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Le six juin à l'aube

1946

Genre : Documentaire

Avec : Une institutrice, un instituteur, Victor Guérinel, une élève infirmière. 0h57.

La Normandie. Une belle province française, verdoyante, riche en monuments évocateurs d'une longue histoire. Riche aussi en hommes actifs avec leur intelligence, leurs mains, leurs outils, écrémeuse et moissonneuses-batteuses, créateurs de nouvelles richesses économiques. Une institutrices explique à ses jeunes élèves la géographie normande, le rôle de la baie des veys et des marais de Carentan qui peuvent isoler la presqu'ile du Cotentin

Et soudain, un matin de juin, à l'aube, c'est le déferlement de la guerre. Des tonnes d'obus venant de la mer, des milliers de bombes tombant du ciel rasent des clochers et écrasent la terre normande. Des multitudes d'hommes armés et casqués abordent les côtes, prennent pied sur les plages.

Peu à peu, des cartes montrent comment la guerre s'étend à toute la province. La première phase de parachutages et le débarquement sur les cotes du calvados des contingents anglo-canadiens ont pour but de fixer les divisions allemandes pendant que les divisions américaines débarquent sur les plages de la Manche pour couper la presqu'ile et remonter prendre le port de Cherbourg.

Une fois cette première phase terminée, alors que les Allemands défendent encore Caen, le but des américains est de descendre vers le sud jusqu'à Coutances et Granville pour prendre la 7e armée dans une nasse en remontant au Nord vers Caen. Apres l'échec de la contre offensive allemande sur saint Lô, c'est la troisième phase : la jonction des Américains et des Anglo-Canadiens, la descente vers la Bretagne la fuite de la 7e armée au nord est. Dès lors, soldats débarqués de Provence et soldats débarqués de Normandie convergent vers Paris et L'Allemagne

Prés de Barfleur, un instituteur reprend sa leçon sur la guerre de cent ans, abandonnée le 5 juin. La Normandie connue déjà, une invasion anglaise dirigée par Edouard III dont les chroniques historiques disent qu'elle fut la plus meurtrière que l'on ait jamais connue. Et pourtant, après cette invasion, la Normandie fut capable de renaitre pour être cette province paisible qu'elle était avant le 6 juin à l'aube.

Le sol normand se couvre de ruines et de cimetières aux innombrables croix. Mais dans ces champs de ruines et de croix, un espoir subsiste : ces enfants qui s'entraident à porter leurs seaux jusqu'à la plage qui, bientôt, recommenceront à cueillir des fleurs ou à chercher de l'eau lorsque leurs aînés qui ont survécu auront terminé l'immense tâche de reconstruction des maisons, des routes, des usines.

Victor Guérinel, un charpentier, est interviewé par Jean Grémillon qui reste hors champs. Victor Guérinel, a aidé un général américain par sa connaissance du terrain en indiquant, depuis l'avion où il avait pris place, où devaient se trouver des batteries ennemies. Une jeune femme vient ranger du bois sur un talus. Elle raconte comment, élève infirmière à la clinique de la Miséricorde de Caen, elle est restée ensevelie quatre jours puis a été sauvée. Bientôt sa famille pourra racheter une vache et la vie de la ferme continuera.

Dans les villages dévastés par les bombardements, les habitants reviennent vivre et reconstruisent progressivement. Les arbres brulés et les statues des cimetières abimées par les balles et les obus disent leur martyre. Heureusement, la solidarité s'organise et les camions de l'entraide viennent apporter des vivres aux habitants en manque de tout. Une assistante sociale interroge les familles sur leurs besoins en vêtements et chaussures. C'est de cette solidarité dont la Normandie a besoin pour revivre. Peut-on rester insensible à l'état dévasté des villes, de Caen, où des tombes improvisées de corps anonymes sont dispersées dans la ville avec parfois juste cette indication "Restes de corps humain retrouvés près du garage".

A travers des images d'actualités, l'auteur évoque la campagne normande et sa vie paisible avant le débarquement en juin 1944, puis il montre les traces et les blessures laissées par cette opération et les combats qui s'en sont suivis en Normandie. La mise en abyme avec l'instituteur expliquant l'invasion de la Normandie en 1346, marquant le début de la guerre de 100 ans, indique qu'une renaissance est toujours possible ce que confirme les témoignages des habitants sur leur quotidien à cette période et sur la façon dont ils ont vécu les événements.

Jean Grémillon est un Normand originaire de Bayeux, dont la famille est réfugiée à Cerisy-la-Forêt dans la Manche. Grémillon veut montrer le martyre de sa région mais il rencontre aussi le souhait de l'entraide, organisme de secours aux victimes de la guerre, de faire un film pour sensibiliser les Français sur l'état de dénuement de la population normande. Une première phase de tournage est réalisée en août et septembre 1944. Grémillon est alors chassé par l'armée américaine, maîtresse absolue des théâtres d'opération. Grémillon revient tourner au printemps 1945. Il bénéficie de documents préparatoires très détaillés : 27 villages ont été retenus et décrits très précisément. Le film comporte une partie didactique (20 minutes sur 55) chargée de révéler, expliquer, par l'utilisation de cartes animées, et par l'entremise de 2 instituteurs.

Les images d'archives utilisées montrent Arromanches, Cherbourg, Saint Hilaire du Harcouët sans images de soldats allemands. Grémillon veut montrer les atrocités de la guerre, sans voyeurisme ni exposition de morts au regard. Dans les montages d'archives, il coupe notamment un plan montrant des soldats américains hilares devant des soldats allemands morts.

Le film a été peu projeté, mal compris (par son format et sa représentation complexe de la guerre sous forme de témoignage/dénonciation). Le film reçoit peu d'échos en salles sauf en Normandie où une première projection à Caen a lieu le 25 novembre 1946. Le documentaire est jugé trop long par les distributeurs. Toutefois, après avoir été réduit à 42', il obtient une sortie commerciale le 5 mai 1949. Peu soutenu par l'Entraide qui l'a financé dans un contexte d'appel à la générosité, le film très symbolique, ne semble plus en adéquation avec l'effort de reconstruction. Sa façon de montrer les ruines peut aussi rappeler les actualités germano-vichystes dénonçant les bombardements alliés… Il faudra attendre 1997 pour que le film soit de nouveau visible dans sa version intégrale, voulue par Grémillon, soit 57'.

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