Dans une banlieue de Lyon, Fatima portant son foulard, accompagne sa fille aînée, Nesrine, et deux de ses amies nord-africaines pour visiter un appartement qu’elles souhaitent louer en collocation. La propriétaire, gênée, prétexte qu’elle n’a pas les clefs de l’appartement et de toute évidence ne souhaite pas fixer un autre rendez-vous. Nesrine taquine gentiment sa mère en lui disant qu’elle leur porte la poisse avec son foulard sur la tête. Les filles décident de se séparer dans leur recherche d’appartement, car elles se rendent compte que leur origine raciale trop évidemment révélée leur ôte toute chance de réussite.
Pendant ce temps, Souad, la fille cadette de Fatima, flirte avec les garçons et affiche son émancipation dans un bus de la ville. Souad n’est pas une élève modèle comme sa sœur et ne se gêne pas pour dire à sa mère le mépris qu’elle a pour la vie de cette dernière, qui se tue à faire des ménages et même si elle comprend le français, ne le parle pas très bien.
De retour à la maison, Fatima réaffirme à sa fille aînée, sa volonté de l’aider coûte que coûte dans la recherche d’un appartement afin de lui offrir les meilleures conditions de réussite dans sa première année de médecine. Fatima est divorcée, mais sait que le père de ses 2 filles partage la même ambition qu’elle pour leurs filles et l’aidera à financer leurs études.
Afin d’arrondir les fins de mois, Fatima accepte des heures de ménage chez une riche bourgeoise, qui dès le premier jour, glisse un billet de 10 euros dans une paire de jeans du bac à linge pour tester l’honnêteté de Fatima. Fatima encaisse le coup mais n’est pas dupe.
Nesrine trouve enfin une collocation avec une étudiante infirmière et entreprend vaillamment sa première année de fac. Elle refuse de sortir et de s’amuser et passe son temps à réviser.
Souad reste avec sa mère et les relations s’enveniment. Souad devient de plus en plus agressive verbalement avec sa mère et la traite de cave et d'incapable. Le père de Souad essaie de la raisonner et lui offre de belles chaussures Nike pour la motiver à travailler à l’école. Mais Souad s’enfonce dans son rôle de rebelle. Fatima est convoquée au lycée pour discuter des mauvais résultats de Souad mais Souad n’entend pas raison et crie haut et fort qu’elle préfèrerait voler ou aller en prison, plutôt que de vivre la vie misérable de sa mère.
Fatima se refugie alors dans l’écriture le soir, seule dans sa chambre. Ce n’est pas à proprement parler un journal intime, mais la description en arabe presque poétique de sa douleur. Sa douleur à ne pas s’entendre avec sa plus jeune fille, de ne pas parler le français, de ne pas comprendre ni être comprise.
Elle continue néanmoins à choyer ses deux filles. A la plus grande, elle prépare du couscous et de la soupe dans des boites pour qu’elle n’ait pas à cuisiner et puisse se consacrer à ses études. Le soir, elle maintient le dialogue avec sa cadette, la masse et tente de lui faire comprendre que sa vie passe par la réussite de ses filles et qu’elle est prête à tous les sacrifices. Pour autant, seule Nesrine à l’ambition de s’en sortir de sa mère. Elle travaille jusqu’à l’épuisement et s’interdit de fréquenter un jeune étudiant qui tente de la séduire.
Epuisée par ses multiples travaux de ménage, Fatima tombe dans l’escalier et se fait mal au bras. Elle est arrêtée 5 mois mais continue à souffrir de son bras et ne peut plus recommencer à porter seaux et brosses dans les escaliers. Son médecin traitant la dirige vers la médecine du travail, qui considère qu’elle n’a plus de séquelles de sa chute et ne peut prolonger son arrêt. Néanmoins, on l’envoie chez une rhumatologue qui parle l’arabe. Cette rhumatologue comprend que Fatima souffre intérieurement et somatise sur son bras. Fatima mise en confiance, lui apporte ses pages d’écriture et lui lit des extraits. Elle est surprise de voir que la rhumatologue trouve ses écrits beaux et touchants et cette reconnaissance l’aide sur le chemin de la guérison.
Nesrine réussit sa première année de médecine. Souad, contre toutes attentes, accueille la nouvelle avec grande joie et fierté. La séqeunce finale montre Fatima qui, seule, revient en fin de journée, s’assurer que le nom de sa fille est bien sur les listes et sourit.
Même si cette histoire d’intégration sociale dans une France raciste est un peu attendue et le message un peu trop évident, Fatima réussit à émouvoir par sa pudeur et son dépouillement. Jouent pour beaucoup les plans rapprochés sur le visage intelligent et doux de l’actrice, qui ne se plaint presque jamais et continue à croire à la réussite et à la vie malgré le racisme à peine caché dont elle est victime. Elle parle presque constamment arabe avec ses filles qui lui répondent en français, mais la communication est riche. Même si elle est heurtée par les paroles de sa fille cadette, Fatima entretient le dialogue.
C’est l’histoire d’une résilience. Une femme qui a tout pour échouer dans une société française bien pensante (elle est mère seule, pauvre, ne parle le français, travaille trop) et qui continue à croire qu’il faut poursuivre ses rêves et ses ambitions. Elle-même avoue que si elle était restée au bled et avait reçu une bonne éducation, elle serait à présent "ministre en Algérie, même si les élections là-bas sont toujours truquées". Dans sa souffrance, elle continue à faire preuve d’humour et d’amour.
Il est regrettable que le rôle de la plus jeune des deux filles soit surjoué. Il ne cadre pas bien avec l’économie de moyens du film. Fatima n’est pas un film sur les banlieues, c’est une histoire de femme et le jeu d’actrice de Souad enlève un peu de crédibilité au sujet, faisant basculer le film dans un autre registre. De même, le personnage de la riche bourgeoise est également stéréotypé. Il n’était pas nécessaire qu’elle affiche tant de mépris pour sa femme de ménage pour comprendre que deux mondes s’affrontent dans ce film et dans la France d’aujourd’hui. Ceci dit, on oublie facilement ces quelques maladresses pour retenir la richesse du personnage de Fatima et de son combat.
Michelle Delalix, le 07/11/2015
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