Années 60, à Tulsa en Oklahoma. Ponyboy, 14 ans, débute sa rédaction : ce jour là, il était sorti du cinéma et avait été pris à parti par des "Socs", fils de bourgeois aux belles voitures, qui viennent des quartiers riches. Ponyboy s'en était tout juste tiré grâce à l'intervention des "Greasers", jeunes délinquants, écorchés vifs, issus des milieux pauvres auxquels il appartient. Il vit en effet avec son frère, Sodapop, un peu plus âgé, sous la responsabilité de leur frère Darrel, dans une maison délabrée qui leur sert de refuge après la mort de leurs parents. Tous trois, fiers de leurs cheveux longs et de leur coiffure gominée, se déplacent en bande pour riposter aux attaques des "Socs". Il y a Two-bit, le fanfaron, le charismatique Dallas, tout juste sorti de prison et Johnny Cade, 16 ans, qui ne supporte plus guère les bagarres, fragilisé par une famille d'alcooliques qui l'ignore tout autant que par une balafre au visage due au "Socs".
Un soir, Ponyboy et Johnny se lient d'amitié avec Cherry Valance et Marcia, les petites amies de Randy et de Bob, le chef des "Socs ". Ceux-ci, mécontent, s'en prennent à eux. Plus tard dans la nuit avec quelques-uns de leurs amis " blousons dorés" ils passent Ponyboy à tabac. Pour protéger celui-ci, Johnny sort son poignard et, sans le vouloir, tue Bob. Dans leur fuite, aidés par Dallas, le plus "dur" de la bande, ils sauvent d'un incendie les enfants d'une école. Blessés tous les trois, Johnny est le plus gravement atteint; s'il s'en sort, il sera paralysé à jamais.
Leur courageux exploit fait la une des journaux. Après une violente bataille rangée nocturne entre "Greasers" et "Socs", Dallas et Ponyboy se rendent à l'hôpital. Ils annoncent la victoire à Johnny qui meurt sous leurs yeux. Fou de rage et de douleur, Dallas "braque" une épicerie avant d'être abattu par la police.
Une nouvelle dispute oppose Ponyboy à son frère aîné Darrel ce qui fait fuir de désespoir Sodapop. A ses frères venus le réconforter, il explique qu'ils doivent cesser de se disputer, respecter leur différence et s'entraider sans quoi ils finiront aussi fragilisés que l'était Dallas avant d'être tué. Ponyboy, reconnaissant à son frère de ne pas l'avoir envoyé en foyer, accepte donc de se remettre aux études. Il manque toutefois d'inspiration pour écrire la rédaction qui, s'il la réussi, lui permettra d'avoir les notes suffisantes pour aller à l'université. Il découvre alors dans l'exemplaire d'Autant en emporte le vent qu'il avait lu dans l'église abandonnée avec Johnny une lettre posthume de celui-ci qui l'exhorte à rester toujours neuf vis à vis de la vie et à profiter de celle-ci.
Ponyboy commence alors la rédaction des quelques jours qui viennent de s'écouler.
Le grand flash-back constitué par l'essentiel du film narre l'initiation d'un adolescent pas comme les autres (Il préfère les livres et les films plutôt que bagnoles et les gonzesses) en grande partie grâce au sacrifice de son jeune camarade d'aventures mais aussi grâce à ses frères et à ses amis. Il s'agit de sortir de l'engrenage de la violence entre "Socs" et "Greasers" qui, comme le souligne Randy, le chef des premiers, ne peut aboutir qu'à la perpétuation de leur domination, celle des riches sur les pauvres.
Mettre en scène la littérature et le cinéma.
