Premier jour : Camille débarque à la gare d'Abbeville en Picardie. Grande, élancée, dégaine d'étudiante et s'exprimant bien, elle poursuit Costa, un petit mec paumé et sans grâce qu'elle tente de convaincre de son amour alors même qu'elle l'accuse de l'avoir violée la veille au soir après qu'elle l'eut invité dans son appartement parisien. Costa énervé par ces contradictions la repousse. Il a d'autres soucis en tête : il est revenu pour voir sa fille Kim qu'élève Gwendoline à laquelle il n'a donné ni nouvelle ni argent depuis trois ans.
Camille délaissée marche vers le Crotoy, où Costa a dit se rendre, lorsqu'elle est abordée par Cyril auquel elle raconte son histoire. Elle apprend successivement que Cyril est inspecteur de police et qu'il connaît très bien Costa. Séduit par l'énergie rayonnante de Camille, Cyril lui donne l'adresse de Gwendoline tout en lui affirmant que Costa ne s'y trouvera probablement pas.
La visite chez Gwendoline tourne court. La
bonne volonté de Camille apparaît dérisoire face à
la réalité de l'abandon de Costa et à la douleur retenue
de Kimberley.
Cyril l'attend devant la porte et accepte de la conduire dans une chambre
d'hôtel près du port donnant sur la baie de Somme. Il lui donne
aussi l'adresse du père de Costa chez lequel il s'est vraisemblablement
rendu.
Deuxième jour, vendredi : Camille fait connaissance avec le père de Costa un peu dérangé, bavard curieux et plutôt malveillant. Costa préfère quitter la maison mais sur la page il ne s'excuse qu'assez platement ce qui ne convient pas à Camille qui le laisse en plan non sans lui avoir demandé de venir le rejoindre dans son appartement.
Il vient immédiatement la rejoindre devant son hôtel. Elle lui demande de faire un test contre le sida. Il s'excuse, elle l'embrasse avant de rejoindre Cyril qui l'a suivi.
Elle lui parle d'aimer le premier venu. Il l'invite à déjeuner pour le lendemain.
Plus tard Costa et Camille rentrent de la plage. Costa a du mal à soutenir le regard de Camille qui lui dit qu'elle souhaitait qu'il revienne à Paris avec elle. Une nouvelle fois l'invite à essayer de revoir sa fille. Costa évoque de nouveau des problèmes d'argent.
Cyril est de nouveau aux cotés de Camille. Il la met une nouvelle fois en garde sur le peu d'intérêt de Costa. Ils croisent un agent immobilier. Cyril demande à embrasser Camille, elle accepte mais lui demande de ne plus jamais recommencer le trouvant moins émouvant que Costa.
Camille a une idée. Elle se rend dans la maison que fait visiter l'agent immobilier et lui propose de coucher avec lui pour 500 euros. La vulgarité crasse de l'agent immobilier la révulse et elle lui mort sauvagement la langue. S'étant déjà emparée des 500 euros, elle propose à l'agent immobilier de revenir le lendemain.
Elle arrive chez Gwendoline qui s'en va faire ses courses au supermarché. Elle remet les 500 euros à Gwendoline qui les refuse puis les accepte. Elle encourage aussi Costa à se montrer sous son meilleur jour pour convaincre son ex-femme de lui laisser une journée la garde de son enfant.
Avec Costa sur la plage elle se rend à la cabane aux canards qu'il appelle sa planque. Il installe un fauteuil.
Cyril se rend chez Gwendoline qui 'a appelé. Ils ont été amants après le départ de Costa et elle lui demande son avis pour laisser sa fille à son ex-mari. Cyril se montre indécis dans son avis comme dans son désir et Gwendoline le met dehors.
Cyril rencontre Costa et le chahute au sujet du viol commis sur Camille. Ils se retrouvent tous trois devant la chambre d'hôtel de Camille et Cyril humilie Costa sans grand succès car Camille prend sa défense.
Costa déstabilisé rentre chez son père et parle d'emmener sa fille au Canada. Cyril vient s'excuser sans grand succès quand il ne séduit pas il est aigri dit-il
Troisième jour, samedi : Costa emmène sa petite fille
sur la plage. Il l'interroge gentiment sur ses amoureux en classe mais après
un bon début la petite fille met à pleurer. Costa est désespéré
et refuse de suivre Camille qui va chez l'agent immobilier.
