Nue propriété
2006

Thierry et François, faux jumeaux d'une vingtaine d'années, entretiennent une relation fusionnelle sous l'œil amusé de leur mère qui les élève seule.

Celle-ci, Pascale, a depuis quelques temps un amant, Jan, son voisin, cuisinier, qui lui propose de changer de vie et d'aller restaurer une ferme auberge dans le Périgord.

Pascale qui a dissimulé ses projets à ses fils est d'autant plus effarouchée lorsque ses fils réagissent très violemment à son dessin de vendre la maison. La médiation de Jan se révèle encore plus conflictuelle. François semble disposé à accepter son projet mais Thierry s'y oppose de plus en plus grossièrement et violemment.

Enjoint par Jan comme par Luc, le père de ses fils, de régler ses relations avec ses enfants, Pascale craque. Elle décide de quitter la maison pour se reposer chez son amie Gerda.

Restés seuls, Thierry et François campent sur leurs positions. L'un acceptant le projet de sa mère, l'autre le refusant. Après une ultime provocation, ils en veinent aux mains et par accident Thierry provoque une grave blessure à la colonne vertébrale de son frère.

Ayant appelé son père, il fuit. Lorsque Luc et Pascale reviennent de l'hôpital, ils ignorent si François survivra. Thierry insulte ses parents ; Luc le remet à sa place. Avec Pascale, ils ramassent les morceaux de la table basse sur laquelle s'était effondré François

Quelques temps après la maison est vide. Sur une musique dissonante et énergique, une voiture s'éloigne de la propriété en révélant l'inutile splendeur.

 

La dédicace "A nos limites" qui ouvre le film en révèle le projet sur le mode aussi radical, ambitieux, limpide et cinglant qu'il conservera sur la durée.

Les premières scènes installent une atmosphère chaleureuse et fusionnelle. L'essaie de la lingerie, la recherche des habits et le lavage des dents le matin, les repas le soir après la venue du père ou donnant lieu à un jugement peu amène sur la coiffure contestable de la mère, le moto-cross dans les champs et dans la boue puis le bain partagé, le jeu vidéo sur le lit.

Pourtant elles ont déjà installé une légère inquiétude. Dans la salle de bain, l'intimité de chacun n'est guère respectée et le cadre serré autour de Pascale et ses fils la fait toujours apparaître comme la plus fragile des trois. Les scènes d'amour avec Jan dans le coffre de la voiture ou plus classiquement furtivement chez elle révèlent sa liberté et son énergie.

Le sentiment qu'elle est sous surveillance de ses fils s'installe peu à peu et justifie les précautions qu'elle prend avec eux qui, dans un premier temps intriguaient. Progressivement, la mise en scène fait le vide autour de Pascale, saisie en arrière plan derrière ses deux fils jouant à ping-pong à l'avant plan ; fragile et désolée le matin chez Jan après l'échec du repas en commun avec les fils ou rejetée derrière la porte qui se ferme chez son ancien mari.

L'enfance survit au travers de la photo d'un des jumeaux au mur ou lorsque Pascale donne à manger une pomme au fils de Gerda. Mais le comportement enfantin des deux adolescents apparaît bien vite pour ce qu'il est, déplacé : les chips et le ketchup ont remplacé la pomme, la blague de superman ne fait plus rire et la bagarre vire au drame.

A nos limites s'entend alors probablement comme celles léguées par le passé aussi chaleureux et fusionnel fut-il et le nécessaire besoin de quitter -sans abandonner pour autant -ce que l'on a aimé pour, toujours, refaire sa vie.

L'espoir de liberté que célèbre Joachim Lafosse dans sa dédicace d'ouverture et sa séquence finale (la seule en musique) du départ de la voiture ne peut qu'être violemment ressenti par le spectateur effrayé par l'horrible gâchis vécu par ces personnages qu'il n'avait cessé d'aimer.

J.- L. L. le 26/02/2007

 

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Avec : Isabelle Huppert (Pascale), Jérémie Renier (Thierry), Yannick Renier (François), Kris Cuppens (Jan), Patrick Descamps (Luc), Raphaëlle Lubansu (Anne), Sabine Riche (Gerda). 1h30.