Acte 1 : Des hommes et des vers.
Juin 1905. La mer démontée. Un carton :"L'esprit de la révolution se propageait sur la terre russe. Un processus, mystérieux mais gigantesque, touchait ne multitude de curs. La personnalité, ayant à peine eu le temps de se reconnaître, se dissolvait dans la masse, et la masse dans l'élan".
Le matelot Matiouchenko s'adresse à son camarade Vakoulintchouk : "Nous les matelots du Potemkine, devons soutenir nos freres ouvriers et être avec eux aux avant-postes de la révolution". Les matelots de quart dorment d'un sommeil agité. Un quartier maître "Vigilant mais maladroit, passe sa rage sur un bleu", le fouette. Humilié le matelot pleure et est réconforté par ses camarades. Vakoulintchouk s'adresse à eux "Camarades, le moment est venu de nous faire entendre ! Qu'attendons-nous ? La Russie entière s'est soulevée. Serions-nous les derniers ?"
Au matin, les marins découvrent que les quartiers de viande apportés à bord du navire sont pourris. "On a en a assez de manger de la pourriture. Même un chien n'en voudrait pas. Elle pourrait ramper toute seule par-dessus bord". Le médecin-major Smirnov juge néanmoins la viande propre à la consommation "ce ne sont pas des vers. Ce sont des larves de mouches mortes. Cela s'enlève avec de la saumure". Les marins poursuivent leurs taches mais pendant que la marmite chauffe, la rage impuissante finit par déborder. Les marins se nourrissent de petits poissons pêchés de pain avec du sel ou vont se ravitailler au magasin du navire mais refusent leur soupe à base de viande avariée. Les matelots chargés de laver la vaisselle des officiers découvrent sur une assiette la formule : "Donnez-nous aujourd'hui notre pain de ce jour." De rage, l'assiette est cassée.
Acte 2 : Drame dans la baie de Tendra.
Le commandant Golikov, fait monter tout le monde sur le pont. Après avoir salué ses officiers, il demande à ceux qui sont satisfaits de la soupe de faire deux pas en avant. Ce que font beaucoup de sous-officiers et quelques matelots alors que le groupe principal des matelots ne bouge pas. Golikov ordonne que soient pendus aux vergues ceux qui n'ont pas bougé. Il convoque la garde armée du navire.. Matiouchenko dit à ceux qui ne veulent pas obéir de se réunir près de la tourelle d'artillerie. La majorité des matelots suit ses consignes. Un dernier groupe de matelots qui allait les rejoindre est séparé d'eux par les officiers qui tentent de reprendre le contrôle. Les quelques marins ainsi séparés des leurs veulent fuir par l'écoutille de l'amiral derrière Golikov. Ce crime de lèse-majesté rend fou furieux Golikov qui décide de les faire fusiller comme des chiens et fait amener une bâche pour les recouvrir avant l'exécution. Le prêtre exhorte dieu pour ramener les insoumis à la raison. Alors que Matiouchenko a tristement baissé la tête, Vakoulintchouk interpelle la garde au moment où Guiliarovski le premier officiera ordonné de faire feu : "Freres sur qui tirez-vous !"Les marins de la garde refusent de faire feu et ce sont les officiers et leurs partisans qui sont jetés à l'eau. Va-t-en au fond nourrir les poissons. Les matelots ont gagné mais Vakoulintchouk, perdant son sang, essaie vainement d'échapper à Guiliarovsky enragé. Celui qui le premier appela à la rébellion fut aussi le premier à tomber. Son corps est conduit par vapeur à Odessa. Une tente sur le môle d'Odessa fut la dernière escale de Vakoulintchouk. Une bougie entre les mains et une pancarte sur le torse indiquant "Mort pour une cuillère de soupe."
Acte 3 : un mort réclame justice.
Du môle le bruit se répandit, à l'aube il atteignit la ville : le cuirassé dans la rade, il y a une mutinerie. Sur la jetée il y a un matelot mort. gens d'Odessa, ci-gît Vakoulinchouk, le matelot tué sauvagement par un officier supérieur sur le cuirassé Prince Tavritchesky. nous nosu vengerons. mort à l'opresseur. léquipage du cuirassé Prince Tavritchesky. n'oublions pas celui qui est mort au combat tous pour un et un pour tous. A bas l'autocratie. Mères, frères ! ne laissons rien nosu diviser. Et le bourgeois qui cria imprudemment "Mort aux juifs" se fait lyncher par la foule. "Côte à côte cette terre nous appartient, demain nous appartient."
