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Burning

2018

cannes 2018 (Beoning). D'après Les granges brûlées d'Haruki Murakami et L'Incendiaire de William Faulkner. Avec : Yoo Ah-In (Jongsoo), Steven Yeun (Ben), Jeon Jong-seo (Haemi). 2h28.

Lors d’une livraison, Jongsoo, un jeune coursier, retrouve par hasard son ancienne voisine, Haemi, qui le séduit immédiatement. Elle lui parle de ses cours de théâtre ou plus precisement de mime qui quand elle le desire lui permettent de manger une mandarine : sa technique est si parfaite pour en suggerer la prsence qu'il lui suffit d'oublier que la mandarine n'est pas là pour en savourer le gout. Apres l'avoir raccompagné un premier soir alors qu'elle avait trop bu, Jongsoo la retrouve lors d'un après-midi où cette fois ils font l'amour intensément chez elle, dans sa minuscule chambre. Le rayon du soleil reflété à cette heure depuis la N-Seoul tower (la tour élevée sur la montagne Nansam) semble adouber leur amour.

Jongsoo doit rentrer chez lui s'occuper de la ferme familiale à Paju à 50 kilomètre au nord de Séoul à proximité immédiate de la Corée du Nord. Il ne reste plus qu'une vache tant le père dont la femme est partie depuis longtemps se dispute avec tout le monde. Jongsoo assiste au procès du père, accusé d'avoir molesté un agent de police venu lui porter un recommandé. La peine pourrait être réduite sil acceptait de faire des excuses. Mais, muré dans sa fierté, le père refuse toute concession comme s'en plaint son avocat et unique ami à Jongsoo.

Haemi doit partir pour un voyage en Afrique rencontrer des tribus qui accèdent au bonheur grâce à leur "grande faim" dans la vie qu'ils manifestent dans des danses rituelles. Elle prépare depuis longtemps ce voyage et demande à Jongsoo de prendre soin de son chat, très sauvage qui ne se montre jamais, durant son absence. Jongsoo vient ainsi chaque jour le nourrir sans jamais réussir à l'apercevoir. Le souvenir de son après-midi d'amour avec Haemi conduit Jongsoo à se masturber sur le lit de celle qu'il aime.

Jongsoo se réjouit du retour de Haemi qui lui a demandé de venir la chercher à l'aéroport avec sa camionnette. Elle est accompagné de Ben, un jeune et séduisant et riche oisif ave qui elle a partagé de bons moments en Afrique. Ben les invite au restaurant avant de reconduire Haemi chez elle dans sa Porsche. Jongsoo, intimidé, a laissé faire lorsqu'Haemi l'a interrogé du regard. Ben invite le lendemain Haemi et Jongsoo dans une boite avec ses riches amis. Haemi raconte naïvement leur voyage et la danse des affamés sans s'apercevoir qu'elle suscite l'amusement dédaigneux des amis de Ben qui laisse faire tout en semblant s'ennuyer.

Jongsoo tente de faire signer une pétition de bonne conduite de son père par les voisins qui rechignent tant celui-ci s'est au contraire toujours montré sauvage. Il accepte une invitation de Ben et Haemi qui dorénavant s'affiche ave lui. Dans l'appartement très luxueux de celui-ci, Jongsoo découvre dans la salle de bain un tiroir contenant des objets personnels de jeunes filles dont un collier marquée d'un prénom.

Un autre jour, alors qu'il s'active aux travaux de la ferme, Ben et Haemi l'avertissent de leur visite imminente. Jongsoo avoue à Ben être amoureux de Haemi et celui-ci lui révèle qu'il aime bruler des serres en plastique. Son prochain objectif sera une serre près de chez lui.

Un autre jour, alors qu'il s'active aux travaux de la ferme, Ben et Haemi l'avertissent de leur visite imminente. Jongsoo avoue à Ben être amoureux de Haemi et celui-ci lui révèle qu'il aime bruler des serres en plastique. Son prochain objectif sera une serre près de chez lui.

Jongsoo parcourt la campagne près de chez lui pour repérer toutes les serres mais au fil des jours aucune ne semble avoir brûlé. Il tente d'avertir Heami mais trouve son appartement pour une fois bien rangé et elle ne donne plus signe de vie.

Jongsoo finit par se persuader que Ben a fait disparaitre Haemi. Il le suit dans ses pérégrinations sans but, découvre qu'il est en train de séduire une autre fille naïve qui l'ennuie, retrouve un chat, probablement celui d'Haemi chez Ben et, surtout, la montre rose dans le tiroir de la salle de bain à côté de la trousse à maquillage.

Ben est en train de maquiller la jeune fille précédemment rencontrée, probablement pour accomplir la cérémonie conduisant à son meurtre.

Un peu plus tard, Ben appelé par Jongsoo qui prétend lui donner des nouvelles d'Haemi. C'est un piège, sur une route peu fréquentée, Jongsoo assassine Ben à coups de couteaux avant de se déshabiller et mettre ses vêtements dans la Porsche qu'il fait brûler. Jongsoo grelottant dans la neige, rejoint sa camionnette et s'éloigne pendant que, derrière lui, la Porsche flambe.

Jongsoo écrit sur son ordinateur. A-t-il enfin trouvé l'inspiration ? La scène précédente était-elle fantasmée ?

