Le grand sommeil

Philip Marlowe, détective privé de Los Angeles, est convoqué au manoir du général Sternwood. Dans le hall d'entrée, il croise l'aguicheuse Carmen qui lui tombe littéralement dans les bras avant que le majordome, Norris, ne l'introduise dans la serre tropicale aux orchidées où l'attend le vieux général qui tente de s'y réchauffer. Sternwood explique à Marlowe qu'il a reçu des reconnaissances de dettes signées par sa fille Carmen au nom d'Arthur Geiger, gérant d'une librairie, dont il comprend bien que c'est une manière de lui extorquer de l'argent, tout comme une première tentative de chantage dont il fut victime de la part d'un certain Brody six mois auparavant. Marloe explique qu'il doit se résigner à payer tout en s'étonnant de n'avoir pas eu vent de cette tentative de chantage.  Sternwood  convient qu'il n'avait pas averti la police, laissant le soin de régler cette affaire par son ami, l'ex contrebandier et révolutionnaire irlandais Sean Regan qu'il avait attaché à son service.Il est meurti que celui-ci soit parti il ya un mois de cela sans lui donner plus de nouvelles. Par ailleurs, il ne veut pas en parler à sa fille aînée, Vivian, désormais Rutledge, qui est revenue vivre chez lui après l'échec de son mariage.C'est pourquoi, il se résout à engager Marlowe pour mettre fin au chantage qu'exerce sur lui Geiger.

Alors que Marlowe part, Norris lui signifie que Vivian Rutledge désire le voir. Elle soupçonne que le véritable motif de son père pour engager un détective est de retrouver son protégé, Sean Regan, qui a disparu un mois plus tôt et tente vainement de l'engager pour cela. Marlowe refuse après une discussion tendue, pleine de réparties aussi agressives que spirituelles.

Marlowe se rend dans la Bibliothèque publique de Los Angeles pour se renseigner sur les vieux livres. Puis, déguisé avec des lunettes noires et affectant un ton chevrotant, il entre dans la libraire de Geiger où il est reçu par une femme brune, Agnès Lozelle qui lui signifie que Geiger est absent. Marlowe demande alors si elle peut lui procurer les mémoires de Landru dans leur troisième édition ou un ouvrage sur le Douanier Rousseau datant de XVIIIe. Lorsqu'après une hésitation, elle lui signifie ne pas les avoir, il demande si la librairie d'en face pourrait le renseigner ainsi que sur les céramiques argentines.

A la librairie d'en face, Acmé, il est reçu par sa charmante propriétaire, une brune à lunettes.  Elle partage son étonnement quand il lui dit que sa supposée consoeur n'a pas su percevoir l'inexistence des œuvres demandées.  Il obtient une description détaillée de Geiger pendant qu'elle le parcourt du regard de haut en bas.  Comme il pleut, il lui propose de partager sa fiole de cognac en attendant la sortie des occupants d'en face. Elle accepte tout en ôtant ses lunettes et dénouant ses cheveux....Une heure plus tard, à la fermeture de la librairie, un homme s'engouffre dans une voiture. Marlowe la suit et arrive ainsi devant une maison où vient stationner une deuxième voiture dont l'occupant entre dans la maison. Marlowe découvre que la voiture appartient à Carmen. Entendant un coup de feu et le cri d'une femme, il entre par effraction et trouve le corps de Geiger et une Carmen droguée, ainsi qu'une caméra cachée, sans pellicule. Il ramène Carmen chez elle et la confie à Vivian lui intimant de faire silence et d'affirmer que Carmen n'a pas quitté la maison de la soirée. Il lui extorque aussi qu'elle s'inquiète pour une éventuelle présence de Regan dans cette affaire de chantage. Piégée, Vivian lui affirme qu'il va trop loin. "Vous êtes cruelle avec les hommes quand ils sortent de votre chambre" lui réplique-t-il  alors.

