Les visages d'une dizaine de garçons de huit ans, face caméra, et, off, des bruits de canons et de mitraillettes.
A partir de leurs dessins, des enfants algériens parlent de leur expérience de la guerre. Un enfant a vu tuer son père, son frère et son cousin. "Il faut faire attention aux soldats de la France qui viennent pour arrêter mon père" dit un autre. Un enfant a vu son grand père et trois hommes arrêtés par les soldats français. Le grand père était vieux mais les trois hommes ont été exécutés. Après les soldats sont allés manger.
Le père d'un enfant a été torturé dans l'eau chaude puis dans l'eau froide. Ils disent à l'enfant, "Voici ton père, on va le tuer". Ils l'ont tué avec un coup de mitraillette. Ils ont dit à ma mère : tu es contente ou non ?"
"Des djouloudes demandent à manger, dit un autre, ils le cachent pendant cinq jours puis viennent des avions jaunes et des B26. La bataille fait rage. Les commandos français demandent aux algériens :"Pourquoi vous combattez comme ça ?" ils ont répondu nous faisons la bataille pour notre pays." "Vous avez vu des djouloutes, des fellagas" ? Fuite jusqu'à la frontière tunisienne. Sous le tir des miradors, les fuyards passent. "Nous sommes arrivés pour espérer". Le lendemain, l'enfant boit du café et mange de la galette ou, comme on dirait en français, du pain.
Des dessins d'une citée radieuse, le soleil et des fleurs. Off le cri de manifestants : "La paix en Algérie".
Le carton onitial indique : " J'ai huit ans a été projeté pour la première fois à Paris le 10 février 1962, clandestinement, en pleine guerre d'Algérie. Ce film douze ans après, vient d'obtenir son visa de censure. Vous qui le voyez aujourd'hui replacez le à cette époque où le peuple algérien a lutté victorieusement pour sa libération nationale contre el colonialisme français qui bénéficiait de l'opportunisme des parties de gauche, de l'incompréhension des plus grandes masses et du mutisme des mass-média"
Saisi 17 fois et censuré pendant 12 ans, J'ai huit ans est l'un des premiers films et un un film majeur sur la guerre d'Algérie. Après un diplôme de chef-opérateur de courts-métrages à l'école Louis Lumière, Yann Le Masson s'est retrouvé en Algérie d'août 1955 à avril 1958 comme officier parachutiste. Traumatisé par le conflit, il se promet de protester par les moyens de son art contre les guerres coloniales, et signe ce film fort et implacable, dénonçant la violence de l'armée française.
Coréalisé avec Olga Baïdar-Poliakof sur une idée de René Vautier. 0h10.