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Les larmes amères de Petra von Kant

1972

Genre : Mélodrame

(Die Bitteren Tranen Der Petra Von Kant). Avec : Margit Carstensen (Petra von Kant), Hanna Schygulla (Karin Thimm), Katrin Schaake (Sidonie von Grasenabb), Eva Mattes (Gabriele von Kant), Gisela Fackeldey (Valerie von Kant), Irm Hermann (Marlene). 2h04.

dvd chez Carlotta Films

Petra est réveillée par Marlene au saut du lit. Elle appelle sa mère, la fait un peu enrager et lui promet finalement de l'argent. A, 35 ans, Petra est une styliste à la mode, arrogante, caustique et suffisante. Elle maltraite Marlene, sa secrétaire, ex-amante devenue aujourd'hui aide et bonne à tout faire. Survient Sidonie, sa sœur, revenue depuis peu d'un voyage en Australie qui la met en demeure d'expliquer les causes de l'échec de son mariage. Petra, rappelle la force des premiers temps de l'amour et raconte comment sa gloire naissante et la déchéance sociale de son mari ont conduit celui-ci à la prendre de force ce qui l'a contrainte au divorce. Sidonie, mariée, reconnaît qu'elle n'aime plus son mari mais qu'elle le domine de fait et prône les vertus de l'humilité. A la fin de leur rencontre, Sidonie annonce la venue de Karin, exilée cinq ans en Australie qui aimerait connaître Pétra… qui a maintenant fini de se maquiller. Karin entre, c'est une très belle jeune femme de 23 ans dont Petra tombe immédiatement amoureuse. Elle l'invite à repasser le lendemain soir chez-elle.

Le lendemain soir, Petra reçoit Karin harnachée dans une robe du soir aux multiples bijoux en toc. Karin ne sait pas que faire dans la vie. Son père, outilleur, a fini par tuer sa mère puis se pendre après avoir été licencié d'une entreprise de pointe. Son mariage et son exil en Australie ont été un échec. Petra, ravie de la disponibilité de sa nouvelle amie, lui raconte comment elle a perdu son premier mari, mort dans un accident d'auto avant la naissance de leur fille. Elle ne tarde pas à lui avouer son amour et lui promet de la faire devenir mannequin. Karin accepte de venir habiter chez elle et lui demande d'être patiente.

Quelques mois ont passé. Karin se prélasse au lit. Petra s'agite autour d'elle, cherche à lui faire reprendre ses études, lui sert à boire et s'enquiert de savoir ce que Karin a fait de sa soirée d'hier. Celle-ci lui avoue avoir couché avec un grand noir avec une longue queue. Petra pleure, prône à son tour l'humilité. Un article du journal annonçant la réussite de Petra, avec Karin en photo, adoucit celle-ci qui accepte enfin le baiser de Pétra. Le téléphone sonne. C'est le mari de Karin qui lui demande de le rejoindre à Francfort. Petra insulte Karin, lui crache au visage. Rien n'y fait : Karin part.

Allongée sur la moquette, saoule, Petra répond et raccroche au téléphone chaque fois qu'elle comprend que ce n'est pas Karin qui l'appelle.

C'est son anniversaire et sa fille, Gabriele, vient la voir. Elle se montre sardonique devant l'expression de ses premiers amours. Arrivent ensuite Sidonie, qui sait que Karin est aujourd'hui à Brême, puis Valérie, leur mère. Petra qui espérait la venue de Karin craque, les traite toutes les trois de putains et de parasites. Puisqu'elle seule travaille, elle dit pouvoir se permettre de tout casser et réduit en miettes le service à thé.

Le soir, Valérie, la mère, vient consoler Petra qui s'est calmée. Lorsque Valérie part, Petra propose son amitié et son amour à la fidèle Marlène. Celle-ci fait alors immédiatement sa valise, dans laquelle elle glisse un revolver et s'en va. Petra se couche dans le noir.

Adapté de la pièce de Fassbinder, le film est découpé en cinq scènes avec comme décor unique la chambre-salon de Petra von Kant aux environs de Brême. Une immense reproduction du tableau de Poussin, Midas et Bacchus, tapisse l'un des murs.