Celui-ci la tape et Costa surgit pour la défendre. Il vole la carte bleue de Saitos qui liquéfié lui donne son code. Il enjoint Camille de retirer de l'argent à la banque. Celle-ci, lâchement, avoue tout à Cyril qui l'a encore suivie. Costa réussit à extorquer 5 000 euros à l'agent. Il s'enfuit en voiture.
Il appelle Camille qui était parti à sa recherche avec Cyril. Elle arrive à l'hôtel. Ils partent pour la planque. Mais le soir il fait trop froid et ils doivent retourner à l'hôtel. Là, l'alcool aidant, cela se passe mal. Costa s'en va. Camille appelle Cyril : "Je lui ai donné le courage de partir et à vous, qu'ai-je donné? L'envie de rester. " Ils s'embrassent. Costa surgit et tabasse Cyril.
Apres avoir hésité, Camille et Costa emmènent Cyril chez le père de Costa pour le soigner. Ils vont ensuite à la planque.
Quatrième jour, dimanche matin :
Costa tente de refaire rejouer à Cyril et Camille la séance
de séduction. Il contraint sans conviction ensuite Camille à
une fellation puis se calme.
Camille va chercher Gwendoline. Celle-ci repart réconcilliée
avec Costa en voiture laissant Cyril et Camille amorcer une possible histoire
d'amour.
Comme bien souvent chez Doillon, il s'agit ici d'un film d'initiation centré sur une adolescente. Camille, déplacée pour quatre jours de Paris au Crotoy en Picardie, va tester sa capacité à aimer le premier venu c'est à dire, pour elle, transformer une expérience qui l'a salie en expérience positive. Elle se heurtera aux différences de classes sociales à la vulgarité du monde, obtiendra moins qu'elle ne l'avait espéré mais saura finalement conduire sa barque pour sortir grandie au petit matin du dimanche. Interrogative devant une mare aux canards en baie de Somme, elle sera de nouveau face à un premier venu qu'elle pourrait aimer.
Visages sur la mer
L'écriture légère et appliquée des cartons ponctuant chacune des quatre journées et le rythme allègre et primesautier de la sonate de Debussy qui les accompagne sont à la mesure de l'énergie toujours renouvelée de Camille. Chaque matin, elle repart pleine d'espoir pour tenter de donner du sens à sa vie. Ce sens s'était égaré, alourdi, sali par la confiance qu'elle avait accordé à ce premier venu qui l'avait approchée de trop prêt. En débarquant de la gare, Camille s'est faite à l'idée que Costa l'aura salie s'il se révèle un pauvre mec et une source de ravissement si elle parvient à l'aimer.
Curieux raisonnement peut-être, mais Camille est une étudiante qui aime à discourir de ses connaissances littéraires parfois convenues (se perdre c'est commencer à se trouver) et probablement toutes fraîches (dans le Bescherelle après "être" et "avoir" viennent "être aimé" et "se méfier" puis seulement "aimer"). Comme Cyril, le spectateur ne peut manquer de sourire devant cette volonté en action qui souhaite aimer le premier venu parce qu'elle ne veut ni se méfier ni être aimée.
Improbable raisonnement mais que la beauté des paysages peut aider à mettre en uvre. La mer sans cesse présente en arrière plan, rendue immense par la perspective de la plage se perdant dans la brume ou réduite à une mare où barbote des canards en plastique vient souvent donner la mesure de ce qui se joue en excluant le monde social aussi bien que les huis clos dans les chambres d'hôtel, grand classique du cinéma de Doillon. Dans l'un et l'autre cas, seuls comptent les visages et les corps comme déconnectés de tout ce qui se joue hors de leur visage. Deleuze proposait de dénommer icône, ces gros plans de visage déterritorialisé, qui ont le pouvoir d'arracher l'image aux coordonnées spatio-temporelles pour faire surgir l'affect en tant que pur exprimé.
Raisonnement long à s'incarner car accorder sa confiance, son regard généreux au premier venu provoque des sentiments souvent inattendus qu'il appartient à tous : personnage, metteur en scène comme spectateurs de mettre en forme. Car c'est bien à ce sauvetage par procuration que nous convie Doillon en nous présentant Costa, voyou sans grâce à la limite de replonger dans l'alcool, la drogue et la plus grande précarité.