La délégation d'Odessa vient sur le Potemkine et convient du même mot d'ordre. "Nous devons porter un coup décisif à l'ennemi avec les travailleurs révoltés de toute la Russie". Les yeux rivés sur le Potemkine, la foule massée sur les escaliers d'Odessa, suit la mutinerie et crie de joie quand le drapeau rouge est hissé.
Acte 4 : L'escalier d'Odessa.
En ces jours mémorables, la ville entière soutenait l'équipage mutiné ; tels des oiseaux blancs de nombreux canots se dirigeaient vers le cuirassé avec à leur bord de quoi nourrir les marins : pain oies et cochons de laits. Tous, vieillards jeunes filles, bourgeoises ou cul de jatte applaudissent cette fraternisation. Soudain, l'armée tire dans la foule. une mère voit son enfant ensanglanté piétiné par la foule. Elle remonte les escaliers à contre-courant de la foule qui continue de fuir. son exemple entraîne une autre femme courageuse à vouloir essayer de convaincre les soldats. Mais rien n'y fait. La mère a beau dire aux soldats que son enfant est au plus mal, ils tirent une salve sur elle. Les cosaques arrivent par le bas des escaliers et la femme courageuse voit ses compagnons fauchés par leurs tirs. En haut des escaliers, une femme essaie de protéger son enfant dans un landau mais c'est elle qu'on tue d'une balle dans le ventre. Elle s'écroule en poussant le landau de son enfant qui dévale les escaliers sous les yeux horrifiés de la femme courageuse et d'un jeune étudiant. au moment où le landau va se renverser, la femme courageuse est exécutée à coups de sabres dans la tête par un cosaque.
En réponse aux atrocités du commandement militaires, les canons du Potemkine répliquent à la charge des cosaques et visent le théâtre d'Odessa, l'état-major des généraux qui est pulvérisé.
Acte 5 : Rencontre avec l'escadrille.
Sur le Potemkine des débats sont houleux. Faut-il débarquer à Odessa pour rallier l'armée à la cause révolutionnaire ou faut-il rester sur le navire pour se préparer à recevoir l'escadrille ? On décide finalement d'attendre l'escadrille de l'amirauté. Après une nuit d'angoisse, les vigies voit poindre l'escadrille avec le petit jour.. C'est le branle-bas de combat : "Tous contre un, un contre tous". Matiouchenko demande à ce que l'on fasse des signaux au destroyer 267qui longe son flanc afin de demander le ralliement de l'équipage. L'ennemi est maintenant à portée de canon. Le destroyeurse rallie et laisse passer le Potemkine." Aux oreilles des amiraux tsaristes résonna un vibrant hourra. Le drapeau rouge de la liberté hissé, sans avoir titré un seul coup de canon, le Potemkine passait à travers l'escadrille.
Deuxième film d'Eisenstein. Pour les historiens et la plupart des cinéphiles, c'est le film le plus célèbre du monde, toujours cité et souvent en première place dans les palmarès internationaux des meilleurs films de l'histoire du cinéma. Jusqu'en 1952 (date à laquelle fut levée son interdiction officielle en France, et le film fut pareillement interdit dans plusieurs autres pays d'Europe) on ne pouvait le voir qu'en cinémathèque.
Pour Jacques Lourcelles, plus que d'une tragédie en cinq actes on a plutôt affaire ici aux mouvements d'une uvre musicale. Le montage isole des objets avec une fonction individualisante.
Les différentes versions du Cuirassé Potemkine
Alors que l'on croyait définitive la version restaurée en 1976 par la cinémathèque d'état soviétique et le musée Eisenstein sous la direction artistique de Sergueï Youtkevitch, voilà que Mk2 propose désormais la version : celle restaurée en 2005 par la cinémathèque allemande.
