Prologue : Enfance à Brienne
Pendant l’hiver 1781, le jeune Napoléon Bonaparte est inscrit au Collège de Brienne, une école militaire pour fils de la noblesse située à Brienne-le-Château et dirigée par les Pères Minimes. Les garçons de l’école font une bataille de boules de neige organisée comme un champ de bataille. Deux brutes de cour d'école, Phélippeaux et Peccaduc, qui ont fait de Napoléon leur souffre-douleur, dirigent le plus gros des deux camps, tandis que Napoléon et ses alliés sont en infériorité numérique. Tous deux s'approchent discrètement de Napoléon et l'agressent à coup de cailloux cachés dans des boules de neige, le blessant au visage. Tristan Fleuri, le cuisinier de l'école et ami de Napoléon, avertit ce dernier d'un autre caillou dissimulé, qu'il parvient à éviter. Reprenant ses esprits, Napoléon se précipite seul vers le front ennemi et attaque les deux brutes en combat rapproché. Les Pères Minimes, qui regardent la bataille depuis les fenêtres et l'encadrure des portes, applaudissent le spectacle. Napoléon revient vers ses alliés et les encourage vigoureusement à l'attaque. Observant calmement et consciencieusement le déroulement des opérations, il évalue l'équilibre des forces et donne les ordres qui en découlent. Voyant que ses troupes sont en train de remporter la bataille, il esquisse un sourire. Il mène alors ses hommes à la charge dans un dernier assaut, au terme duquel il plante son drapeau au cœur de la base ennemie.
Les moines sortent des bâtiments de l’école pour faire la connaissance de celui qui a mené son camp à la victoire. Un jeune instructeur militaire, Jean-Charles Pichegru, demande son nom à Napoléon. Celui-ci répond « Na-paille-au-nez » dans un français aux accents corses, ce qui fait rire ses camarades mais Pichegru lui annonce qu’il accomplira de grandes choses.
En classe, alors que les élèves étudient la géographie, Napoléon est agacé par la description condescendante de la Corse présente dans son manuel. Ses camarades se moquent de lui, et les deux brutes, qui sont assis de part et d'autre, lui donnent des coups. Lorsque le cours porte sur l'île de Sainte-Hélène, Napoléon se met à rêvasser.
Napoléon, qui ne se sent pas heureux dans cette école, parle de ses problèmes dans une lettre destinée à sa famille. L'une des deux brutes dénonce Napoléon auprès d'un moine, lui révélant qu'il cache des lettres dans son lit. Apprenant cela, le moine déchire la lettre, ce qui ne manque pas de mettre Napoléon en colère. Ce dernier décide alors de rendre visite à son ami Fleuri qui vit au grenier, un endroit où Napoléon aime se réfugier et où il a installé son oiseau de compagnie, un aiglon qu'un de ses oncles lui a envoyé de Corse. Après avoir affectueusement caressé l'oiseau, Napoléon s'absente pour lui chercher de l'eau. Les deux brutes profitent alors de son absence pour libérer l’oiseau. Constatant que l'aiglon n'est plus là, Napoléon court au dortoir exiger du coupable qu'il se montre, mais personne ne se dénonce. Napoléon déclare tout le monde coupable, et commence à se battre avec tous les élèves en sautant de lit en lit. Alors que la bataille fait rage, que les oreillers craquent et que les plumes virevoltent, les Pères Minimes parviennent non sans difficulté à rétablir l'ordre, saisissant Napoléon au collet et le jetant dehors, dans la neige. En pleurs, Napoléon se désole sur le fut d’un canon, puis, levant les yeux, découvre son oiseau perché sur un arbre. Il l'appelle et l’aiglon vient se poser sur le canon. Napoléon se met à la caresser et, ce faisant, laisse échapper un sourire au milieu de ses pleurs.