Pendant la nuit, alors qu'il tente de déchiffrer le carnet trouvé chez Geiger, Marlowe reçoit la visite de son ami Bernie, inspecteur de police, qui l'invite à venir avec lui inspecter une limousine de Sternwood retrouvée au fond du Lido avec un cadavre à son bord. Il se révèle qu'il s'agit d'Owen Taylor, le chauffeur des Sternwood. Il a été frappé à l'arrière de la tête avant que la voiture ne franchisse la barrière du quai.

Le lendemain matin, Marlowe trouve Vivian qui l'attend devant son bureau. Elle a reu les photos comprometantes de Carmen ainsi qu'un appel téléphonique d'une femme lui reclamant 5000 dollars si elle ne veut pas que les photos soient divulguées dans la presse et récuperer les nagatifs. Marlowe lui fait avouer que le chauffeur, mort dans la nuit, était très amoureux de Carmen. Comme il refuse de l'aider, elle menace de téléphoner à la police. Il l'en empêche au dernier moment et ils s'amusent à se passer le téléphone mutuellement pour faire tourner en bourrique leur correspondant au commissariat. Vivian affirme pouvoir trouver 5000 dollars chez Eddie Mars, celui dont il est de notoriété publique que la femme est partie avec Sean Regan. Marlowe aimerait en savoir davantage sur les relations de Vivian avec Mars mais celle-ci détourne la conversation estimant que cela leur fera un sujet de conversation pour la fois d'après.

Marlowe retourne à la librairie de Geiger et constate qu'elle est en plein déménagement. Lorsqu'une voiture en sort, il la suit en taxi, conduit par une charmante jeune femmme, jusqu'à un immeuble sur Randall Place où il repère l'appartement de Joe Brody, celui qui avait fait chanter Sternwood une première fois. Il retrouve ensuite Carmen devant la maison de Geiger, où elle se souvient vaguement de ce qui s'est passé la nuit précédente. En réponse à une question de Marlowe, elle affirme un peu lourdement que c'est Brody qui a tué Geiger. Ils sont interrompus par le gangster Eddie Mars surpris de trouver deux inconnus chez lui. Il est en effet le propriétaire de cette maison qu'il louait à Geiger. Mars laisse partir Carmen, et fait fouiller Marlowe par ses hommes de main. Marlowe tente de le provoquer sur la fuite de sa femme mais ne s'attire qu'une réponse indifférente. Rentré à son bureau, il reçoit un appel de Vivian lui disant qu'elle part chez Eddie Mars en espérant gagner les 5000 dollars. il lui affirme qu'il ne quittera pas le bureau tant qu'elle ne lui aura pas confirmé avoir cet argent. Mais il ne fait rien et sort précipitamment.

Marlowe se rend devant l'immeuble de Brody, où il ne tarde pas à voir arriver Vivian. Il grimpe alors l'appartement et force la porte de Brody qui est bientôt contraint de faire sortir de la pièce voisine Agnès et Vivian qui s'étaient cachées. Vivian veut le faire partir, estimant qu'avec ses 5000 dollars elle va régler l'affaire. Mais Marlowe ne l'entend pas ainsi : si Body ne lui rend pas les photos, il n'aura aucun mal à le faire accuser des meurtres de Geiger et Taylor. Au grand dam d'Agnes, Brody se dégonfle. Il admet qu'il était derrière le chantage, ayant volé les négatifs de Taylor, mais nie l'avoir assassiné pas plus que Geiger. Ils sont interrompus par Carmen qui veut ses photos. Marlowe la désarme et renvoie Vivian et Carmen chez elles. C'est alors que l'on sonne de nouveau chez Brody. Il est abattu lorsqu'il ouvre sa porte. Marlowe poursuit le tueur et appréhende Carol Lundgren, le chauffeur de Geiger qu'il avait suivi en taxi. Celui-ci croyait que Brody l'escroquait. Marlowe le conduit chez Geiger et a la surprise de voir que Lundgren a ramené le corps de celui-ci dans son lit. Il appelle la police pour arrêter Lundgren et faire constater que le corps de Geiger est criblé des balles appartenant au revolver de Taylor retrouvé sur son corps repêché dans l'eau.

