Le couple sans histoire formé par Alice et Bill Harford quitte l'appartement familial pour se rendre à une réception donnée par un de leurs meilleurs amis, Victor Ziegler.
Au cours de cette soirée, Bill est abordé par deux ravissantes jeunes femmes qui lui demandent s'il se souvient d'elles. Perdant de vue sa femme, il cherche à la retrouver mais n'arrive pas à décrocher son regard des deux inconnues. Durant la réception, un incident vient troubler l'atmosphère. Une jeune femme nue et droguée s'est évanouie dans le bureau de Ziegler, alors que ce dernier était sans doute sur le point de la violer. Harford court à son chevet, et tire la jeune femme de son malaise. Le sexe et la mort se rejoignent un instant. Un plan en légère contre-plongée montre Ziegler torse nu, juste vêtu de son pantalon et d'une paire de bretelle en train de regarder Tom Cruise. Derrière lui, le tableau d'une femme nue sur fond rouge semble résumer les obsessions du personnage. En montage parallèle, Alice, un peu ivre, se laisse séduire par un gentleman hongrois à l'accent prononcé.
Une fois rentrés chez eux, Alice, nue, se regarde dans un miroir, bientôt rejointe par Bill qui se met à l'embraser. Chacun aurait-il besoin de son image, de ce reflet du couple idéalisé pour croire en cet amour ? Suit alors la scène de ménage : sur le lit de la chambre à coucher, Alice, l'épouse, parle en premier. Bill réalise que la mère de son enfant, la femme qui partage son lit, est une parfaite inconnue. Encore sous l'emprise de l'alcool, Alice évoque ses fantasmes lors d'un voyage à Cap Cod, son désir réprimé de se retrouver seule avec un homme qu'elle n'a jamais oublié depuis. Ce couple n'est plus rien et devient une source d'effroi pour l'autre.
Cette scène est le point de départ de l'errance nocturne de Bill qui est appelé auprès d'un de ses patients mourants, Nathganson. A son arrivée chez lui, l'homme est déjà mort et repose dans son lit tandis que sa fille, Marion (Marie Richardson), en pleurs, contemple son corps immobile. Marion se jette aux pieds de Bill et lui déclare sa flamme. Il la repousse et la quitte puis rencontre une prostituée, Domino, avec laquelle pourtant, il ne fera pas l'amour. Bill, par l'intermédiaire de son vieil ami Naghtingale, réussit à se mêler à une foule d'inconnus, conviés à une mystérieuse orgie. Il ne connaît que le mot de passe qui permet d'entrer : "Fidelio". Perturbé par son escapade nocturne, Bill va vouloir mener l'enquête et retrouver une mystérieuse jeune femme à qui il doit sans doute la vie. Le doute s'installe. La jeune femme a peut-être été assassinée. Il est suivi par un inconnu. Il retrouve chez lui un masque de l'orgie, il avoue tout à sa femme qui le rassure : "je sais ce qu'on va faire maintenant- Quoi donc ? - baiser"
Un homme dont la conception de l'existence vient d'être bouleversé par sa femme, qui lui a confié ses fantasmes d'adultère, s'autorise de cette confession pour s'affranchir de toute contrainte et pénétrer dans le royaume raffiné du sublime. Mais son inconscient lui rappelle que s'il peut concrétiser ses fantasmes au sein de la réalité, il peut ne pas avoir envie de suivre leur direction toute tracée vers l'érotisme et les plaisirs du sexe.
La séquence de l'orgie en offre un exemple qui vaut pour le film entier : bien que le rite soit connu et facile à suivre, le héros pris dans une sorte de sommeil onirique ne peut l'appréhender. Tout au long du film, la séparation entre rêve et réalité flotte de manière indécise. La série d'aventures auxquelles Bill se soumet s'enchaîne en effet trop rapidement et démarre trop bien (beauté un rien trop raffinée des décors, costumes et personnages) pour finir trop mal, (toujours par une figure de la mort : nécrophilie avec la fille éplorée, sida avec la prostituée, crime avec la jeune fille mineure, complot avec la partouze géante) pour que l'on puisse penser qu'il s'agisse de faits réels.
Les aventures, en parties réelles, sont probablement embellies des projections mentales élaborées par Bill puis détruites d'un coup par lui : finalement, le complot présumé cessera dès qu'il finira d'y penser. Ne pouvant littéralement maintenir ses fantasmes en vie, Bill est bien obligé de revenir au couple.
Ainsi, alors que le couple comme horizon indépassable est traité sur le mode du drame sentimental dans L'aurore, Jules et Jim, La maman et la putain ou intimité , Kubrick se montre beaucoup plus pessimiste : si Bill revient au couple,c'est parce qu'il a, thème omniprésent du metteur en scène, peur de vivre.