Napoléon et la Révolution française
En 1792, la ferveur révolutionnaire bat son plein dans la grande salle du Club des Cordeliers, alors que des centaines de membres y attendent le début d’une réunion. Les meneurs du groupe, Georges Danton, Jean-Paul Marat et Maximilien Robespierre , s'entretiennent entre eux. Camille Desmoulins, secrétaire de Danton, interrompt ce dernier pour lui faire part d'un chant nouvellement publié, intitulé « La Marseillaise ». Les paroles ont été écrites par un jeune capitaine de l’armée, Claude Joseph Rouget de Lisle, qui a également apporté le chant au club. Danton lui demande de leur apprendre le chant. On distribue la partition, et les membres du club commencent à chanter, redoublant d'enthousiasme à chaque nouveau couplet. Se tenant à l'écart de la foule, Napoléon, devenu jeune lieutenant de l’armée, remercie de Lisle en lui disant : « Votre hymne nous économisera de nombreux canons. »
Alors qu'il vient d'essuyer une éclaboussure dans une ruelle de Paris, Napoléon se fait remarquer par Joséphine de Beauharnais et Paul Barras au moment où ceux-ci descendent d'une voiture et s'apprêtent à pénétrer dans la demeure de Mademoiselle Lenormand , la diseuse de bonne aventure. À l’intérieur, Lenormand annonce exaltée à Joséphine que la chance l'a désignée de manière inouïe comme future reine.
Dans la nuit du 10 août 1792, Napoléon, de son appartement, observe la foule qui défile dans la rue. Le peuple, armes à la main, se promène avec des têtes plantées sur des piques. Des révolutionnaires grimpent au balcon du logement de Napoléon pour pendre un homme. Effrayé, Bonaparte hésite à se servir de son arme pour se défendre. Puis, voyant la déclaration des Droits de l'Homme placardée au mur, il la compare aux excès et aux violences dont il vient d'être témoin, et rit aux éclats face à cette contradiction. Napoléon comprend à cet instant que son destin sera celui de remettre de l’ordre, tandis que le chaos et les débordements gagnent la Révolution.
Au même moment, Louis XVI et Marie-Antoinette se trouvent à la Convention nationale, où le roi tente de s'expliquer et de convaincre l'assemblée. En vain, car il est renversé. Comprenant sa situation, il se met à pleurer.
La foule en liesse se rend à une forge où se trouve Danton qui harangue la foule. Pendant qu'un forgeron martèle le fer, Danton se saisit d'un fer à cheval et le brise en deux ; c'est ainsi qu'il veut briser la monarchie. Il entre alors dans une phase de délire durant laquelle il est rejoint par la foule, séduite par l'orateur.
La Corse
Napoléon, en permission de l’armée Française, se rend en Corse avec sa sœur, Élisa (Yvette Dieudonné). Ils sont accueillis par leur mère, Letizia Buonaparte (Eugénie Buffet) et le reste de leur famille dans leur maison d’été aux Milelli. Le berger Santo-Ricci (Henri Baudin) interrompt les heureuses retrouvailles pour annoncer à Napoléon une mauvaise nouvelle : le président de la Corse, Pasquale Paoli (Maurice Schutz) envisage de céder l’île aux Britanniques. Napoléon déclare son intention de tout faire pour s'y opposer.
Alors qu'il revisite à cheval les lieux de son enfance, Napoléon s’arrête dans les jardins des Milelli où il se pose la question de ce qu'il doit faire : se retirer des événements pour protéger sa famille, où au contraire se lancer corps et âme dans l'arène politique. Plus tard, dans les rues d’Ajaccio, Pozzo di Borgo (Acho Chakatouny) incite les habitants à exécuter Napoléon pour s’être opposé à Paoli; ceux-ci décident alors de cerner la demeure des Buonaparte. Napoléon, debout devant sa porte, toise les citadins du regard, et ces derniers se dispersent en silence. Paoli signe un arrêt de mort, mettant la tête de Napoléon à prix.
Les frères de Napoléon, Lucien (Sylvio Cavicchia) et Joseph (Georges Lampin), partent à Calvi pour voir si les autorités françaises peuvent intervenir. Napoléon se retrouve dès lors seul face au danger ; il se rend dans une auberge où les clients parlent politique. Certains soutiennent les Britanniques, d'autres les monarchies italiennes. Napoléon s'avance vers eux et déclare : « Avec moi, notre patrie... c'est la France ! » Ses arguments captivent son public quand soudain, di Borgo pénètre dans l'auberge accompagné par les gendarmes. Napoléon parvient à échapper à la capture et prend la fuite à cheval, poursuivi par di Borgo et ses hommes.
