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The tree of life

2011

Genre : Film épique

Cannes 2011  : Palme d'or Avec : Jessica Chastain (Mme O'Brien), Brad Pitt (Mr. O'Brien), Sean Penn (Jack à 50 ans), Fiona Shaw (la grand-mère), Pell James (l'écolière). 2h18.

"Où étais-tu quand je fondais la terre ? (Dis-le, si tu as de l'intelligence. Qui en a fixé les dimensions, le sais-tu? Qui a tendu sur elle le cordeau ? Sur quoi ses bases sont-elles appuyées? Qui en a posé la pierre angulaire,) ... alors que les étoiles du matin éclataient en chants d'allégresse et que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie ? (Le livre de Job, chapitre 38, versets 4 et 7).

Une voix s'adresse à un ectoplasme lumineux, or et rouge : "Frère, mère, ce sont eux qui m'ont mené jusqu'à Ta porte".

Une fillette observe un troupeau de vaches. Les sœurs lui ont dit que deux choses existaient dans le monde, la grâce, incertaine mais réconciliatrice et la nature, certaine, qui réduit les hommes à l'asservissement.

Une famille joue dans le Texas des années 50. Une mère reçoit un télégramme lui annonçant une mauvaise nouvelle. Elle la communique au père qui s'apprête à prendre l'avion. Il s'agit de la mort de leur enfant. Une amie la réconforte puis sa mère : elle doit vivre pour ses deux enfants survivants. Ensuite la vie, elle en est sure, reprendra ses droits. Le prête explique que le malheur ne frappe pas que les méchants, qu’il y a de la souffrance partout.

Jack, la cinquantaine, se réveille sur un lit, dans une grande ville, une femme à côté de lui. Il est déboussolé, perdu. Dans sa superbe maison high-tech et sans poussière, une bougie est allumée dans un petit pot bleu. Il est architecte. Un collègue parle de rupture avec son épouse. Jack se plaint que tous deviennent de plus en plus cupides. Il s'excuse d'un mot de trop dit à son père. Dans le ciel, des milliers d'oiseaux forment des grappes incroyables.

La mère se promène dans la forêt. Jack descend de sa tour de verre par l'ascenseur. Au bas de la tour, la main dans les herbes, il entame une marche. Il parcourt une sorte de désert. Par les entrailles de la terre, il appelle son frère et Dieu : "Seigneur, où étais-tu ?" Qui sommes-nous pour toi ? Mère, rends-moi courageux".

Des images du big-bang : feu solaire, étoiles, cosmos. Une météorite frappe la Terre. Des vagues, de la fumée. La vie, des amibes, un poisson. Un dinosaure sur une plage, blessé, des requins marteau. Un dinosaure qui fait preuve de compassion à l'égard d'une autre créature blessée. Un mammifère préhistorique.

Retour au petit pot bleu avec bougie, à la mère dans les bois. Des bulles de savon flottent au-dessus du gazon. La naissance d'un enfant, Jack, puis de ses deux frères. Jack doit alors apprendre à partager l'amour de ses parents. Baisers du soir répétés, couvertures remontées, lampes éteintes. Attention et amour des parents.

Les enfants grandissent et contestent l'autorité du père qui veut les élever à la dure. Il apprend à ses fils à frapper dans sa main comme un boxeur. Un papillon se pose sur la main de la mère. Il est un musicien contrarié, son fils aime le voir jouer de l'orgue à l'église.

Jack voudrait voir son père mort tellement il le déteste. Mais le cric qui soutient la voiture ne tombe pas. Il méprise sa mère de se laisser piétiner et en veut à son frère qui a les dons artistiques de son père, peint et joue de la guitare. Jack voit des alcooliques, des infirmes dont personne ne lui a pas parlé. Un enfant se noie à la piscine et son père ne peut le sauver. Tout n'est-il que mensonge et abus d'autorité? Jack éprouve ses premiers émois amoureux mais n'ose approcher l'écolière dans la rue. Un peu plus tard, il dérobe la combinaison d'une riche bourgeoise.

Le père est ingénieur et le patron d'une usine locale. Sérieux, opiniâtre, il essaie de vendre un brevet qui le rendra riche mais échoue toujours. Et puis, un jour, les actionnaires décident de fermer l'usine.

Jack se sent différent des autres. Comment revenir à la paix ? Il demande à son jeune frère de mette le doigt devant la canon du fusil pour enfant, le blesse légèrement et le fait pleurer par sa méchanceté ainsi affichée. Il vient lui demander pardon. Son jeune frère le lui accorde. Il va alors demander pardon à son père et se déclare comme lui. Celui-reconnait son échec. Il espère que ses enfants comprendront qu'il a essayé de faire pour le mieux.