Incarner une idée morale.
Camille est une bourgeoise qui sous-stime en permanence le rôle de l'argent ce que ne manquent pas de lui faire remarquer gentiment Gwendoline et Costa et plus brutalement Siatos, l'agent immobilier. L'exigence de Camille d'aimer le premier venu semble à l'abord bien improbable. Et d'ailleurs, est-ce bien son but ? N'est-elle pas venue là aussi pour savoir si Costa qui l'a violée, possible SDF drogué, ne portait pas le virus du sida ? A demi-rassurée elle s'accroche ensuite à cette idée sans conséquence pour elle d'essayer d'aimer celui qu'elle vient de nommer le premier venu.
Pourtant l'idée abstraite, presque une base de discussion dans une classe de philosophie, va s'avérer porteuse de sentiment lorsque Camille va égoïstement chercher à l'incarner.
Armée de toute sa détermination et de son charme, elle s'émeut de Costa qui rougit sous son regard. Elle trouve cette expérience bien plus émouvante que le baiser convenu de Cyril. Poussant son avantage, elle contraint Costa à déposer les armes en exigeant un pardon sincère sur la plage. En petite fille pleine de bonne volonté, elle essaie ensuite d'arranger la rencontre entre Costa et sa fille Kimberley.
Doillon sait prendre le risque de telles scènes de confrontation des corps qui sans enrobage dramatique font surgir le sentiment. C'est toute la grâce de la première journée décrite dans le film que d'installer le spectateur dans cet état où la seule chose qui compte est l'intensité de l'émotion. Un peu comme lorsque l'on regarde la mer, un soir dans une chambre d'hôtel de passage. Plan sur lequel se clôt le premier jour.
Les traumatismes subis par les personnages empêchent pourtant que ne se déploient les sentiments. Le viol ne peut être oublié et l'argent et la dignité manquent pour que Costa soit sauvé d'un coup de baguette ou de regard magique.
Le risque de la scénarisation.
Doillon prend alors le risque de scénariser le trajet de ses personnages en les prenant dans un réseau de prise d'otage, de vol de carte bleue, d'extorsion de fonds. Il prend le risque d'un banal sauvetage par l'argent et la force de l'amour qui se révélerait à Costa malgré lui. Certes l'humour, celui dû aux interventions du père, allège le propos. Mais ce sont surtout les déraillements du scénario qui finissent par révéler à Camille la force et les limites de son engagement.
Elle lui révèle sa propre faiblesse incapable qu'elle est de réagir à la violence de l'agent immobilier. Elle vomit dans un sac en plastique pendant que Costa agit. Elle panique devant l'agence bancaire et avoue lâchement son aventure à Cyril. Elle appelle aussi le policier dès qu'elle soupçonne Costa de l'avoir abandonnée dans sa chambre d'hôtel. Son rôle d'instigatrice d'extorsion de fonds se réduit comme peau de chagrin et c'est Costa qui mène le jeu. Il s'avère au bout du compte un premier venu très efficace même s'il ne peut rien contre la rouerie de l'agent immobilier (liquéfié mais ne retirant petitement que 5 000 euros contre les 10 000 prévus).
Abandonner les rôles tout faits.
Cyril s'avère détestable dès qu'il endosse sa défroque de policier. Il humilie Costa dans une première scène d'interrogatoire ou moralise avec Camille lorsqu'ils recherchent Costa en fuite dans la voiture de l'agent immobilier. Il faudra tout le tabassage de Costa pour qu'il devienne à son tour proche d'un premier venu.
Entre-temps Camille comprend qu'elle ne peut convenir à Costa. La réconciliation finale des anciens époux dans la baie de Somme au milieu des canards en plastique devient émouvante parce que l'on se souvient de la douleur de Kimberley, enfant perdu au milieu de la plage et sanglotant enfermée en elle-même du désespoir d'un père qui lui avait tant manqué pendant trois ans.
Accorder sa confiance, son regard généreux au premier venu (voyou, enfant ou défroqué social) est un risque à la mesure des sentiments souvent inattendus qu'ils provoquent.
Jean-Luc Lacuve le 04/04/2008