A l’étage de la mairie d’Ajaccio, un conseil déclare la guerre à la France alors même que le drapeau tricolore flotte devant la fenêtre. Napoléon escalade le balcon et décroche le drapeau, criant au conseil, « Il est trop prestigieux pour vous ! » Les hommes déchargent leurs pistolets sur Napoléon, mais le ratent, tandis qu'il s’enfuit sur son cheval.
Di Borgo, ayant pris Napoléon en chasse, tend une corde à travers une route que ce dernier est sur le point d'emprunter. Alors que son cheval s'en approche à toute allure, Napoléon dégaine son sabre et coupe la corde au dernier moment. Continuant sur sa lancée, il atteint la côte où l'attend une petite embarcation. Il abandonne son cheval et monte dans le bateau. Découvrant qu’il n’a ni rames ni voile, il déploie le drapeau Français et l’utilise comme voile. Il est alors entraîné au large.
Pendant ce temps, réunis à la Convention à Paris, les Girondins majoritaires perdent face aux Montagnards composés de Robespierre, Danton, Marat et leurs partisans. Robespierre demande que tous les Girondins soient inculpés (au même moment, le bateau de Napoléon est assailli par des vagues toujours plus fortes.) Les Girondins cherchent à gagner la sortie mais en sont repoussés. (Une tempête ballotte Napoléon d’avant en arrière dans son embarcation.) La salle de réunion est tout entière emportée par l'affrontement entre Girondins et Montagnards. (Napoléon, résolu à échapper au naufrage, écope l’eau pour empêcher son bateau de plus en plus secoué de couler.)
Plus tard, alors que la mer a repris son calme, la frêle embarcation est aperçue par Lucien et Joseph Buonaparte, qui se trouvent tous deux à bord d’un navire français, Le Hasard. Celui-ci dévie de sa course pour lui porter secours et, s'en approchant, y découvre Napoléon étalé de tout son long, inconscient, le drapeau français bien serré entre les mains. A son réveil, Napoléon ordonne au navire de s'arrêter dans une crique corse où la famille Buonaparte est secourue. Le navire part pour la France avec à son bord une future reine, trois futurs rois et le futur empereur des français.
Le navire de guerre britannique HMS Agamemnon aperçoit Le Hasard, et un jeune officier du nom de Horatio Nelson (Olaf Fjord), demande à son capitaine s’il est autorisé à tirer sur le navire ennemi et le couler. Le commandant rejette la demande, arguant que la cible n'est pas assez importante pour gaspiller de la poudre. Alors que Le Hasard s’éloigne, un aigle s’envole vers les Buonaparte et se pose sur le mât du navire.
Le siège de Toulon
En juillet 1793, Charlotte Corday (Marguerite Gance), une Girondine fanatisée, rend visite à Marat chez lui et le tue avec un couteau. Deux mois plus tard, le général Jean François Carteaux (Léon Courtois), aux commandes d'un bataillon français, assiège, sans succès, le port de Toulon, tenu par 20 000 soldats anglais, espagnols et italiens. Le capitaine Napoléon Bonaparte, affecté à la section d’artillerie, est consterné par le manque de discipline dans les rangs français. Il rencontre Carteaux dans une auberge gérée par Tristan Fleuri, l'ancien serviteur de Brienne. Il tente de conseiller Carteaux sur la meilleure façon d’engager l’artillerie contre Toulon, mais Carteaux le traite avec dédain. L'auberge est alors touchée par un tir d'artillerie ennemie, ce qui disperse les officiers. Napoléon reste sur place pour étudier une carte de Toulon, tandis que le jeune fils de Fleuri, Marcellin, l'imite avec son chapeau et son épée. La fille de Fleuri, la belle Violine Fleuri, quant à elle, admire Napoléon en silence.
Le général Jacques François Dugommier (Alexandre Bernard) remplace Carteaux et demande à Napoléon d'intégrer la planification des opérations. Un peu plus tard, constatant qu'un canon est en train d'être retiré d'une fortification, Napoléon ordonne qu'il y soit immédiatement remis. Il fait tirer sur l’ennemi, et fait connaître la position qu'il défend comme étant la « batterie des hommes sans peur ». Sentant leur moral revigoré, les soldats français se rallient autour de Napoléon. Dugommier nomme Napoléon au poste de commandant en chef de l’artillerie.