Le lendemain, Vivian verse un chèque de 500 dollars à Marlowe pour avoir réussi à mettre hors d'état de nuire Geiger et Brody sans que la presse ne fasse état des photographies de Carmen. La conversation entre eux sur les courses hippiques est prétexte à des allusions amoureuses et sexuelles. Mais Marlowe n'est pas dupe et comprend que les 500 dollars ne viennent pas du général avec qui il avait fait affaire pour 25 dollars par jour. Vivian admet que c'est elle qui le paie avec un surplus car son père est content que Sean ne soit pas mêlé à cette histoire. Marlowe n'en est pas sûr et la provoque de nouveau mais en vain sur les liens entre elle, Mars et Regan.

Marlowe se rend au casino de Mars où il lui pose des questions sur une éventuelle complicité de Regan avec Geiger. Mars nie, tout en restant évasif sur ses liens avec Vivian qui accumulerait des dettes de jeu. En sortant, Marlowe apprend que Vivian l'a demandé pour la raccompagner alors qu'elle gagne un gros pari de 28 000 dollars. Un complice de Mars tente de voler Vivian, mais Marlowe l'assomme. En rentrant en voiture, Marlowe insiste auprès de Vivian sur le lien qu'elle entretient avec Mars mais elle n'avoue rien. Ils s'embrassent plusieurs fois mais Marlowe sait que ce vol prétendu est un coup monté pour lui faire croire qu'elle n'est pas liée à Edie Mars. Il l'a met au défi de lui montrer les 28 000 dollars qu'elle prétend avoir dans son sac, ce qu'elle ne peut faire. De retour chez lui, Marlowe trouve une Carmen aguicheuse qui l'attend. Elle dit qu'elle n'aimait pas Regan et mentionne que Mars appelle fréquemment Vivian. Lorsqu'elle tente de séduire Marlowe, il la met dehors.

Le lendemain, à deux heures de l'après-midi, Marlowe est réveillé par Bernie qui lui intime l'ordre d'arrêter son enquête. Son patron a eu Vivian et téléphone qui a fait pression sur lui. Vivian lui confirme qu'il peut arrêter de chercher Regan ; il a été retrouvé au Mexique et elle va le voir.

Mars fait tabasser Marlowe pour l'empêcher d'enquêter davantage. Il est retrouvé par Harry Jones : un associé d'Agnès qui est épris d'elle. Jones lui fait part de son offre de révéler l'emplacement de la femme de Mars pour 200 $. Lorsque Marlowe va le retrouver chez lui avec l'argent, il l'entend converser avec Lash Canino, un tueur engagé par Mars, qui est là pour trouver Agnès. Alors que Marlowe regarde depuis sa cachette, Canino menace Jones jusqu'à ce que Jones lui révèle l'adresse d'Agnès, 28 rue Court. Canino force alors Jones à boire un "verre" qui s'avère être du poison. En téléphonant, Marlowe découvre que Jones a menti sur l'adresse d'Agnès. Il rend hommage au courage du petit homme mais se trouve démuni pour suivre une piste.

Mais Agnès téléphone pendant que Marlowe est toujours là, et il organise une rencontre avec elle. Elle a vu Mona Mars derrière un atelier de réparation automobile près d'une ville appelée Realito. Lorsqu'il arrive, Marlowe est attaqué par Canino. Il se réveille attaché, avec Mona qui veille sur lui. Vivian est également présente et libère Marlowe, lui permettant de prendre son arme et de tuer Canino. Ils rentrent ensemble et Marlowe appelle Mars depuis la maison de Geiger. Il prévoit que c'est là qu'il lui donnera rendez-vous, quand il prétend au téléphone être toujours à Realito. Mars tombe dans le piège et Marlowe, même s'il éprouve de la peur, se tient prêt à le surprendre

