Dans une petite station balnéaire du nord de l’Italie, à la fin de la saison estivale, cinq jeunes amis oisifs (dits les « vitelloni ») assistent à l’élection de Miss Sirène 1953, où est couronnée Sandra, la sœur du plus jeune d’entre eux, Moraldo. Au même moment, Fausto, dragueur invétéré, poursuit une autre candidate de ses assiduités. La cérémonie bat son plein quand un orage éclate et repousse toute cette petite société dans la salle du restaurant de plage qui accueille l’événement. Assaillie de félicitations, Sandra s’évanouit. Le médecin est formel : il s’agit d’une grossesse. Fausto affiche une mine déconfite et file à l’anglaise pour faire ses bagages. Chez lui, son père, intraitable, le force à rester et à assumer ses responsabilités.
Fausto et Sandra se marient et partent en voyage de noces à Rome. Sur le quai de la gare, amis et parents assistent à leur départ. Puis la vie reprend son cours : les quatre garçons restés sur place tuent le temps à jouer au billard, puis déambulent tard dans la ville éteinte. Enfin, chacun regagne ses pénates : Riccardo le ténor chez ses parents, Alberto le boute-en-train auprès de sa mère et de sa sœur. Leopoldo, aspirant dramaturge, écrit sa pièce la nuit dans sa mansarde. Seul Moraldo reste à traîner dans les rues, se liant d’amitié avec un très jeune cheminot sur le chemin du travail. Le dimanche, les amis errent sur la plage désertée. Alberto y surprend sa sœur au bras d’un homme marié.
Fausto et Sandra reviennent de lune de miel et s’installent chez les parents bourgeois de celle-ci. Sur la recommandation du beau-père, le jeune homme trouve un emploi dans un magasin de bibelots religieux aux invraisemblables rayonnages, où les heures sont longues et le silence pesant. Le soir venu, il emmène sa femme au cinéma, mais ne peut s’empêcher de faire du pied à une voisine. Cette dernière quitte la salle. Pour la suivre, Fausto se lève au milieu du film et laisse Sandra en plan. Lorsqu’il revient, après avoir embrassé l’inconnue du cinéma à l’entrée de son immeuble, la séance est finie, sa femme l’attend seule sur le trottoir. Elle lui confie, en larmes : «J’ai peur. »
C’est le jour du carnaval. Les garçons se déguisent pour aller au bal : Riccardo en mousquetaire, Alberto en «flapper» des années 1920. Au cours du bal, chacun cherche sa chacune : on conduit les filles dans les combles du théâtre pour les embrasser. Fausto surprend la femme de son patron en tenue de soirée, qui réveille en lui un désir pervers. Au petit matin, Alberto, ivre, est l’un des derniers à se trémousser sur la piste. À l’extérieur, l’aube blême le cueille titubant, près de s’effondrer. Moraldo l’épaule jusque chez lui, où il reste encore au fêtard à assister au départ de sa sœur s’enfuyant avec son amant, avant de sombrer dans le désespoir.
Le lendemain, Fausto arrive en retard au travail. À l’abri de la remise, il tente d’embrasser de force sa patronne. Le mari s’en rend compte et, à la fin de la journée, convoque son employé pour le licencier. Convaincu par Moraldo qu’il a été floué de son préavis, Fausto entreprend de dérober au commerçant une grosse statue d’ange pour la revendre à un prieuré des environs. Le beau-père, en ayant eu vent, les admoneste au cours du dîner. Fausto menace de quitter la maison, mais est rattrapé in extremis par Sandra. Du temps passe : le bébé des jeunes mariés voit le jour à l’approche du printemps.
Un spectacle de music-hall en tournée a lieu dans le théâtre de la ville, auquel assistent les cinq amis. Un vieux comédien en fin de course, paré d’une certaine notoriété, y joue une scène mélodramatique. Leopoldo le suit en coulisses, puis au restaurant, afin de lui lire sa pièce, pendant que ses compères se rabattent sur les danseuses qui dînent à une autre table. Le vieux cabot sort prendre l’air et entraîne son zélateur au bord de mer, sans doute pour le séduire, mais le jeune homme s’effarouche et part en courant. Peu après, Fausto quitte la couche de la meneuse de revue et découvre que Moraldo l’attendait audehors, les yeux pleins de reproches. À leur retour, Sandra fond en larmes en voyant Fausto s’essuyer le visage devant la glace pour y effacer les dernières traces de rouge à lèvres.
Au petit matin, Sandra s’enfuit avec le bébé. Les garçons partent à sa recherche en compagnie d’un Fausto profondément angoissé. Ils filent à l’école, puis à la campagne, chez la nourrice du bébé, mais rien n’y fait. Alors que les compères s’arrêtent manger une omelette, Fausto, à bout de nerfs, retourne en ville à bicyclette. On craint que Sandra ne soit partie se noyer en mer, mais quand Fausto approche de la plage, c’est la femme vulgaire du cinéma qu’il retrouve. À la fin, il découvre que Sandra avait simplement passé la journée chez son père, qui en profite pour lui administrer une bonne correction.
Sans rien dire à personne, Moraldo attend à la gare le train qui doit l’emmener loin de la petite ville. À la fenêtre du wagon, il dit adieu au petit cheminot, s’arrachant à sa propre enfance comme à ses amis endormis.
"Dans chacun de mes films un personnage traverse une crise. Il me semble que l'ambiance la meilleure pour souligner ces moments de crise est une plage ou une place la nuit. Car le silence, le vide de la nuit, ou le sentiment de la présence de la mère met en relief le personnage, son isolement, lui permet d'être lui-même sans effort. Ce que je veux montrer derrière l'épiderme des choses et des gens on me dit que c'est de l'irréel, on appel ça le goût du mystère."
Les Vitelloni vient du mot « vidlòn », issu du dialecte de Rimini : les travailleurs l’utilisent pour désigner les étudiants ou jeunes bourgeois inactifs de la côte Adriatique. On évitera donc de le traduire littéralement en français par « grands veaux ». Le néologisme forgé pour le film est passé en italien dans le langage courant, preuve que le cinéaste a fixé avec lui un véritable archétype dont on peut trouver un équivalent avec le «Tanguy » français (Tanguy, Étienne Chatiliez, 2001), spécimen du trentenaire qui vit toujours chez ses parents ou avec Les godelureaux (Claude Chabrol, 1961) ou Les garcons de Fengkuei (Hou Hsiao-hsien, 1983).
La voix off commence avec la première scène du film, l’élection de Miss Sirène. La voix off se présente comme un personnage à part entière et évoque les vitelloni à la première personne du pluriel, s’incluant dans cette petite communauté. Présentant les cinq personnages tour à tour, elle ne dit jamais «je» : elle s’exclut ainsi du groupe. Elle représente un personnage omniscient qui aurait pleinement conscience des événements survenus dans la ville. Sa fonction est aussi de condenser le temps. Elle surgit entre deux épisodes pour signifier une ellipse, une accélération de la narration des phénomènes au long cours (Riccardo qui prend de l’embonpoint, Sandra et Fausto qui accueillent leur premier enfant).
Les Vitelloni reçoit non seulement le Lion d’argent à la Mostra de Venise 1953, mais également un accueil triomphal du public. Le film sera distribué un peu partout dans le monde et connaîtra une fortune durable :
Ressources pédagogiques :