Les troupes françaises sous les ordres de Napoléon se préparent à une attaque de nuit. Le vétéran Moustache (Henry Krauss) raconte à Marcellin, âgé de 7 ans et désormais batteur, que l’héroïque Joseph Agricol Viala, batteur lui aussi, avait 13 ans lorsqu’il fut tué au combat. Marcellin s'enhardit : il espère qu'il lui reste encore six ans à vivre. Napoléon lance l'assaut alors que la pluie tombe et que le vent souffle fort. Du fait d'un revirement, Antoine Christophe Saliceti qualifie la stratégie de Napoléon de faute grave. Par conséquent, Dugommier ordonne à Napoléon de cesser l'attaque, mais celui-ci parvient à convaincre Dugommier de revenir sur sa décision, et l'assaut est maintenu, qui débouchera sur une victoire malgré les avertissements de Saliceti. Les batteries anglaises sont prises l'une après l'autre au terme de sanglants combats au corps-à-corps, tandis que les éclairs font rage et que la pluie bat son plein.
En raison de l'avance des Français, l’amiral anglais Samuel Hood (W. Percy Day) ordonne que la flotte française amarrée soit incendiée avant que les troupes françaises ne puissent reprendre les navires. Le lendemain matin, Dugommier, qui souhaite promouvoir Napoléon au grade de brigadier-général, trouve ce dernier endormi, épuisé par les événements de la veille. Battant des ailes, un aigle vient se percher sur un arbre à côté de Napoléon.
S'étant senti humilié à Toulon, Saliceti veut faire passer Napoléon en jugement. Robespierre souhaite, quant à lui, lui offrir le commandement militaire de Paris, ajoutant que s’il refuse, il sera jugé.
Thermidor
Robespierre, soutenu par Georges Couthon (Louis Vonelly) et Louis Antoine de Saint-Just (Abel Gance), condamne Danton à mort. Danton est emmené à la guillotine, la charrette qui l'y conduit passant sous les fenêtres de l'appartement de Robespierre. La foule demande la « grâce pour Danton ». Robespierre observe la scène derrière des volets. Danton se lève et s'adresse à celui qui l'a fait condamner en ces termes prophétiques : « Robespierre, tu me suivras ». Puis, s'adressant au bourreau, il dit : « N'oublie pas de montrer ma tête au peuple, elle en vaut bien la peine ».
Saint-Just emprisonne Joséphine aux Carmes, où elle est réconfortée par le général Lazare Hoche (Pierre Batcheff). Fleuri, désormais geôlier, demande l’exécution de « De Beauharnais » : à ce moment-là, l’ex-mari de Joséphine, Alexandre de Beauharnais (Georges Cahuzac), se lève, prêt à accepter son sort. Ailleurs, Napoléon est également emprisonné pour avoir refusé de servir sous Robespierre. Il en profite pour réfléchir sur l'éventualité de la construction d'un canal à Suez, pendant que Saliceti le raille, du fait qu'il n'essaie même pas de préparer une défense.
Aux côtés de ses proches, dans son appartement, Robespierre médite sur les mots de Danton à son sujet. Il comprend que lui aussi sera condamné tôt ou tard.
Dans une salle d’archives remplie des dossiers des condamnés, les commis Bonnet (Boris Fastovich-Kovanko) et La Bussière (Jean d’Yd) travaillent secrètement avec Fleuri pour détruire, en les mangeant, certains dossiers, dont ceux de Napoléon et Joséphine.
Pendant ce temps, à la Convention, le 9 Thermidor, Violine et son petit frère Marcellin observent depuis les galeries. Des voix s’élèvent contre Robespierre et Saint-Just. Jean-Lambert Tallien (Jean Gaudrey) menace de tuer Robespierre avec un poignard. Violine, quant à elle, a prévu d'assassiner Saint-Just à l'aide de son pistolet, mais se ravise. Malgré un émouvant discours de la part de Saint-Just cherchant à justifier les excès de la Terreur, la Convention met en arrestation les Montagnards.
De retour aux archives, les commis de prison reçoivent les dossiers de ceux qui doivent être exécutés par guillotine : Robespierre, Saint-Just et Couthon.