Mars arrive avec quatre hommes, qui montent une embuscade à l'extérieur. Il entre, surpris de voir Marlowe, qui l'accuse d'avoir fait chanter Vivian, car Carmen aurait tué Regan ; Mars prétend qu'elle a fait cela dans un état second. Mais Marlowe refuse cette version puisque Mars n'a pas reconnu Carmen, la première fois qu'il les a vu chez lui. C'est donc lui l'assassin de Regan. Il force ensuite Mars à sortir, où il est abattu par ses propres hommes. Marlowe appelle la police, leur disant que Mars a tué Regan par jalousie. Il convainc également Vivian que sa sœur a besoin de soins psychiatriques et l'interroge sur ses propres problèmes. Ce à quoi elle réplique "rien que vous ne puissiez guérir".

L'écheveau d'intrigues et de personnages est très dense sans toutefois être impossible à démêler si l'on suit les deux enquêtes successivement menées par Marlowe, l'une pour le général l'autre pour lui-même. Ces intrigues sont très proches de celles du roman de Chandler. Pourtant Hawks se détache nettement du romancier, surtout attentif à l'indépendance de son détective. Hawks, quitte à modifier la fin du roman, centre l'intrigue sur la fascination mutuelle entre Bogart et Bacall et en fait un couple mythique glorifiant leur histoire d'amour au travers leur esprit d'à propos et leur capacité aux répliques cinglantes ou à double sens.

Une première intrigue à démêler

Marlowe mène deux enquêtes distinctes : l'une commanditée par le général qui lui demande de mettre fin au chantage exercé par Geiger sur Carmen puis, deux jours après l'avoir résolue, celle qu'il mène pour son propre compte pour savoir ce qui maintient Vivian, dont il est amoureux, sous la coupe d'Eddie Mars.

Le général engage Marlowe pour faire cesser le chantage exercé sur Carmen par Geiger qui lui avait envoyé sa demande sous forme de reconnaissance de dettes de jeu. Au terme de cette enquête, Marlowe découvre qu'Owen Taylor, le chauffeur amoureux de Carmen, excédé du chantage qui recommanait, était venu la chercher chez Geiger qui la photographait de nouveau dans des poses compromettantes et de colère l'avait tué emportant la pellicule. Brody qui avait mis Geiger sur la piste du chantage qu'il avait exercé une première fois comme l'avait indiqué le général, veillait autour de la maison et avait vu s'enfuir Taylor, l'avait poursuivi, assommé et avait récupéré la pellicule, espérant cette fois, avec la complicité d'Agnès, faire chanter Vivian. Lundgren, le complice de Geiger, avait été suivi par Marlowe en taxi jusque chez Brody ce qui lui avait permis de confirmer ses soupçons sur la reprise du chantage exercé avec la complicité de Geiger et Lundgren. Ce même Lundgren était venu retrouver Geiger après le départ de Carmen et Marlowe et avait fait disparaître le corps, croyant que Brody l'avait doublé. Il l'abattra par la suite après avoir replacé le corps de Geiger dans son lit, vraisemblablement pour simuler une mort naturelle. Marlowe peut alors appeler son ami l'inspecteur Bernier pour faire constater la mort de Geiger par le revolver de Taylor. Le général peut ainsi être rassuré : Geiger est mort ainsi que Brody, l'instigateur du chantage sans que le nom de Carmen ne soit cité puisque meurtrier de Geiger, Taylor est mort.

Reste une interrogation sur la mort de Taylor. Dans le roman, il est précisé que sa mort est plus proche d'un accident. Brody a assommé Taylor, mais celui-ci s'est enfui. Insuffisamment remis, il a perdu le contrôle de sa voiture et est tombé du quai. C'est le fameux point qui a intrigué Hawks et Faulkner. L'anecdote est connue : sur le tournage, Bogart demande à Hawks qui a tué le chauffeur. Hawks, interdit, câble alors à Chandler, qui lui répond qu'il n'en sait rien non plus. (Patrick Brion - Le Film Noir - Ed. La Martinière ). Si Chandler ne se souvenait pas à ce moment- là de ce qu'il avait écrit, Hawks ne prend pas la peine de l'expliquer non plus.

