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Un flic

1972

Voir : Photogrammes
Genre : Film noir

Avec : Alain Delon (Edouard Coleman), Catherine Deneuve (Cathy), Richard Crenna (Simon), Riccardo Cucciolla (Paul Weber) Simone Valère (Mme. Weber), Paul Crauchet (l'inspecteur Morand), André Pousse (Marc Albouis), Michael Conrad (Louis Costa), Jean Desailly (Le riche homosexuel). 1h35.

Le commissaire Edouard Coleman patrouille sur les Champs-Elysées au volant de la voiture 8. A Saint-Jean-de-Monts, quatre hommes dans une voiture s'apprêtent à commettre un hold-up dans une banque. Lors de celui-ci, Marc, l'un des gangsters, est blessé par un employé qui est abattu. Les quatre hommes se font repérer à la gare de La-Roche-sur-Yon afin que la police croit qu'ils sont remontés en train vers Paris. Simon qui dirige l'opération procède à la sécurisation du butin en l'enfouissant dans un champ.

Coleman est appelé pour l'assassinat d'une prostituée dans un hôtel puis pour le vol d'une statue par un gigolo chez un riche homosexuel. Les gangsters déposent Marc dans une clinique. Edouard Coleman fait une dernière patrouille, seul, pour entrer en contact avec un de ses indics. Il s'agit d'un travesti de luxe qui lui indique qu'un transport de drogue aura lieu prochainement sur le train Paris-Lisbonne. Il sera assuré par un passeur professionnel, Mathieu la valise.

La nuit dans le commissariat, en ce début de 23 décembre, trois voleurs italiens sont interrogés et parlent avec une paire de claques infligée par Coleman. Paul rentre chez lui, faisant croire à sa femme qu'il a tenté de trouver un emploi de chef du personnel à Strasbourg après avoir perdu son emploi à 60 ans. Simon et Louis sont aussi arrivés à Paris. Le journal relate le hold-up sanglant de Saint-Jean-de-Monts de la veille au soir. Coleman se rend dans la boîte de Simon et joue du piano pour Cathy. Morand l'appelle juste au moment où Simon arrive. Il fait jour.

Au Louvre, Simon, Louis et Paul se retrouvent. Ils doivent faire sortir Marc de la clinique. La police le sait blessé et le recherche partout. Marc doit disparaître s'il ne peut être transporté. Coleman s'entraîne au tir. Il est appelé par Cathy qui repousse le rendez-vous du jour pour le lendemain.

Le soir, une ambulance s'arrête devant la clinique où Marc est soigné. Simon et Paul se font passer pour des infirmiers mais Marc est déclaré intransportable. Ne pouvant l'emmener, ils laissent Cathy, déguisée en infirmière, tuer Marc d'une piqûre.

Au petit matin à l'institut médico-légal, Coleman et Morand espèrent qu'ils découvriront qui est ce Schmitt tué dans la clinique.

Simon, Paul et Louis préparent un gros coup avec l'argent du hold-up. Il s'agira de voler la drogue convoyée par Mathieu la valise sur la portion de trajet Bordeaux-Hendaye du Paris-Lisbonne

Coleman sait par son indic que la drogue sera convoyée le 2 janvier. A la gare de Bordeaux ce jour-là, il assiste à la remise de la valise. Simon réussit à voler la drogue.

Au petit matin, Coleman convoque son indic car la drogue n'a pas été retrouvée à Handaye. Il le laisse repartir, comprenant qu'il ne sait rien. En revanche, Morand lui apporte l'identité de Schmitt. Il s'agit de Marc Albouis. Coleman décide de rechercher son ami le plus proche, Louis Costa, qui est arrêté dans un petit restaurant.

Simon avertit Paul même s'il se montre confiant dans le silence dont Louis fera preuve. Celui-ci est passé à tabac par les policiers et finit par parler. Coleman prévient son ami Simon qui prévient Paul. Celui-ci est resolu à se suicider à l'arrivée des policiers. Coleman le laisse faire.

Simon demande à Cathy de venir le chercher de toute urgence. Celle-ci arrive et voit Coleman arrêter Simon. Après un regard complice à Coleman, Simon fait mine de se saisir d'une arme et Coleman l'abat. Morand n'a plus qu'à constater qu'il n'avait pas d'arme. "Il ne se serait pas suicidé", déclara Coleman en guise d'oraison funèbre pendant que Cathy, de loin, assiste à la scène. Le soir, la voiture 8 patrouille de nouveau.