Vendémiaire
Joséphine et Napoléon sont libérés de leurs prisons respectives. Napoléon décline la proposition du général Aubry de commander l’infanterie dans la guerre en Vendée sous les ordres du général Hoche, expliquant qu'il refuse de combattre des Français alors que 200 000 étrangers menacent le pays. En guise de punition pour avoir refusé cet honneur, il reçoit un poste mineur dans une unité de cartographie. Il élabore des plans pour une invasion de l’Italie. A Nice, le général Schérer (Alexandre Mathillon), après avoir vu les plans, se met à rire, considérant le projet comme stupidement imprudent. Les plans sont réexpédiés vers Napoléon, qui s'en sert pour couvrir une fenêtre cassée de l'appartement misérable qu’il partage avec le capitaine Marmont (Pierre de Canolle), le sergent Junot (Jean Henry) et l’acteur Talma (Roger Blum). Napoléon et Junot se rendent compte du contraste ambiant entre les pauvres de la rue, victimes du froid et de la faim, et les maisons des riches.
Joséphine convainc Barras de suggérer à la Convention que Napoléon est le meilleur homme pour réprimer un soulèvement royaliste. Le 3 octobre 1795, Napoléon accepte et fournit 800 canons pour la défense. A la demande de Napoléon, le major Joachim Murat (Genica Missirio) réquisitionne une partie de ces canons pour combattre les royalistes. Di Borgo tire sur Napoléon, mais rate son coup, et est lui-même blessé par la décharge accidentelle du mousquet de Fleuri. Saliceti, déguisé, cherche à fuir mais en est empêché. Napoléon décide de relâcher Saliceti et di Borgo. Joseph Fouché (Guy Favières) dit à Joséphine que le bruit des combats, c'est Napoléon qui « rentre à nouveau dans l'histoire ». Fort de son succès et célébré de toutes parts, Napoléon est nommé général en chef de l’armée de l’intérieur.
La réaction
Un bal des victimes a lieu aux Carmes, la prison où Joséphine a été détenue. Pour amuser les participants, Fleuri reconstitue, en bon tragédien, l'appel du bourreau avant les exécutions. La beauté de Joséphine est remarquée par Thérésa Tallien (Andrée Standard) et Madame Juliette Récamier (Suzy Vernon), et elle fascine également Napoléon. Alors qu'il vient de battre Hoche aux échecs, Joséphine l'observe et commence à le faire tomber sous le charme. Les danseuses du bal perdent progressivement toute retenue lorsque les jeunes femmes se mettent à danser à moitié nues.
Dans son bureau de l'armée, Napoléon annonce à Eugène de Beauharnais (Georges Hénin), âgé de 14 ans, qu’il peut garder l’épée de son père, qui a été exécuté. Le lendemain, Joséphine vient, avec Eugène, remercier Napoléon de la gentillesse dont il a fait preuve envers son fils unique. Les officiers de l’état-major attendent pendant des heures, tandis que Napoléon essaie maladroitement d'exprimer les sentiments qu'il éprouve pour Joséphine. Plus tard, Napoléon s'entraîne aux jeux de la séduction sous la direction de son vieil ami Talma, l’acteur. Napoléon rend visite à Joséphine tous les jours. Violine souffre grandement de constater que Napoléon ne s'intéresse guère plus à elle. En échange de son accord pour épouser Napoléon, Joséphine exige de Barras qu’il nomme Napoléon à la tête de l’armée française d’Italie. Tout occupé à jouer avec les enfants de Joséphine, Napoléon manque de peu de croiser Barras dans la demeure de cette dernière. Joséphine engage Violine comme servante.
la campagne d'Italie
Napoléon projette d’envahir l’Italie, et souhaite épouser Joséphine le plus rapidement possible avant son départ. Les préparatifs vont bon train, précipités par les événements. Le jour du mariage, le 9 mars 1796, Napoléon a deux heures de retard. On le trouve dans sa chambre en train de préparer la campagne d'Italie. La cérémonie de mariage se déroule à la hâte. Le soir, Violine et Joséphine se préparent toutes les deux pour le lit conjugal. Violine prie devant un autel à l'effigie de Napoléon. Joséphine et Napoléon commencent à s'enlacer sur le lit, tandis que dans la chambre d'à côté, Violine embrasse une figure représentant Napoléon qu'elle a acheté à un artisan.