Le passionnant documentaire livré en bonus sur le DVD ci-dessous qui voit s'affronter Naum Kleeman, le conseiller scientifique de la version 1976 et Enno Patalas le responsable de la version 2005 rappelle l'histoire mouvementée du négatif. Après la première au Bolchoï le 21 décembre 1925, il passe d'URSS en Allemagne en 1926 pour y être censuré de 30 mètres pour 14 coupes. Il est présenté ensuite dans une version sonore en 1930. Il revient en URSS, vraisemblablement en 1933, pour y être redistribué dans une version sonore en 1950, identique à celle de 1926 mais avec une autre musique puis en 1976 dans un métrage de 1850 mètres, très proche de la version 1925 sur une musique de Chostakovitch.
La version de 2005 s'impose désormais comme la version de référence pour plusieurs raisons. La première étant que la version de 1976 avait, comme le confesse avec désarrois Naum Kleeman, été ralentie pour coller à la musique de Chostakovitch. C'est heureusement principalement la durée des cartons qui avait été allongée. Sur DVD, la version de 1976 dure 1h10 contre 1h08 dans cette version qui comporte pourtant 15 plans de plus.
Rythme, contraste, musique, Trotsky et drapeau rouge
La version de 1976 s'appuie en effet essentiellement sur le négatif revenu en URSS en 1933 sur lequel les coupes de 1926 demeurent. Sur ce négatif ont été rajouté les plans manquants tels qu'Eisenstein les avait notés sur ses cahiers de photogrammes commentés et issus des copies mutilés de 1925 détenues par le musée Eisenstein.. Cependant, comme le concède, Naum Kleeman, la version de 1926 avait sa propre logique et s'il a été facile de rajouter les plans manquants de l'escalier d'Odessa (robe ensanglantée de la mère au landau, exécution de la femme à l'enfant et de l'institutrice), le montage des plans de l'acte 2 fut plus approximatif.
Enno Patalas est reparti de trois copies retrouvées à Londres dont une copie d'exploitation de 1925. Il s'est accommodé du refus des autorités russes de transmettre le négatif et sans trucage électronique, a établi un contretype (négatif obtenu à partir d'une copie positif) d'excellente qualité.
La copie obtenue à partir de toute la surface de la pellicule est en effet beaucoup plus contrastée que la version de 1976, obtenue à partir d'un négatif amputé de sa piste sonore. La qualité de cette version est telle que la cinémathèque d'état russe a crié au trucage électronique qui ferait perdre de son aura au film. En fait, seuls les cartons, issus de la copie de Jay Leyda, ont été parfois retouchés par ordinateur.
La musique choisie par Enno Patalas est celle approuvée par Eisenstein et composée par Edmund Meisel en 1926. Elle est bien-sûr beaucoup plus sobre, épurée et inquiétante que celle bricolée à partir des symphonies de Chostakovitch. Elle a été réorchestrée pour l'occasion et légèrement rallongée pour les 30 mètres censurés.
Enfin, cerises sur le gâteau, le retour à la citation de Trotsky choisie par Eisenstein qui remplace celle de Lénine imposée après l'exil de Trotsky et colorisation du drapeau rouge à la fin de l'acte 2 comme lors de la version de 1925.
Jean-Luc Lacuve le 18/08/2008
Le cuirassé Potemkine et l'histoire
Cette "tragédie en cinq actes", selon les propres termes d'Eisenstein, fut à l'origine une commande destinée à commémorer le vingtième anniversaire de la révolution en relatant un grand nombre d'événements de l'année 1905.
La capitulation de Port-Arthur marque la défaite irréversible de la Russie dans sa guerre contre le Japon. Le 9 janvier, le Tsar fait tirer sur la foule qui se dirigeait vers le Palais d'Hiver. Au large d'Odessa mouillent plusieurs unités de l'escadre tsariste, notamment le "Cuirassé Prince Potemkine" dont des marins se tiennent en liaison avec des ouvriers grévistes d'Odessa. Le 14 juin, les marins du "Potemkine" découvrent que les quartiers de viande apportés à bord du navire sont pourris.
Interprété par des membres du théâtre proletkult, des matelots de la flotte de la mer noire, de l'union des pêcheurs de Sebastopol et des habitants d'Odessa. Citation de Leon Trotski : Bilan et perspective.
Editeur : Mk2, Août 2008.25 €.
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DVD1 : Le Cuirassé Potemkine, entièrement restauré. 1h08. Suppléments sur DVD2 : Documentaire sur l'histoire du film et sa restauration (42'). Analyse de Luc Lagier. |