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Ran

1985

Avec : Tatsuya Nakadai (Hidetora Ichimonji, le seigneur), Akira Terao (Taro Takatora Ichimonji, son fils aîné), Jinpachi Nezu (Jiro Masarora Ichimonji, son fils cadet), Daisuke Ryu (Saburo Naotora Ichimonji, le benjamin), Mieko Harada (dame Kaede, l'épouse de Taro), Yoshiko Miyazaki (dame Sue, l'épouse de Jiro), Takeshi Nomura (Tsurumaru, le frère cadet de dame Sue, aveugle). 2h40.

Dans le Japon féodal du XVIe siècle en proie aux guerres de clans, le vieux seigneur Hidetora Ichimonji, flanqué de son "fou" Kyoami et de toute sa suite, décide soudain, après une partie de chasse, de donner son fief et ses trois châteaux à ses trois fils, Taro (l'aîné), Jiro et Saburo. Pourtant, ce dernier est hostile au projet, pensant que cela précipitera la division, puis la perte du clan Ichimonji : il est banni pour avoir osé braver l'autorité du patriarche. Dame Kaedé, femme de Taro, et dont la famille a jadis été décimée par Hidetora, précipitera les événements et sa vengeance : Taro, Jiro et leurs alliés attaquent le château de Saburo où Hidetora a trouvé refuge : la partie perdue, il descend l'escalier du château en flammes comme un automate et s'en va errer dans la folie, accompagné du fidèle Kyoarni, et de son aide de camp Tango. Après la mort de Taro au combat, Kaedé épousera Jiro, dont elle fait assassiner la femme, Sué.

Dans son exil, Hidetora et ses compagnons cherchent abri dans une cabane, où ils retrouvent Tsurumaru, le frère de Sué, une ancienne victime de Hidetora, devenu aveugle, personnage désespéré mais encore humain dans ce monde où " même Dieu et Bouddha ne pourraient sauver les hommes de leur stupidité meurtrière". Hidetora ne survivra pas longtemps à sa défaite et au déshonneur de ne s'être pas fait hara-kiri, et mourra d'épuisement et de folie dans les bras de Saburo revenu pour le sauver, et qui est tué d'une balle perdue. Tsurumaru joue de la flûte au bord des ruines de son château détruit : seule une image de Bouddha permet d'entrevoir un peu d'espoir dans ce monde infernal...

Kurosawa s'attaque à sa seconde adaptation de Shakespeare après celle de Macbeth dans Le château de l'Araignée (1949). C'est pourtant en s'interrogeant sur un personnage exemplaire de l'histoire japonaise, Motonari Mori, un chef de guerre du XVIe siècle, légendaire pour avoir su transmettre sa fougue, son courage mais aussi sa sagesse à ses descendants que Kurosawa va développer son interprétation personnelle du Roi Lear. Quel aurait été l'avenir de la famille Mori si les fils s'étaient opposés à leur père et s'étaient déchirés ? La réponse est Ran (chaos). Une anecdote indique le basculement. Hidetora raconte la parabole de Mōri Motonari : il donna à chacun de ses fils une flèche et leur dit de la briser. Quand ils l'eurent fait il leur montra trois flèches et leur demanda s'ils pouvaient les briser. Tous échouèrent, et Motonari leur enseigna comment il est facile de briser une flèche mais non trois ensemble. Ici, Saburo brise le faisceau sur son genou et conclut que la leçon est idiote. (Le thème des flèches en faisceau que l'on ne peut briser, a été mentionné aussi par Plutarque lorsque le roi des Scythes Scilurus, invite, lui aussi, ses fils à rester unis. Elle est aussi à l'origine du mot fascisme).

Kurosawa transforme les filles de la pièce en fils et développe les explications concernant le désir de vengeance des belle-filles, notamment Kaedé dont la famille a jadis été décimée par Hidetora. Mais ce sont les visualisations stylisées de l'horreur auxquelles s'abandonne Kurosawa qui ont marquées.

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