Juste avant de quitter Paris, Napoléon se rend dans la salle vide de la Convention pendant la nuit, et y voit les esprits de ceux qui ont enclenché la Révolution. Les fantômes de Robespierre, Danton et de Saint-Just s'adressent à Napoléon, lui demandant des comptes sur ce qu'il prévoit de faire pour la France. Il est le garant de la Révolution qui a dorénavant besoin d'un chef. Tous les esprits entament ensuite La Marseillaise.
Quarante-huit heures seulement après son mariage, Napoléon quitte Paris à bord d'un carrosse à destination de Nice. Il écrit des dépêches et des lettres à l'intention de Joséphine tout comme de ses armées. A Paris, pendant ce temps, Joséphine qui a découvert l'autel consacré à Napoléon de Violine prient ensemble.
Napoléon se rend en vitesse à cheval à Albengue, où est réuni l'état major de l'armée d'Italie. Il y trouve des officiers amers et des soldats affamés. Il exige de passer les troupes en revue. Celles-ci répondent rapidement à l'appel, impressionnées par la présence de Napoléon, dont ils espèrent gagner le respect par leur tenue. Fleuri, devenu soldat, tente de se faire remarquer par Napoléon mais n'y parvient pas. L’armée d’Italie se sent revigorée par un esprit combatif. Afin de les motiver pour la campagne italienne à venir, Napoléon leur parle de « l’honneur, la gloire et la richesse » qu'ils obtiendront en cas de victoire. Les forces françaises, sous-alimentées et mal équipées, s'avancent vers Montenotte et prennent la ville. Leur progression continue, qui emmène Napoléon jusqu'à Montezemolo. Alors qu’il contemple les Alpes, des visions lui parviennent, lui montrant de futures armées et batailles, ainsi que le visage de Joséphine. Les troupes françaises continuent leur avancée triomphale, tandis que sur leur chemin se dessine la vision d'un aigle, la vision du drapeau français bleu, blanc et rouge flottant devant eux.
Le scénario initial prévoyait huit parties : La jeunesse de Bonaparte, Bonaparte et la Terreur, La campagne d'Italie ; d'Arcole à Marengo ; d'Austerlitz aux Cent Jours ; Waterloo ; Sainte Hélène. Seules, les trois premières seront menées à bien. Contrarié par des problèmes financiers, Gance parvient à montrer deux versions de son film et préparer une "Grande version" qui sera aussitôt mutilée, rendue alors désuéte par l'arrivée du parlant.
Les trois versions de Gance, dépecées et remontées dans divers pays en près de 200 variations plus ou moins longues, sont aussi doublées de deux versions sonorisées, validées par Abel Gance avant son décès en 1981. L'une, celle de 1935, est montée en flash-back. L'autre, celle de 1971 est augmentée d'extraits de films suivants de Gance. Elle permet de prolonger l'épopée au-delà du début de la campagne d'Italie qui clôt abruptement la Grande Version. C'est finalement en 2024 qu'est reconstruite cette Grande Version sous la direction de Georges Mourier mandaté par la cinémathèque française. Le film intitulé désormais Napoléon vu par Abel Gance est, selon son carton initial, "une épopée en deux parties".
Un tournage révolutionnaire
Le tournage en triple écrans, procédé le plus révolutionnaire de Gance, lui donne dans ses 25 dernières minutes une ampleur inégalée avec un rapport largeur sur hauteur de 4,11 (1.37*3; le film étant sonorisé son rapport est de 1.37 et non 1.33, celui du muet). Les écrans de cinéma, prévus au mieux pour le CinémaScope rapport largeur/hauteur de 2,55 (ou ses variations contemporaines 2,35 en argentique et 2,39 en numérique) obligent donc à rétrécir en hauteur l'image, auparavant en 1.37 , pour tenir sur toute la largeur de l'écran.
L'autre grand procédé formel accentuant l'épopée est la superposition d'images : le visage de Bonaparte enfant en gros plan sur son armée de lanceurs de boules de neige ou se superposant à celui de son aigle en cage ; chevauchant sur les divers paysages de la Corse ; le montage parallèle de la convention en fureur et de lui pris dans la tempête. Dans la seconde partie l'utilisation est moindre. Excepté Marianne conduisant la révolution sur la Convention chantant la Marseillaise, c'est le visage de Joséphine figurant l'obsession qu'en a Napoléon qui domine. Son visage se superpose à la mappemonde dans un effet volontairement comique ou aux rêves de gloire de napoléon lors de la phase des triptyques.