Dernier film de Melville, Un flic est celui où il expose le plus nettement son scepticisme envers toutes les valeurs, la contagion généralisée du mal et la mort comme seul aboutissement certain de toute chose. C'est aussi le film où ce message est le plus théâtralisé au point d'en faire le film le plus baroque du metteur en scène.

La lutte dérisoire des flics et des gangsters.

Le film s'ouvre sur une voix off : "Ma tâche quotidienne commençait juste avant la nuit. Mais c'était beaucoup plus tard, quand la ville dormait qu'il m'était vraiment donné le pouvoir de l'accomplir. Mon nom est Edouard Coleman". S'allument alors les lampadaires des Champs-Elysées auxquels répondent ceux de Saint-Jean-de-Monts où, là aussi dans une voiture, attendent les quatre gangsters. Comme le début du Cercle rouge, une même attitude stoïque caractérise flics et gangsters.

Les enchaînements entre les séquences alternées narrant la patrouille de Coleman et le braquage des gangsters ne cesseront de renforcer cette identité. Les ouvertures de séquences sur une voiture ne permettent pas d'identifier immédiatement si l'on est avec la police ou les gangsters tant elles se ressemblent.

Même identité entre gardien de l'ordre et gangster pour Paul, ex sous-directeur d'une succursale de banque qui, victime d'une compression de personnel, est condamné à en braquer une. Identité enfin entre Edouard et Simon : l'un sait jouer du piano chez l'autre comme s'il était patron de boite et l'autre connaît tout des méthodes de la police. Leur rapprochement est manifesté aussi par leur professionnalisme, leur autorité vis à vis de leurs collègues et leur amour partagé pour une même femme, Cathy.

Face à des forces qu'ils ne maîtrisent pas

Les deux petites affaires pour lesquelles Coleman est appelé, le meurtre de la prostituée et le vol du Maillol chez le riche homosexuel rappellent chacun le peu efficacité qu'a la police pour changer le cours des choses.

Les deux plongées et contre-plongées successives sur le visage de la morte et celui de Coleman qui la regarde indiquent que l'enquête en restera là, n'ira pas plus loin que la mort, comme le confirment les multiples graffitis de la chambre, autant d'indices trop nombreux pour tirer l'écheveau du crime.

Le dialogue avec le riche homosexuel dit aussi l'impossibilité d'échapper à son destin : "Le détournement de mineur ne peut être retenu contre vous que si c'est un délit d'habitude : vous n'êtes condamné que si vous êtes récidiviste" déclare Coleman qui s'entend répondre "Nous le sommes tous".

Plus tard, Coleman dira que seule la providence des policiers veille pour trouver qui est ce Schmitt. "Le métier rend sceptique" répond Morand "Et notamment sur le scepticisme", réplique Coleman qui ajoute : "Dans le fond, les deux seuls sentiments que l'homme aie jamais été capable d'inspirer à un policier sont l'ambiguïté et la dérision."

Dans le petit théâtre de la vie

La vie est ainsi ramenée à un théâtre artificiel où ne s'agitent que des jouets du destin. On serait ainsi tenté de croire que c'est sciemment que Melville montre un train et un hélicoptère miniatures dans un décor de carton pâte lors de l'interminable vol de la drogue.

La transparence au petit matin devant la boîte de Simon est aussi particulièrement visible, tout comme celle du Louvre dans la salle qui abrite les impressionnistes (c'était avant Orsay !). La transition entre la toile peinte du cinéma et le tableau du musée est clairement revendiquée par le montage

Tout est faux dans ce monde-ci. Seuls les artistes et les condamnés le savent sans doute. Ainsi ce long échange de regard entre Simon et l'autoportrait de Van Gogh qui renvoie aussi au regard antérieur de Paul dans la glace.

Tout aussi impressionnants, le long plan de métro aérien aboutissant au fronton de la morgue et celui qui termine la séquence où Edouard est saisi en contre jour. La mort nous domine tous. Il n'est rien à espérer de ce monde ci.

Jean-Luc Lacuve, le 21/11/2010.

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