La nuit, dans un bar de la banlieue de Kinshasa, Félicité chante avec son groupe, les Kasaï Allstars. Elle regarde les nombreux clients discuter avec entrain et vivacité. Tabu, à la stature imposante, boit trop, dérange et finit par faire trop de raffuts. Il est expulsé du bar.
Au petit matin, Félicité découvre que son réfrigérateur ne marche plus. Elle demande à l'un des gamins du quartier qu'on lui amène un réparateur. C'est Tabu qui se présente. Sous l'œil méfiant de Félicité, il lui déclare que son ventilo est bon à changer. Félicité est exaspérée : elle a du débourser 6 000 francs CFA la semaine précédente pour un moteur. Tabu la convainc toutefois de lui confier 15 000 francs CFA pour un frigo d'occasion.
Félicité est alors appelée au téléphone : on la prévient que son fils, Samo, 14 ans, a été victime d’un accident. Elle se précipite à l’hôpital où l’adolescent gît sur un matelas souillé de sang. Le médecin qui finit par arriver lui explique que, sans opération, son fils perdra sa jambe. Cette opération coûtera très cher : un million de francs CFA (1 500 euros). Félicité ordonne que son fils soit transporté dans une chambre plus confortable et se dit prête à payer l'opération. Elle doit d'abord se procurer les médicaments nécessaires. Une femme, proche d'un des autres malades, lui propose d'aller les chercher pour elle à la pharmacie. Félicité ne s'est pas méfiée de cette femme qui s'est approprié l'argent. Elle doit aller elle-même à la pharmacie.
Le soir, épuisée, elle n'en continue pas moins de chanter dans le bar avec son groupe. Tabu organise une collecte pour elle dans le bar. Le matin, il lui ramène aussi les 15 000 francs du frigo. Tabu lui a également trouvé un chauffeur de moto qui ne lui fait payer que l'essence pour rejoindre le centre-ville. Félicité cherche à récupérer l'argent que lui doit l'un de ses anciens patrons et une femme d'un quartier voisin. A chaque fois, elle sollicite la police et s'attire le mépris de ceux auxquels elle a prêté. Félicité va aussi voir le père de son fils dont elle s'est séparée. Celui-ci en profite pour l'humilier, lui reprochant sa fierté et sa présomption passée à se croire supérieure et à élever seule son fils qu'il accuse d'avoir mal tourné. Quand Félicité revient à l'hôpital, il manque encore 120 000 francs. Après le concert du soir, elle sollicite les membres de son groupe qui déposent de l'argent dans une bassine.
Le jour suivant est une nouvelle course à travers la ville. Félicité sollicite sa tante qui lui explique l'origine de son prénom mais ne lui donne que peu d'argent. Félicité force la porte d'un riche habitant d’une villa des beaux quartiers. Elle se fait tabasser par son homme de main mais insiste et finit par obtenir l'argent qui lui manque. Elle court à l'hôpital mais apprend du médecin que son fils vient d'être amputé. Ils ne pouvaient attendre plus longtemps sans risquer la venue de la gangrène.
Effondrée, Félicité s'évanouit. Elle sollicite alors l'aide de Tabu pour ramener son fils de l'hôpital à la maison. Tabu finit par gagner l'amitié de Samo en tentant de le faire rire, en lui proposant une bière et bientôt de se souler avec lui. En rentrant, Félicité est heureuse de voir Samo enfin sorti de son désespoir. Elle vient chez Tabu faire l'amour. Celui ci, jugeant toutefois qu'elle est alors trop désespérée, préfère attendre.
Félicité chante à nouveau avec son groupe. Elle voit avec plaisir Tabu continuer de draguer comme à son habitude. Au matin, elle vient le rejoindre dans sa chambre et chasser gentiment sa compagne d'une nuit. Lui, pas plus qu'elle, ne veut d'une relation qui impliquerait une cohabitation. Quand Tabu revient chez Félicité c'est pour réparer enfin le frigo avec le transfo acheté sur le marché. Cela fonctionne... le temps que le moteur se mette à faire bien trop de bruit. Le fou-rire est général : après tout, avec le bruit de la télévision, on pourra faire avec.
