Abdelkrim dit "Krimo", quinze ans, vit seul avec sa mère dans une H.L.M. de la banlieue parisienne. Il traîne son ennui dans sa cité avec Fathi, son meilleur ami, et leur bande de potes. Un beau jour, Krimo craque pour la malicieuse Lydia, une copine de cours. Mais le jeune homme n'est guère bavard et a une réputation à tenir. Comment déclarer sa flamme à la jeune fille sans perdre la face ? Une solution s'impose : soudoyer Rachid, partenaire de scène de Lydia, pour reprendre le rôle d'Arlequin dans " Les Jeux de l'amour et du hasard " de Marivaux, que certains élèves de la classe montent pour la fête de l'école. Ce que Krimo n'ose avouer à Lydia, Marivaux le fera à sa place. Mais l'audacieuse manuvre vire au parcours du combattant pour le timide jeune homme.
La professeur de français l'explique longuement et très bien à ses élèves: Marivaux montre que l'on est victime de sa catégorie sociale même dans les choix qui relève de l'être intime. Chez Marivaux, les riches finissent par épouser les riches et, malgré leur déguisement, les pauvres ne parviennent à se faire aimer que des pauvres.
On comprend ainsi assez vite que l'enjeu du film est de savoir si l'inculte Krimo, qui n'a jamais lu un livre mais qui pour l'amour de Lydia devenue une adorable Lisette entreprend de jouer Arlequin, parviendra à se faire aimer. Le choix d'une cité du 93, en l'occurrence Saint-Denis, pour le cadre de cette initiation adolescente rajoute un indéniable intérêt sociologique mais permet aussi d'apprécier la fraîcheur et la verdeur d'un dialogue presque aussi joyeux et plein de fantaisie que celui de Marivaux.
Comme une pièce, le film est découpé en plusieurs actes et en longues scènes. Premier acte : Krimo qui ne semble plus guère amoureux de sa copine de toujours rencontre par hasard Lydia qu'il connaît aussi depuis l'enfance. Celle-ci marchande avec l'artisan couturier de la cité le prix de sa robe, emprunte 10 euros à Krimo, subjugué de la voir dans ce costume. Lisette entraîne Krimo assister à une répétions en plein air de l'autre côté de la cité.
Deuxième acte : Krimo se déguise en Arlequin pour être le plus souvent possible avec Lydia. Mais, sans talent, il se contente de rêver devant Lydia (admirable scène de l'arbre-lampadaire) avant de se décider à l'embrasser et à lui demander de sortir avec lui.
Troisième acte : Lydia ne répond pas tout de suite et les amis des deux parties concourent à éloigner les amoureux. Krimo abandonne son rôle, se calfeutre dans sa chambre. Lydia après avoir triomphé sur scène revient le voir. Il ne répond pas.
L'Esquive a nécessité deux mois de répétition pour les acteurs pris dans la cité alors que Sara Forestier a du, elle, apprendre à parler le langage des banlieues. Le résultat est tout à fait étonnant, remarquable de justesse alors que, très souvent, on évite de donner beaucoup de texte à jouer à des acteurs non professionnels et surtout du texte très écrit comme c'est ici le cas.
Le film, à l'image de son titre, esquive tous les clichés qui risqueraient de le figer dans une posture attendue. Ainsi, alors que la première séquence semble être une préparation de braquage par des jeunes de la cité, on passe à une scène de rupture amoureuse. Ainsi du milieu familial de ces jeunes dont on apprend un peu (père en prison, rêve d'un voyage en voilier autour du monde) mais pas trop (à l'image de la mère qui fait confiance à Krimo sur son emploi du temps). Ainsi, enfin, de la scène de répression policière qui suit le vol de la voiture et dont on comprend surtout qu'elle a empêché une déclaration d'amour réciproque qui n'aura probablement plus jamais lieu.
Avec : Osman Elkharraz (Krimo), Sara Forestier (Lydia), Sabrina Ouazani (Frida), Nanou Benahmou (Nanou), Hafet Ben-Ahmed (Fathi), Aurelie ganito (Magalie) Carole Franck (la professeur de français), Hajar HamiliI (Zina), Rachid Hami (Rachid), Meriem Serbah (La mère de Krimo). 1h40.