Une seconde enquête magnifiée en histoire d'amour

La seconde enquête que mène Marlowe est de savoir ce qui maintient Vivian sous la coupe d'Eddie Mars, ce qui le conduit à élucider la mort de Sean Regan.

Dans le roman, la chose est claire. Carmen a tué Regan. Il a refusé ses avances et elle l'a tué, puis elle en a parlé à sa sœur avec nonchalance. Il est sous-entendu qu'elle est une psychopathe et qu'elle doit être internée pour la sécurité des autres. Dans les dernières pages du roman, Carmen demande à Marlowe de lui apprendre à tirer avec son arme. Ils vont à un puits de pétrole abandonné sur la propriété de sa famille pour s'entraîner, et elle se retourne contre lui et essaie de lui tirer dessus. En effet, elle a essayé de le draguer deux fois (au début et dans son bureau) et il l'a repoussée. Marlowe avait déjà compris ce qui était arrivé à Regan, alors il avait vidé son arme de ses balles. Une fois qu'il a cette confirmation, il va voir Vivian et lui a dit qu'elle ferait mieux d'utiliser l'argent et l'influence de sa famille pour faire enfermer Carmen là où elle ne pourrait plus tuer personne, sinon il la ferait arrêter et accuser de meurtre. Vivian accepte de protéger la réputation de sa famille. Fin de l'histoire d'amour et Marlowe, droit dans ses bottes, retourne à d'autres enquêtes.

Eddy Mars tient Vivian sous sa coupe en menaçant de révéler qu'il sait que Carmen a tué Regan ayant pour preuve le corps de celui-ci. Mais Hawks modifie les scènes finales du roman et "confond" Mars en lui disant qu'il ne peut avoir été le témoin du meurtre car il n'a pas reconnu Carmen lors de sa première intrusion chez lui avec sa clé. Du coup, Vivian na pas à supporter la complicté de meurtre en cachant la coupable qui est juste une nymphomane qui pourra etre soignée. La réplique finale de Vivian répondant à Marlowe ""rien que vous ne puissiez guérir" ouvre ainsi l'entrée dans la constitution d'un couple aussi mythique à l'écran que dans la vie.

Entre amour et éthique

Une autre façon d'incarner une éthique de l'amour est la place accordée à Harry Jones, l'amoureux d'Agnès après le décès de Brody. Jones, qui malgré ses dires n'a jamais vu un pistolet, prend le risque de mourir pour Agnes et en meurt en avalant le poison versé par Canino. Cette mise à mort d'un gentil rend furieux Marlowe qui expose ce meutre à Mona Mars et la détache ainsi de son mari en comprenant que ce sont ses hommes de main qui font le sale boulot pour lui. Marlowe qui a laissé fuir le garagiste en tirant en l'air décharge son arme sur Canino qu'il a fait retourner pour lui signifier son exécution.

Par ailleurs Marlowe est un dragueur impénitent, du moins avant de se rendre compte de son amour pour Vivian. La bibliothécaire lui dit qu'il n'a rien d'un amateur des éditions originales. Il réplique que, en effet "il collectionne les blondes". La rencontre avec la propriétaire de la librairie Acmé donne lieu à un jeu de séduction et une ellipse, en attendant la sortie en voiture de Geiger, sans grande équivoque. Il file ensuite Lundgren dans un taxi tout en flirtant avec conductrice qui finit par par lui tendre sa carte et lui dire qu'il peut l'appeler à toute heure du jour ou de la nuit et quand il demande ce qu'elle préfère elle en rajoute en concluant : "le jour de préférence, la nuit, je travaille"