Napoléon, messie de la nation française
Les cartons, hagiographiques et messianique, font de Napoléon le sauveur de la France, nouveau "messie" succédant aux "trois dieux de la révolution" qui, selon l'apparition de Robespierre, Saint Just et Danton à Napoléon, le désigne comme garant de l'héritage social de la révolution et de la liberté du citoyen. La bande sonore composée par Simon Cloquet-Lafollye soutient cette épopée messianique accompagnant par exemple les soldats de la campagne d'Italie d'une musique religieuse.
Gance fait de la Terreur ou de la violence en Corse la cause du dédain de Napoléon pour le peuple. Enfermé dans sa chambre et constatant le décalage avec Les droits de l'homme et du citoyen et les atrocités commises par le peuple, il a la conviction que celui-ci "ne mérite pas que l'on se batte pour lui". Dès lors, pour mettre le peuple à la hauteur de son idée de la France, c'est à l'intérieur de lui qu'il doit trouver la force d'agir. D'où les nombreux plans de méditation ou d'exploits solitaires : son combat hors du fortin des boules de neige ; sa chevauchée solitaire en Corse; son épopée en barque sous la tempête, sa méditation face à la mer sur les rochers des Sanguinaires ou dans la grotte ou face à la cheminée. Il participe aux combats de la prise de Toulon mais on le voit surtout debout les dominant sans les voir, fidèle surtout à ses plans et à son idée; tant est si bien qu'on le retrouve endormi au matin de la victoire ; son esprit, son aigle, venant se percher au sommet d'un arbre.
GenèseMalgré les énormes moyens qui furent mis à sa disposition (plus de cent mille mètres de pellicule enregistrée, un millier de figurants, coût global : dix-neuf millions de francs de l'époque), le projet initial de Gance (qui eut nécessité huit heures de projection) s'avéra irréalisable. Le tournage commença dans l'enthousiasme, voire le délire : on plaça des caméras sur le dos de chevaux au galop, on surimpressionna jusqu'à seize images l'une sur l'autre et après les prises de vues on ramassait de véritables blessés sur le terrain ! Gance imagina de tourner certaines séquences en "polyvision", (trois caméras enregistrant images distinctes ou combinées, destinées à être projetées sur trois écrans assemblés), afin de donner à l'ensemble le ton de l'épopée.
Le tournage, commencé le 15 janvier 1925, (Paris, château de Versailles, Petit Trianon, Grand Trianon, Briançon, Corse), s'arrête le 21 juin, à cause de la faillite d'un des principaux bailleurs de fonds, le financier allemand Hugo Stinnes. Gance passe alors plusieurs mois à tenter de remettre l'affaire à flot et y parvient en faisant reprendre la production par la Société Générale de Films dirigée par Jacques Grinieff. Le tournage reprend de janvier à juin 1926. 450 000 mètres de pellicule furent impressionnés par dix-huit appareils et le montage exigea plus d'un an de travail. Deux scènes de ce film furent montées en triple écran dont celle, finale, du départ de l'armée d'Italie.
La grande première se tient le 7 avril 1927 à l'Opéra Garnier. On projette un montage de 5 200 mètres (3h27) avec triptyque final. La partition musicale est d'Arthur Honegger. C'est la version courte, dite "Opéra", qui connaîtra dix représentations. Les 8/9, et 11/12 mai 1927, deux projections sont organisées pour la presse et les distributeurs. C'est la version longue dite « Apollo », métrage de 12 800 m (9h40), sans triptyque. Les deux versions sont montées à partir de négatifs distincts, correspondant à des choix artistiques différents. Après la projection de la cette version dite “Apollo”, Gance resserre légèrement son montage, qu’il réduit à un peu plus de 7h00, et réintégre les triptyques. Il la baptise "Grande Version". C’est celle qu’il vend à la MGM pour son exploitation internationale et qui fait aujourd’hui référence. Mais cette Grande Version est mutilée dès son exploitation d’origine. La MGM n’hésite pas à proposer un film de 1h48, dès 1928. L’époque était pourtant au gigantisme : en 1916, Griffith avait montré la voie avec Intolérance et, du côté du théâtre, Claudel osait écrire en 1924 un Soulier de satin de près de 12 heures.