Le jour du déménagement arrive.

Jack parcourt le désert. Une femme marche devant lui. Elle franchit l'encadrement d'une porte. Jack hésite, passe aussi, se retrouve sur une plage, y retrouve son père, sa mère, lui à neuf ans, ses frères à neuf ans, des pieds, celui du Christ peut-être, des mains de tous âges, visages levés au ciel.

Incontestablement The tree of life est un grand poème tout à la fois épique et lyrique. Les époques et les lieux riment pour évoquer la beauté des commencements, les dégradations dues aux oppositions et la possibilité d'une réconciliation. Ceci est de l'art. Ceci est aussi de l'art académique (un séduisant éclectisme esthétique pour célébrer la pure beauté d'autrefois). La beauté est pensée avant que le film ne commence, le rôle de celui-ci étant d'en être un réceptacle bourré au ras bord de ses 2h18.

Un poème rythmé par le montage

Le film entremêle les strates de temps. Quatre se situent entre 1950 et 2000. Il y a le début des années 50 avec la naissance de Jack et de ses frères. La fin des années 50 avec la ségrégation raciale, Jack a alors neuf ans. En creux, est figuré le début des années 70, lorsque le frère de Jack meurt à dix-neuf ans (Viêt-Nam ?) et que les parents sont avertis par un télégramme. Quatrième strate de temps humain, les années 2000. Jack a alors cinquante ans et se souvient.

Quatre autres strates de temps enchâssent le temps humain. Il y a le big-bang, il y a quinze milliards d'années, feu et cosmos dominent. C'est ensuite quand la vie explose dans sa diversité il y a environ un milliard d'années : algues, amibes, méduses et vagues dominent. La troisième période va du Jurassique avec ses dinosaures aux premiers mammifères et ses immenses forêts. Il y a enfin, le jugement dernier et le paradis des justes.

Les espaces sont aussi facilement reconnaissables. Dieu d'abord, espace-temps spectral et coloré. Il y a ensuite la terre avant l'homme, la beauté du cosmos, des océans et des forêts. Deux espaces pour la vie de Jack, le Texas et New York. Il y a enfin la plage-paradis à laquelle on accède par le désert.

Les valeurs sont, elles aussi, bien définies selon une double opposition : la grâce et la nature d'une part et leur conséquences supposées : l'amour pour l'une et la violence pour l'autre.

Un poème mystique un peu neu-neu

La grâce existe au travers du dinosaure qui épargne l'animal blessé ou au travers de la musique du père. Le cosmos permet de croire à la beauté du monde. La naissance de l'enfant est à l'image de la naissance du monde. C'est le temps de l'amour et de l'attention, celui de l'émerveillement devant le bébé, des baisers sur le front, des couvertures remontées jusqu'au cou et des lumières que l'on éteint pour protéger son sommeil.

Mais le monde actuel a perdu son innocence originelle. Le monde est dur : maladie, mort, racisme, mensonges, violence, échecs en sont le lot quotidien et seule la croyance en la grâce permet de le supporter. L'abandon au mal est plus naturel. Le monde et l'âme corrompus, comment retrouver la paix ? En pardonnant et en se réconciliant avec son frère d'abord puis, plus fondamentalement, au paradis, là où Dieu se réconcilie avec ses créatures après les avoir laissé souffrir.

Si les perpétuelles sautes de temps ou d'espace donnent l'impression que le film est difficile à comprendre, son idéologie réconciliatrice et chrétienne est hélas souvent transparente. Qu'importe la mort puisque la vie continue et que l'éternité existe dans l'au-delà. Aimons, aimons, aimons, sans quoi la vie passe sans que l'on s'en aperçoive.

On peut certes se laisser bercer, embrigader dans le panthéisme chrétien de Malick, par la beauté des images. On peut approuver la réconciliation de la nature et de la grâce, de l'histoire de l'humanité, du temporel et du mystique. Ces sentiments universels sont cependant bien ennuyeux.

Si l'on peut se reconnaitre dans les difficultés à aimer, les espoirs et les désillusions des personnages, tout est excessivement conforme aux clichés même si leur présentation est somptueuse, enrobée dans une musique dégoulinante de thèmes lyriques, forcement lyriques.

Autour de la famille et de l'arbre de vie sans doute aurait-on aimé un regard moins universaliste toujours au service de l'Idée de la grâce, et trouver un regard original, c'est-à-dire personnel et donc émouvant.

Jean-Luc Lacuve le 18/05/2010.

 

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