autre et Tom devient l'amant de Laura, se prouvant ainsi sa virilité.
Dix ans après, Tom est ainsi de retour ayant trouvé son équilibre physique et moral et sa confiance en soi. Il a même publié un livre autobiographique. Bill est seul dans sa maison et remet à Tom une lettre que Laura a laissée pour lui en déménageant. Tom y apprend que, contrairement à ce qu'il a écrit dans son roman, la rupture entre Bill et Laura dont il est responsable suscite les regrets de cette dernière consciente d'avoir sacrifié son mariage et son mari qui croyait seulement vouloir être en paix.
Thé et sympathie est composé d'un grand flash-back qui place le temps de l'adolescence, ses souffrances comme ses passions, sous le signe du passé et du temps enfui. Intemporelle, magnifique, douce et sacrifiée, Laura Reynolds est une figure de mélodrame inoubliable.
Un mélodrame en CinémaScope
Le vrai CinémaScope au rapport 1/1.55 magnifie ce mélodrame même si son utilisation la plus virtuose consiste à filmer dans le même plan les réactions de Laura, dans la maison, aux discussions entre Bill et le père de Tom qui ont lieu dans le jardin et passent par la fenêtre ouverte.
Laura ne parvient pas à ramener son mari vers une virilité faite de tendresse, de respect et de considération dont Tom lui montre l'exemple. La guerre est donc sans merci car, comme le rappelle Laura, si Tom était viril la définition de la virilité de son mari (jurer et faire du sport) serait douteuse. Elle sait que Tom ne racontera pas cette histoire comme "une bonne histoire un peu salée". Elle ajoute "Quand, plus tard, vous parlerez de tout cela et vous en parlerez, soyez indulgent." Tom s'y emploiera dans son livre et plus encore Minnelli dans le film.
Un éblouissant travail sur la couleur
Le travail sur la couleur est, comme habituellement chez Minnelli, aussi beau que signifiant. Deux tableaux servent d'emblème aux personnages : Le vase bleu de Cézanne pour Tom et La yole de Pierre-Auguste Renoir pour Laura.
Minnelli choisit ces deux tableaux car s'y mêlent harmonieusement les complémentaires du bleu, associé à Tom, et du orange, associé à Laura.
Le bleu est associé à Tom dès sa première apparition en 1946. Non seulement sa chemise est de cette couleur mais il estime que le jardin de Laura manque de bleu et se propose de lui apporter des graines de myosotis.
Tous les costumes de Tom sont bleus. Lorsque Laura vient le chercher dans la forêt, elle est engloutie dans l'univers de Tom et se donne à lui dans un crépuscule bleuté irréel.
Le orange est bien évidemment la couleur de Laura, qui rousse, porte souvent robe ou chemisier orange. Lorsque Tom redescend de la chambre après son flash-back sur l'année 1946, il est tout imprégné de l'univers de Laura et s'apprête à frapper chez elle. L'escalier est alors noyé d'une couleur orange irréelle, bien différente de celle qui précédait cette séquence.
Cette fusion des deux couleurs était celle du passé, c'est ce que marque la sortie du flash-back avec la fenêtre devenue orangée avec la lumière du soir et le rideau bleuté.
En 1956, le bleu de l'adolescence douloureuse a quitté Tom. Il porte désormais un classique costume gris. Le bleu s'est éloigné à la périphérie du jardin, près de l'université où une nouvelle génération d'étudiants auront de nouveau à souffrir et aimer.
Jean-Luc Lacuve, le 01/07/2010.