Une main sur un néon. Un couple sagement endormi. Dans la nuit, un homme qui court. Une main sort de l'eau. Une femme qui se réveille au petit matin, sort de la case pour fixer, dans le champ derrière les toilettes extérieures, un char folâtrant (plus que manuvrant) parmi les hautes herbes. La jeune femme qui dormait se lève, verse de l'eau sur son corps nu. Son compagnon part travailler. Il relève le vieux garde de nuit qui veille sur la lagune désertée dans laquelle ils se sont résignés à vivre.
Plus loin, la jeune Batti, s'en va pour l'école. Elle croise la femme matinale. L'homme, Anura, garde un poste frontière. Des soldats l'invitent pour une balade. Ils le déshabillent et le jettent nu dans la rivière. Plus tard, un ami soldat viendra lui porter des vêtements pour qu'il rentre chez lui
Au retour, dans le bois, Batti cherche à éviter le vieux garde qui tente de l'approcher avec des cadeaux : une tortue ou une mangouste.
Les relations se dessinent : Soma qui revient du travail est la sur d'Anura. Celui-ci est marié avec la jeune femme avec qui il dormait eu début. Celle-ci, Lata, supporte mal la présence de sa belle sur.
Dans le bois, Lata découvre un couple faisant l'amour. Elle ne tarde pas à se donner à un soldat, l'ami d'Anura, celui qui lui avait apporté des vêtements.
Soma, généreuse, offre une radio au couple sur sa paye. Dans l'esprit de Batti, la petite voisine, elle est comme une seconde maman chez qui elle vient se réfugier notamment après son viol probable par le vieux garde (séquence de la mangouste- pleurs de Batti chez Soma- visite de la maison délabrée et arrêt devant le graffiti obscène puis discussion apaisante dans la lande).
Batti retourne chez le vieux garde qui lui raconte le conte de "Petit oiseau", jeune fille pauvre qui, après de multiples voyages, put enfin trouver un mari qui, dans un accès de colère, la tua puis devint fou et se consuma au feu qu'il avait allumé.
Soma découvre l'adultère de Lata. La femme enceinte meurt. Les soldats arrêtent l'amant de Lata qui désertait pour elle son poste. Ils le font tuer par Anura qui l'exécute lâchement sur ordre des militaires sans savoir qui il tue.
Soma se pend. La radio égrenne le noms de disparus.
Le contexte est celui de l'après-guerre civile qui a ravagé le Sri Lanka, durant le conflit opposant le gouvernement reconnu par la majorité cingalaise à la guérilla tamoul.
Mais la guerre qui menace est abstraite et le film est un remake à peine décalé du Silence de Bergman : même initiation sexuelle, ici d'une jeune fille, là-bas d'un jeune garçon ; mêmes chars d'assauts ; même décor symbolique reconstitué, ici les bois, la lagune, là-bas les couloirs de l'hôtel ; même sort réservé à l'une des deux femmes ; omniprésence de la culpabilité enfin qui renvoie aussi à l'autre "film de guerre" de Bergman : La Honte.
Dans cette terre abandonnée, la sexualité est brutale et rapide comme les rêveries "quand tu fumes un joint, dit le soldat à son ami, c'est comme si Dieu t'enculait" ou les actes (l'assassinat du soldat). A part, le conte de "Petit oiseau", les paroles sont aussi rares et brèves.
Le tour de force du film est probablement de cacher un programme narratif finalement assez chargé en le dispersant sous forme de scènes symboliques dont il appartient au spectateur de reconstituer le sens.
Le panthéisme, parfois proche de celui d'Alain Guiraudie, s'accorde ainsi très bien avec une symbolique qui peut paraître assez lourde (les fenêtres ouvertes les unes après les autres dans la maison avec le vent qui s'y engouffre pour signifier le désir de Lata) mais qui est constamment recherchée comme l'unique moyen d'expression de ses personnages.
Jean-Luc Lacuve le 02/02/2006