Lee Chang-dong semble d'abord s'intéresser à la relation amoureuse entre Jongsoo et Haemi, deux jeunes gens en proie à des difficultés économiques, avant de s'abstraire de ce sujet précis au profit d'une réflexion plus ample mais peut-être aussi plus désincarnée et symbolique sur l'absence, le vide et la création.

Deux adolescents entre Seoul et Paju.

La relation amoureuse entre Jongsoo et Haemi est très belle, sobre et intense. D'où le regret de la voir abandonnée au profit d'un thriller cousu de fils blancs tant Ben apparait, dès le départ, si ce n'est comme le criminel qu'il se révèle être, du moins comme un névrosé, fils de riche, ayant sans doute usé de tous les plaisirs possibles (amis, filles, cuisine, appartement luxueux et voitures de courses) avant de trouver une excitation dans le crime.

Tout conduit à pense que Jongsoo a fini par se persuader que Ben a fait disparaitre Haemi. Il le suit dans ses pérégrinations sans but, découvre qu'il est en train de séduire une autre fille naïve qui l'ennuie, retrouve un chat, probablement celui d'Haemi chez Ben et, surtout, la montre rose dans le tiroir de la salle de bain à côté de la trousse à maquillage. La scène de meurtre pourrait certes être fantasmée mais cela n'indiquerait pas pour autant que Ben, avec les indices précédents, ne soit pas un meurtrier. Cela d'autant plus que l'on a vu Ben en train de maquiller la jeune fille précédemment rencontrée, probablement pour accomplir la cérémonie conduisant à son meurtre.

Ainsi est-il plus simple de croire le meurtre réel car aucun indice ne vient montrer qu'il s'agit d'un fantasme d'écrivain. La séquence finale de Jongsoo écrivant sur son ordinateur est, si l'on peut dire, un abus démiurgique du réalisateur qui, in fine, fait le malin en contredisant la série d'indices et la psychologie qu'il s'est évertué à mettre en place.

Alors que le film est hyper fabriqué, il peut ainsi à moindre frais susciter le débat. un peu vain.

Tuer Gatsby le magnifique

Probablement désespéré de la facilité avec laquelle il fait disparaitre les jeunes filles, Ben se laisse approcher par Jongsoo. Il lui déclare brûler des serres en plastique comme le demi-aveu de crimes bien pires. En lui indiquant une destruction par le feu proche de chez lui, c'est à Haemi qu'il pense. Plus tard il ne cherche pas vraiment à se cacher lorsque celui-ci le poursuit et tente même de lire Faulkner cherchant un éventuel nouveau centre d'intérêt.

A l'image de son antihéros, Lee Chang-dong fait preuve de sophistication dans sa mise en scène avec des séquences symboliques où vides et plein coexistent. L'absence, le vide et le désespoir qu'ils créent deviennent ainsi le sujet un peu abstrait du film en phase avec l'attente de l'inspiration chez un jeune écrivain.

Chaque plan un peu mystérieux trouve son utilité scénaristique : la montre rose, le mime de la mandarine mangée, le rayon de soleil reflété par la N Seoul tower, la danse des indiens, la danse sur Ascenseur pour l'échafaud de Mile Davis, le souvenir d'avoir été au fonds d'un puits, le chat, les serres, les couteaux dans le coffre du père, les contemplations de la nature de Ben, le tiroir aux objets caractérisant chaque victime, la trousse à maquillage, le paysage du lac désert, la neige, la nudité et le feu .

Il n'est pas jusqu'aux épisodes du procès du père et des retrouvailles avec la mère qui tournent autour du thème de l'absence. Elles disent toutefois que certaines absences ne sont pas aussi difficiles à supporter et constituent presque un soulagement. La mère aurait vendu ses organes (là aussi symbole d'un vide possible) s'ils avaient été en bon état !

Les séquences symboliques s'accumulent ainsi sur près de 2h30 sans réellement creuser le sujet dune histoire d'amour (Haemi disparait trop tôt) ou d'une lutte des classes (un peu schématique). Celle-ci reste en partie inexploitée, juste esquissée : les oppositions entre Corée du Nord et Corée du Sud, les Gatsby trop nombreux responsables de la misère en Corée.

Jean-Luc Lacuve le 16 septembre 2018

 

précédente critique du 1er septembre:

La relation amoureuse entre Jongsoo et Haemi est très belle, sobre et intense. D'où le regret de la voir abandonnée au profit d'un thriller cousu de fils blancs tant Ben apparait, dès le départ, si ce n'est comme le criminel qu'il se révèle être, du moins comme un névrosé, fils de riche, ayant sans doute usé de tous les plaisirs possibles (amis, filles, cuisine, appartement luxueux et voitures de courses) avant de trouver une excitation dans le crime.

A l'image de son antihéros, Lee Chang-dong fait preuve de sophistication dans sa mise en scène et finit par tuer d'ennui le spectateur avec de trop longues "séquences poétiques" : les danses de Haemi, les courses de Jangsoo, les contemplations de la nature de Ben. Chaque plan un peu mystérieux trouvera son utilité scénaristique : les couteaux dans le coffre du père, le tiroir aux objets caractérisant chaque victime, la trousse de maquillage, le chat. Même la séquence finale est trop esthétisante.

Du "beau" cinéma, à mon avis un peu vain car restent inexploités les oppositions entre Corée du Nord et Corée du Sud, écrivain et son Gatsby ou même les contrastes sociaux en Corée du Sud, ici trop tranchés.