Trois amis, deux garçons et une fille : Ding Bo, Fatso et Nan Feng ont terminé leur dernière année de lycée. Nan Feng est chanteuse dans un bar. Un soir un homme l'importune et elle se dégage en lui donnant un coup de son microphone de fantaisie. Ses amis Ding Bo et Fasto interviennent et sont à deux doigts de déclencher une bagarre générale. Ding Bo survit en vendant à la sauvette des plats préparés aux touristes, stockés sur un container installé sur sa mobylette. Fatso reçoit lui régulièrement de l'argent de son père, homme d'affaire qui semble se désintéresser de son sort. Chacun d'eux a ainsi malgré la volonté parentale, préféré arrêter ses études et a refusé de s'inscrire aux examens d'entrée à l'université.
Ding Bo, Fatso et Nan Feng vont néanmoins être bientôt chassés de leur misérable appartement de Chengdu et sont à la recherche d'un nouveau logement. C'est ainsi qu'ils décident de louer plusieurs chambres dans la maison d'une ancienne chanteuse de l'opéra de Pékin, Mlle Chang. Celle-ci tente de régenter la vie en commun en conciliant ses exercices de chant à 6h30 du matin, sa nourriture très saine avec les habitudes extravagantes des adolescents.
Ceux-ci ont l'habitude de s'évader de leur morne quotient en embarquant sur des trains en marche à destination de la campagne. Un jour, Fatso est agressé par ces anciens condisciples du lycée qui lui volent son argent de poche. Nan Feng défie aussitôt la fille du groupe, s'ouvre l'arcade sourcilière et l'embrasse à pleine bouche alors que le sang lui couvre le visage. Désarçonnés par cette bravoure, les lycéens restituent l'argent.
Nan Feng est bientôt confrontée à la plaine du client qui l'avait approchée de trop près et qui prétend que son geste de défense lui a laissé des séquelles pour lesquelles il demande 200 000 yuans. Nan Feng ne veut pas perdre son travail et Ding Bo lui remet bientôt l'argent de la vente de sa mobylette. C'est insuffisant et les trois amis dérobent la somme manquant à Mlle Chang qui gardait de l'argent caché au fond d'une valise. Ils remplacent les billets par des faux, issus d'un jeu de Monopoly.
Voyant Mlle Chang faire d'étranges et mystérieuses incursions dans son garage, ils se demandent même si elle n'y cache pas un trésor. Ils sont plutôt désappointés de n'y découvrir qu'une voiture cabossée à la vitre avant brisée devant le siège conducteur. Mais qu'à cela ne tienne, ils s'en servent pour une balade à la campagne. A leur retour, ils déclenchant la colère de Mlle Chang qui reste à pleurer dans sa voiture.
C'est l'anniversaire de la mort de son fils et sa belle-fille, dont une jambe est amputée, vient pour le fêter avec elle. Mlle Chang la rudoie, trouvant inutile, mortifère et masochiste cette commémoration.
Les trois amis vont en boite de nuit et Nan Feng a la douleur de voir Ding Bo faire l'amour à une jeune fille rencontrée par hasard. Les trois amis rentrent en silence dans l'appartement, conscients que leur amitié amoureuse a été salie par cette aventure. Mais ils sont confrontés au suicide de Mlle Chang qui s'est ouvert les veines. Ils la transportent sur leur dos à l'hôpital.
Pour son réveil, ils lui organisent une curieuse et hilarante cérémonie commémorative où, déguisés en anges, ils lui annoncent que le paradis du rock-en-roll lui est interdit et qu'elle ferait mieux de rester sur terre.
Mlle Chang leur apprend que son fils a été tué lors du séisme du 12 mai 2008 qui fit 70 000 tués. Elle leur laisse faire réparer la voiture. Elle est sur le point de bruler les faux billets qu'elle a découvert quand les adolescents l'en empêchent, in extremis, les ayant, entre-temps, remplacés par des vrais. Ensemble, ils réparent le temple de Bouddha qui dans sa magnifique demeure surplombant la vallée avait été endommagé par le tremblement terre.
Sachant ce moment de réconciliation avec le monde obligatoirement éphémère, Mlle Chang se suicide en se jetant du haut de la falaise. Les trois adolescents repartent vers la ville en train.
Li Yu suit avec sensibilité et lyrisme le parcours de trois adolescents qui font bravement face à leur solitude. On découvre peu à peu que chacun d'eux vit difficilement ses relations avec ses parents. Fatso est abandonné par son riche père. Ding Bo ne supporte pas le remariage de son père qui, faute d'argent, n'a pu sauver sa première femme de la maladie. Nan Feng est confrontée à l'alcoolisme destructeur de son père. Leur amitié constitue donc leur seule arme dans un environnement particulièrement impitoyable. Fatso est poursuivi par ses anciens condisciples lycéens qui espèrent toujours lui voler son argent de poche. Nan Feng a du mal à conserver sa place de chanteuse et Ding Bo doit compter sur sa rapidité et sa vigilance pour échapper aux contrôles de police.
La richesse de cette matière romanesque suffirait à faire un film mais Li Yu prend le risque de la confronter au malheur de Mlle Chang dont le fils est mort lors du séisme du 12 mai 2008 qui fit 70 000 victimes près de Chengdu. La voiture où celui-ci mourut, devient un foyer mystérieux du film mais Li Yu ne s'appesantit pas sur ce drame macabre de la mort du fils. Le CD rayé au moment de la mort et la voiture sont transformés par les adolescents en moyens d'évasions. Grâce à eux, Mlle Chang retrouve goût à la vie. Confrontés à cette tragédie, les adolescents comprennent mieux la douleur de leurs parents et, du moins pour Ding Bo, se réconcilient avec eux.
La troisième partie du film est plus lyrique encore. La réconciliation avec le monde ne peut être que passagère, transitoire et difficile à gagner comme le prouve le suicide calme et hors champ de Mlle Chang. Il est magnifié par le plan qui s'élève vers la cascade. La magnificence du paysage, déchiré par le parcourt du train, déjà associé au faux suicide de Ding Bo et Nan Feng, le rend plus implacable et comme plus inévitable. L'adolescence est un parcours long et difficile, lyrique et tragique où les sentiments les plus profonds sont aussi les plus fragiles.
Jean-Luc Lacuve le 20/03/2011
Buddha Mountain a remporté le prix de Meilleure Contribution Artistique et son héroïne Fan Bingbing celui de Meilleure Actrice au Festival International du Film de Tokyo 2010. Le film est sélectionné au Festival du film asiatique de Deauville en 2011.