La colonelle de police Honorine, cheffe de la brigade contre les violences sexuelles et la protection de l’enfance à Bukavu, s’apprête à faire ses adieux à une population de femmes et d’enfants, désemparée qu’elle soit mutée.
À Kisangani, la maltraitance des enfants accusés par leurs parents de sorcellerie fait rage. Mais surtout, des femmes viennent témoigner d’exactions moins récentes. La ville a en effet été le théâtre en 2000 d’une « guerre des 6 jours » entre les armées ougandaise et rwandaise qui a coûté la vie à des milliers de civils et n’a jamais fait l’objet de procès officiels.
Avec la même dextérité que dans Examen d’État, où il suivait la préparation au baccalauréat congolais d’un groupe de lycéens trop pauvres pour payer la « prime des professeurs », Dieudo Hamadi signe un portrait dont la dimension narrative, puis la force politique, montent en puissance calmement. Son cinéma direct s’accorde au franc-parler et à la placidité de « maman Colonelle ».
Au portrait de la mère-courage se substitue le récit de l’éveil d’une conscience historique. Parlant tour à tour aux femmes traumatisées, aux avocats et aux passants à qui elle enseigne la solidarité financière, la colonelle incarne un « corps défendant » placé entre le peuple et une haute-autorité aux abonnés absents. À mesure qu’elle s’initie à une Histoire dont l’éloignement géographique et le statut tabou l’avaient préservée, une communauté s’agrège autour d’elle, flageolante mais prête à parier à nouveau sur la force du collectif. (Charlotte Garson).