La complexité des intrigues fait presque oublier la rapidité de l'action qui se déroule sur quatre jours seulement, deux pour chacune des deux intrigues successives. Le premier jour, celui de l'engagement voit quatre scènes entre Marlowe et Vivian. La première est celle de la discussion tendue, le matin, pleine de réparties aussi agressives que spirituelles. Marlowe, arrivé en sueur de la serre du général admet et qu'il n'y a pas de règle pour devenir détective que, non ce n'est pas un métier de clown pendant qu'elle lui demande de se servir lui-même un verre. Il n'a pas demandé à la voir : - "Je me moque de de tout ce que vous pouvez me dire, ça ne me fait ni chaud ni froid" -"Vous traiter souvent ainsi les gens comme des chiens ?" ; "-ça me réussit en général". Il conclut face à Norris d'un sarcastique : "Vous vous êtes trompé, elle ne désirait pas me voir". Le soir la discussion est tendue aussi quand il lui ramène Carmen et il la piège en lui faisant avouer qu'elle est inquiète de l'implication éventuelle de Sean dans le chantage.

Le deuxième jour, elle vient le retrouver au bureau et lui parle de Proust car il ne s'est pas couché de bonne heure. Puis s'asseyant sur le bureau elle se gratte négligemment le genou dans une pose qu'il remarque. Comme il refuse de l'aider, elle menace de téléphoner à la police et l'en empêche au dernier moment. Ils sont complices une première fois en s'amusant à passer le téléphone mutuellement pour faire tourner en bourrique leur correspondant de la police "Je vais vous passez ma mère, mon père, ma fille.... Comme elle va sortir, elle remarque la porte fermée à clé. "C'était sans intention" dit-il. C'est elle qui, sarcastique, conclut "Très flattée." Le soir, elle admire la façon dont il obtient les photographies de Brody.

Le troisième jour, alors que pour Vivian l'enquête est terminée, la conversation entre eux sur les courses hippique est prétexte à des allusions amoureuses et sexuelles (attaque de front des chevaux, ce qui les stimule, peloton de tête, foncer droit au but; Je n'ai jamais rencontré personne qui a pu me mater, je voudrai voir sur le terrain) mais c'est le soir après le coup monté du vol qu'ont lieu les premiers baisers. Vivian grelotte Marlowe lui avoue qu'il commence à apprécier une autre personne de la famille Sternwood. Vivian le prend au mot "Alors prouvez le" puis "recommencer" et "De mieux en mieux". Si Marlowe apprécie  : "C'est délicieux j'y passerais ma vie" il doit néanmoins lui faire avouer le coup monté. Le quatrième soir, ils rentrent ensemble alors quelel la délivré de Canino et ils échangent ces aveux mutuels alors que Marlowe joue sa vie face aux truands "je crois que je suis amoureuse de vous; pourquoi faites vous ça? -"Je crois que je suis amoureux de vous". le tout se finissant en point d'orgue avec la dernière réplique "Rien que vous ne puissiez guérir"

Interrogé sur la signification du titre Howard Hawks déclarait :

"Je n'en sais rien, probablement la mort, c'est un titre qui sonne bien. Je n'ai jamais bien compris l'histoire du grand sommeil. Le scénario fut écrit en huit jours. Tout ce que nous avons essayé de faire c'est de rendre chaque scène la plus divertissante possible. Nous ne savions pas qu'elle était l'histoire. On m'a demandé qui a tué untel ou untel, je ne le savais pas, on a envoyé un câble à l'auteur qui ne le savait pas non plus puis au scénariste qui ne le savait pas plus."

On ne prendra pas ces phrases au pied de la lettre, si grand sommeil il y a dans le film, c'est celui de ces quatre jours de pluie d'où le couple Bogart-Bacall émerge au réveil. Pour se convaincre du changement radical opéré par Hawks vis à vis du roman de Chandler, il suffit de relire celui-ci après avoir vu le film : l'indépendance domine et le romantisme est inexistant.

JeanLuc Lacuve, le 18 septembre 2024.