Deux montages différents supervisés par Abel Gance
En 1935, Abel Gance entreprend de sonoriser son film dont le titre devient Napoléon Bonaparte (ou Napoléon, vu et entendu par Abel Gance). Cette version de 1935 n'est pas simplement le film de 1927 sonorisé, car elle répond à une structure narrative complètement différente. Napoléon Bonaparte commence dans une veillée d'une auberge de Grenoble, peu avant les Cent Jours, où l'on retrouve des personnages comme Stendhal et son éditeur, ou bien des protagonistes qui ont connu l'épopée napoléonienne et vont l'évoquer devant le spectateur. Ce sont donc les flash-back qui sont constitués d'extraits de la version de 1927. Le film se termine par les habitants de cette auberge sortant acclamer le passage de l'Empereur, revenant de l'île d'Elbe. Puis, par un puissant raccourci, Gance, à travers le personnage d'un grognard, achève son récit en faisant se confondre le visage fatigué de cet homme, après la défaite de Waterloo, avec celui d'un des soldats anonymes sculptés sur la frise de l'Arc de Triomphe. Seuls quelques comédiens de la version d'origine figurent dans ce nouveau montage (comme Antonin Artaud) — le décès de plusieurs interprètes du Napoléon muet contraignit Abel Gance, selon les cas, à les faire postsynchroniser ou à les remplacer par d'autres acteurs pour les séquences additionnelles tournées fin 1934. Napoléon Bonaparte sortit le 11 mai 1935 dans la salle parisienne Le Paramount. Gance utilisait pour la première fois son invention mise au point avec le constructeur André Debrie, la « Perspective sonore ». Ce système consistait, au lieu d'avoir une seule source sonore dans la salle (généralement les haut-parleurs placés derrière l'écran), à distribuer les sons au travers d'un réseau de 32 haut-parleurs disséminés dans la salle. Napoléon Bonaparte fut restauré en 1988 par Bambi Ballard pour la Cinémathèque française.
Bonaparte et la Révolution (1971), produite par Claude Lelouch avec le soutien d'André Malraux, est fondée sur le métrage de 1935 avec une introduction d'Abel Gance lui-même. Quelques scènes sont ajoutées, de même qu'une narration en voix off de Jean Topart. La durée de la version intégrale est de 4h35, et celle de la version pour la télévision de 3heures. Ce film comporte des séquences du film de 1927, de celui de 1935, mais aussi d'Austerlitz (1960) et de Valmy (1967), autres réalisations de Gance ; ce à quoi il faut ajouter des séquences additionnelles tournées spécialement pour le film de 1971.
A la recherche de la Grande Version
De 1953 à 2000, cinq restaurations argentiques d'un mélange des deux versions "Opéra" et "Apollo" sont réalisées qui toutes contiennent les triptyques finaux de l'armée d'Italie. Ces restaurations successives, présentées en divers points du monde (Paris, Rome, New York, Londres, Telluride, Monte Carlo, etc.), ont toutes rencontré un grand succès. Cependant, entre les versions remontées par Gance à différentes époques, celles recoupées par différents distributeurs, les restaurations et les coupes qu'elles durent parfois subir, la situation patrimoniale du film était devenue des plus confuses. Claude Lelouch et Kevin Brownlow identifiaient dix-neuf versions du film, Francis Ford Coppola vingt-trois versions. C'est pourquoi, en 2008, la Cinémathèque française décide d'arrêter toute exploitation du film et charge le réalisateur et chercheur Georges Mourier d'entreprendre une vaste expertise du fonds « Napoléon » à l'échelle nationale (Cinémathèque française, Archives françaises du film et Cinémathèque de Toulouse), puis internationale, ainsi que de reconstruire et de restaurer numériquement la "Grande Version" originelle issue du négatif « Apollo » seul auquel est ajouté les triptyques finaux de l'armée d'Italie.
Jean-Luc Lacuve, le 10 septembre 2024.
Source : CNC : Restauration du « Napoléon » d’Abel Gance, l’histoire d’une longue renaissance, 4 juillet 2024