Le titre du film est suivi de deux cartons introductifs "Un cas de maladie" et "Dédié à celui qui est devenu Marlene". Et c'est bien par ce personnage de Marlene, servante et assistante de Petra von Kant, que le film est vu. Marlene accepte toutes les humiliations pour rester auprès de celle qu'elle aime. Deux fois, elle se tient derrière la vitre alors que, dans la profondeur de champ, Petra discute avec Sidonie puis Karin. Très souvent, elle est cadrée dans l'embrasure d'une porte, en arrière-plan, écoutant la conversation de ceux qui ont appris à ne pas faire attention à sa présence. Plus encore qu'une médiatrice entre le spectateur et Petra, elle est surtout celle qui a compris que l'amour est invivable, qu'il est toujours un rapport de force où règne le droit du plus fort. Le plus faible, étant condamné à la souffrance, ne pouvant que vainement, la plupart du temps, appeler l'autre à l'humilité. Elle reste donc à l'écart, protégée derrière une vitre de l'arène dans laquelle Petra va se faire déchirer.

Il s'agit d'un des plus brillants mélodrames de Fassbinder. L'immense reproduction du tableau de Poussin, Midas et Bacchus, qui tapisse le mur libre de la chambre-salon de Petra peut en effet être lu, comme l'illustration de la vanité à masquer la vérité profonde. Midas rêve d'un monde social où il posséderait toute la puissance grâce à l'or. Mais, il ne peut plus alors satisfaire aux pulsions les plus fondamentales : la nourriture, le sexe et l'ivresse de l'esprit.

Petra croit passer un marché avec Karin, elle qui possède la possibilité de transformer en or ce qu'elle touche, elle lui accorde sa protection contre son amour. Il s'agit comme l'a déjà souligné Stéphane Bouquet du marché de dupe habituel chez Fassbinder. Quiconque ignore qu'en amour domine la loi du plus fort est condamné à la souffrance, à la solitude et à la mort.

Marlène le sait. Elle reste sagement à l'écart et fuit dès que l'amour devient possible. Elle pleure une fois : lorsque Petra évoque la déchéance de son mari auquel, durant cette narration, elle s'est probablement identifiée. Cette séquence est d'ailleurs l'objet d'une autre magnifique utilisation de la profondeur de champ. Le visage de Marlène est saisi en plan de plus en plus rapproché jusqu'à devenir flou, la mise au point ne redevenant ensuite nette que sur le visage de Petra, éloigné dans la pièce, pris lui aussi alors en gros plan. Les larmes de Marlène sont les mêmes que celles jadis versées par le mari voyant celle qu'il aime lui échapper. Ainsi sagement Marlène travaille, tape à la machine, dessine les robes, confectionne les modèles, reste dans le monde social banal.

A l'inverse, Petra se veut pleinement dominatrice ou dominée. Elle accepte en effet assez souvent la pose allongée en parallèle avec la nymphe alanguie du tableau de Poussin. Karin est de la même trempe. Lors de la scène de séduction, elle est venue rôder devant le tableau choisissant souvent d'être devant le léopard. Elle se sait féline et ne se laisse pas impressionner par le cérémonial de Petra. Il lui suffit de jouer de sa séduction de se laisser absorber sa peau blanche par les mains noires ou les mains de Pétra.

Jean-Luc Lacuve le 13/06/2012

Editeur : Carlotta-Films, avril 2018. 4 BD + 1 DVD Formats 1.33, 1.37 et 1.66. Durée Totale des Films : 704 mn. 7 films majeurs de R.W. Fassbinder tournés entre 1969 et 1973. 50,16 €

Présentation du DVD

L'amour est plus froid que la mort, Le Bouc, Prenez garde à la sainte putain, Le marchand des quatre saisons, Les larmes amères de Petra Von Kant, Martha, Tous les autres s'appellent Ali.

Suppléments :

  • Michael Ballhaus à propos de Martha (20')
  • R.W. Fassbinder, 1977. Documentaire de Juliane Lorenz
  • Un livret (12 pages).
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