Au parcours d'une mère pour récupérer l'argent nécessaire à l'opération de son fils, se superposent, comme des harmoniques, des accents documentaires sur les quartiers populaires de Kinshasa et une dimension onirique qui emporte Félicité vers un sens plus large à donner à sa vie.
Félicité, seule même parmi les siens
Félicité apparait comme une force inébranlable. Humiliations des débiteurs du quartier, de son ex mari, refus d'aide des gens riches, et même les coups : tout semble glisser sur Félicité. Elle est tendue vers son but, sauver la jambe et, partant, l'intégrité physique et morale de son fils. La voix puissante de Félicité, accompagnée par les Kasaï Allstars, semble venir à bout de tout. Pourtant ses efforts seront vains face à la montée de la gangrène. Félicité devra lâcher prise, et méditer, seule face au fleuve Congo, sur le sens qu'elle pourra désormais donner à sa vie.
Les rapports que Félicité entretient avec son fils paraissent d'amblée bien plus complexes que ceux qui s'arrangeraient d'eux-mêmes avec une jambe à sauver. Samo garde sa personnalité mystérieuse et semble loin d'être soumis à l'amour et la sollicitude de sa mère. Il fait preuve de l'ingratitude propre à son âge allant de paire avec la nécessité de trouver sa voie. Sa petite amie, souvent présente à ses côtés, est ignorée par sa mère qui semble ainsi avoir voulu tout décider pour lui. Patient, Tabu saura faire retrouver à Samo le goût des choses simples : la bière et le rire. C'est en effet par sa patience et sa maladresse à réparer le frigo que Tabu conquiert à la fois Félicité et Samo.
Tabu garde aussi une épaisseur psychologique allant croissant avec le film. Sorte de brute mal dégrossie dans la scène initiale, il se révèle poète des feux tricolores transformés en robots. Il se voit bien sauter d'étoiles en étoiles, supplie sa belle d'enlever, telle une rose, ses épines et se veut libre de ses amours. Il drague facilement les femmes du bar en leur soufflant à l'oreille : "l'âme c'est important mais le corps, laisse le aller". Il refuse une première fois Félicité, considérant peut être que son abandon est dû au désespoir avant de l'accueillir en lui signifiant qu'il veut garder sa liberté et ne l'attend pas tous les soirs.
Les harmoniques du documentaire et de l'onirisme
Lorsque Félicité traverse à moto Kinshasa, mégalopole désorganisée de plus de 12 millions d’habitants, elle semble ne voir que des marchands de couronnes mortuaires. Cette présence de la mort trouvera ensuite un écho sur le marché dans lequel déambule Tabu à la recherche d'un transfo. Une violence sauvage surgit quand des passants rattrapent les trois voleurs et les tabassent jusqu'au sang. La corruption policière est aussi montrée du doigt avec ce policier exigeant sa rémunération pour rendre justice à Félicité vis à vis de ses débiteurs.
La première marche vers l'hôpital, à pied, avait été interrompue par une séquence montrant l'exécution d'un morceau d'Arvo Pärt joué par un orchestre symphonique. Celui-ci intervient comme un chœur, commentant avec lyrisme le difficile parcours de Félicité. Les errances dans la forêt relèvent davantage de l'inconscient avec le danger d'un laisser-aller vers la mort, lorsque Félicité s'enfonce dans le marigot. C'est la figure protectrice de l'okapi qui sort Félicité du désespoir. La présence de Tabu, bien qu'à l'arrière-plan dans cette forêt de rêves, est aussi le signe de sa présence protectrice.
Félicité renait de la mort. Enfant, sa tante lui révéla qu'elle était considérée comme morte et allait être enterrée quand elle est miraculeusement revenue à la vie. Soutenue par un chœur antique orchestral et les ombres de l'inconscient, c'est bien à une résurrection à la vie qu'elle parvient de nouveau. Elle accepte d'échouer à être une mère parfaite en ne parvenant pas à temps à opérer son fils. Mais, ce que celui-ci attend surtout d'elle, c'est de l'accepter tel qu'il est. Félicité accepte aussi de s'ouvrir à l'amour de Tabu... qui ne dérangera pas trop sa vie d'artiste et de mère.
Jean-Luc Lacuve le 17/04/2017