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Home movies

1980

Avec : Nancy Allen (Kristina), Mary Davenport (Mrs. Byrd), Kirk Douglas (Dr. Tuttle 'The Maestro'), Vincent Gardenia (Doctor Byrd), Keith Gordon (Denis Byrd), Gerrit Graham (James Byrd). 1h30.

un jeune homme vivant depuis l’enfance dans l’ombre de son grand frère, aussi charismatique que dérangé, et observant les crises à répétition de sa mère occasionnées par les incessantes tromperies de son obsédé sexuel de père. Cherchant à se mettre en valeur auprès de la nouvelle petite amie de son frangin et fatigué de se sentir « transparent » au sein de ce foyer d’allumés, il décide de suivre l’enseignement du « Maestro », personnage volcanique aidant les gens à devenir « star de leur propre vie », notamment en leur demandant de se filmer dans leur intimité.

Entre Furie et Pulsions, De Palma s’autorise ce qui ressemble à première vue à une récréation : une comédie débridée sur la vie d’une famille américaine totalement dysfonctionnelle.

Home Movies débute en simili-documentaire par une intervention de ce gourou moderne spécialisé dans la « Star Therapy ». Cette introduction laisse penser qu’une complexe mise en abyme va s’effectuer sous nos yeux. Or, si le personnage et le dispositif qui le met en scène reviennent briser le récit principal à quelques reprises, ces surgissements n’entraînent aucun vertige méta-filmique et finalement, semblent relever plus de la coquetterie que de la nécessité. L’histoire, en effet, pourrait parfaitement se dérouler sans être ainsi interrompue. Elle est d’ailleurs clairement, au premier degré, la raison d’être du film et non le point de départ d’une réflexion poussée sur le cinéma et ses effets de miroir. Si déjantée soit-elle, cette histoire est racontée de manière fort conventionnelle. La mise en scène est quasiment « fonctionnelle », surtout attachée à mettre en avant l’incongruité des situations et l’excentricité des acteurs. Sur ce plan, la palme revient sans conteste à Gerrit Graham (le Beef de Phantom of the Paradise) dans le rôle d’un jeune professeur adepte du retour à la nature et du culte du mâle dominant. Mais tous se livrent avec bonne volonté à la caricature car De Palma n’y va pas de main morte question comédie, encourageant toutes les grimaces entre quiproquos et allusions scabreuses. On ne sait alors s’il faut considérer l’œuvre comme définitivement navrante ou s’il faut au moins saluer le fait que l’auteur lâche entièrement les rênes dans le n’importe quoi.

Tout de même, le simple cinéphile peut passer son chemin sans regret et ne pas perdre son temps avec cette pantalonnade familiale de laquelle partait de toute façon un mauvais signal persistant : Home Movies est en effet, avec Wise Guys, le seul film de De Palma à ne pas avoir été distribué en salles françaises (hors « période de formation » pré -Sœurs de sang, bien sûr). En revanche, tout fan hardcore de Brian se doit de le dénicher un jour pour s’y confronter car voilà bien son opus le plus directement autobiographique ! Ce jeune homme écrasé par la personnalité d’un frère aîné vénéré par tous et poussé à prendre sur le fait un père trop porté sur la chose, c’est lui. Cette famille, observée comiquement, c’est la sienne. Cette femme adorable, c’est aussi la sienne (Nancy Allen venait tout juste de devenir, pour quatre ans seulement, Madame De Palma). Étrange catharsis que ce film burlesque et destructeur sur l’intime.

Comment se fait-il dès lors que ce projet si personnel sur le papier ait abouti à un résultat si impersonnel sur l’écran ? Que les effets de signature stylistique soient si discrets, voire absents ? Que les autocitations soient inopérantes à ce point (alors qu’il y en a même par anticipation avec un gag évoquant… Mission : Impossible) ? L’explication est à chercher au bout du métrage, en toute fin de générique : Home Movies est en fait le fruit d’un projet mené au Sarah Lawrence College de New York. Dans cet établissement, De Palma prodiguait un cours de cinéma et il proposa à ses étudiants de produire, tourner et monter un film avec lui. Possibilité de participer à chaque étape (six scénaristes sont crédités), de mettre la main à la pâte sous la supervision du maître, de voir travailler Kirk Douglas… Le geste était généreux. Dommage qu’il ne reste de tout cela, probablement par effet de dilution et par manque de moyens, qu’une trace si peu mémorable, souvent à la limite de l’embarrassant.

Edouard Sivière, avril 2019 pour Zoom-arrière.

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