Le film s'ouvre sur l'écriture d'une rédaction, où son auteur, Ponyboy sort d'un cinéma où il est allé voir L'arnaqueur (Robert Rossen, 1961). La voix off n'est utilisée qu'une seule fois entre ce début ("Lorsque j'émergeais dans le grand soleil sortant de la salle obscure du cinéma, je n'avais que deux choses en tête : Paul Newman et rentrer chez moi"). Mais cette unique reprise de la voix off est alors somptueusement mise en scène par l'unique retour de la rédaction en surimpression sur fond or qui va amorcer la séquence à l'aube entre Ponyboy et Johnny où le premier se souvient du poème de Robert Frost :
Rien ne reste de l'or à jamais. | Nothing gold can stay | |||
Nature tes premiers verts
sont or, Ta fraicheur est un trésor. Ta feuille précoce est fleur; Mais ne le restera qu'une heure Puis la feuille devient feuille, Et l'Eden en chagrin se recueille, Ainsi l'aube disparaît. Rien ne reste de l'or à jamais. |
Nature's first green is gold, Her hardest hue to hold. Her early leaf's a flower; But only so an hour. Then leaf subsides to leaf, So Eden sank to grief, So dawn goes down to day .Nothing gold can stay |
|||
Le dialogue entre les deux garçons est ensuite très touchant :
-"Où as-tu appris ça ? C'est ce que je
voulais dire".
- "C'est de Robert Frost. Je ne l'ai pas oublié parce que je n'avais
pas compris ce qu'il voulait dire".
- "Je n'avais jamais fait attention aux couleurs, aux nuages, avant que
tu ne m'en parles, comme si ça n'existait pas".
-" Je ne crois pas qu'avec Steve ou Two-bit ou même Dallas, je
pourrais parler des nuages ou du soleil. Il n'y a qu'avec toi et Sodapop et
peut-être Cherry Valance".
- "On doit être un peu à part".
- "Oui... ou c'est les autres".
Cette mise en scène de l'aube sur des couleurs mordorées est un hommage au Autant en emporte le vent de Victor Fleming dont Ponyboy a lu le roman à Johnny durant leurs longues heures de solitude. La nuit apaisante avec ses animaux protecteurs : lapin, chouette, raton-laveur et araignée est celle de La nuit du chasseur. Le fil tragique qui parcourt le film avec le sacrifice final de Johny rappele aussi La fureur de vivre où Jim Stark (James Dean) n'avait du son entrée dans le monde adulte qu'au sacrifice de Platon (Sal Mineo).
Cette constellation de grands films et de littérature qui hante Johnny est aussi mêlée à la culture populaire des drive-in où est projeté Beach blancket bingo (1965, William Asher).
Pour un drame de l'adolescence
C'est Randy puis Darell qui viendront rappeler à Johnny qu'il faut aussi en passer par l'écriture pour s'extraire de l'affrontement stérile des bagarres entre riches et pauvres, où quel que soit la tournure prise par les combats, les premiers resteront riches et les seconds pauvres. Sodapop rappelle à Ponyboy que son frère aurait pu le placer en foyer et serait allé en fac. Lui accepte d'être pompiste mais cela n'ira pas à Ponyboy. A Darell, il explique que Ponyboy ressent les choses différemment et qu'il ne doit pas lui crier dessus.
Mais ce qui inspire Ponyboy c'est la lettre de Johnny se rappelant du poème de Robert Frost dont il a oublié le nom : "Pour lui on est de l'or quand on est gosse. La fraicheur, c'est quand on est gosse tout est neuf, comme l'aube. Ta façon de regarder le soleil se coucher, ça, ç 'est de l'or. Continue, c'est comme ça qu'il faut être. Dis-le à Dallas, il n'a jamais vu un coucher de soleil. Il y a quand même beaucoup de bon sur la terre. Dis-le à Dallas, je ne crois pas qu'il le sache. Ton copain Johnny"
Ce maintien dans la fraicheur et la création suppose un arrachement au milieu des Greasers et de leurs cheveux longs et gominés. C'est déjà Johnny qui en avait été l'artisan en apportant l'eau oxygénée qui va transformer Ponyboy en ange blond. Si le film et la composition de Johny s'appelle The outsiders c'est bien parce qu'il y a opposition entre les deux désirs de Ponyboy : il ne peut être Paul Newman et rentrer chez lui.
C'est, au final, la forme qui sauve les personnages. On peut courir au désastre si l'on reste élégant ("galant) comme le personnage de Red Butler dans Autant en emporte le vent.
Ce message lyrique, positif et tragique est soutenu par une bande son rock qui ne l'est pas moins : Stay gold de Stevie Wonder, Gloria de van Morrison, Loveless motel de R. C. Bannon, Jack Daniels, if you please de David Allen Coe et trois titres d'Elvis Presley.
Jean-Luc Lacuve le 14/08/2012