Mattie Ross, quatorze ans, est déterminée à rendre justice à son père, tué de sang-froid par le lâche Tom Chaney alors qu'il était parti loin de chez eux négocier l'achat de poneys. Mattie parvient à soutirer 300 dollars au vendeur des poneys lui reprochant de ne pas avoir su garder les chevaux de son père et le menaçant d'un procès face à un jury probablement acquis à la cause d'une orpheline. Elle engage ensuite pour 50 dollars Rooster Cogburn, un marshal alcoolique réputé pour avoir la gâchette facile afin de poursuivre Chaney en territoire indien, où d'après Rooster il a dû rejoindre la bande de Ned Pepper. Mattie dédaigne en revanche l'aide de LaBoeuf, un Texas ranger également à la recherche de Chaney. Elle le trouve plus bravache qu'efficace ayant déjà perdu de nombreux mois à la poursuite du criminel accusé du meurtre d'un sénateur au Texas.
Rooster Cogburn, étonné que Mattie ait trouvé les 50 dollars proposés, en exige 50 autres à la fin du contrat mais refuse que Mattie l'accompagne. Celle-ci ayant choisi un excellent cheval, Blackie, réussi pourtant à rejoindre Rooster, parti sans elle très tôt le matin. LaBoeuf qui avait accompagné Rooster, décide de fesser Mattie pour sa désobéissance mais celle-ci rappelle à Rooster qu'elle est son employeur et celui-ci met fin à la correction. LaBoeuf en conçoit uen inimitié profonde envers ses compagnons de voyage d'autant plus que Rooster se moque ouvertement de la réputation d'excellence des Texas rangers. Apres une nuit de disputes autour du feu de camp, Mattie fait avouer à Rooster qu'il a négocié avec LaBoeuf une capture de Chaney pour uen reconduction au texas. Mattie refuse et menace de rompre le contrat qui les lie. Une nouvelle dispute entre Rooster et LaBoeuf conduit ce dernier à quitter ses compagnons pour poursuivre seul sa mission.
Rooster et Mattie s'enfoncent en territoire indien ; le premier racontant sa vie à la seconde. Mattie décroche un pendu de son arbre, Rooster en confie le corps à un indien qui le troque contre quelques pacotilles à un drôle de médecin à peau d'ours qui leur indique une cabane pour passer la nuit.
Dans cette cabane se sont déjà réfugiés deux hommes que Rooster fait enfumer par Mattie pour qu'ils les laissent entrer. Rooster comprend bien vite que les deux hommes savent où se cache Ned et tente de faire parler le plus jeune, blessé d'une balle dans la cuisse. Lorsque celui-ci se décide à parler, il est mortellement poignardé par son compagnon que Rooster abat d'une balle dans la tète. Le jeune homme poignardé a juste le temps d'indiquer que la bande de Ned doit se retrouver ici même le soir même après leur récente attaque d'un train postal. Rooster décide de leur tendre une embuscade. Embusqué derrière des rochers surplombant la cabane, Rooster déclare à Mattie qu'il les laissera entrer pour les enfermer et les tuera, un par un, lors de la sortie de la cabane. Ce beau plan échoue toutefois car LaBoeuf survient et se fait capturer par le clan. Rooster tire sur tout ce qui bouge et décime une bonne partie de la bande. LaBoeuf capturé au lasso est traîné sur le sol par la bande. Rooster tire alors sur tout ce qui bouge et LaBoeuf reçoit une balle dans l'épaule, probablement tirée par Rooster.
Au matin les trois compagnons repartent sur la piste de Ned dont Rooster traîné le refuge près d'une mine d'argent. Mattie, pleine de confiance, ne peut hélas que constater que Rooster est ivre mort. Apres un futile concours de tir au pistolet entre LaBoeuf et Rooster, ils découvrent la mine d'argent, hélas désertée par la bande. Le soir autour du feu de camp sous la pluie, les chamailleries reprennent. Rooster, ivre mort, épuisé renonce à la poursuite et LaBoeuf déclare également forfait, n'ayant plus de piste à suivre. Mattie tente vainement de retenir LaBoeuf.
Au matin, Mattie s'en va courageusement chercher de l'eau à la rivière et tombe nez à nez avec Chaney. Elle le met en joue, et alors qu'il la menace, lui tire une première balle qui lui casse une côte. Elle va le tuer quand son pistolet "dragon" s'enraye et c'est Chaney qui la kidnappe, s'enfonçant sous les arbres avec la bande de Ned alors que Rooster, enfin réveillé, arrive trop tard. Ned menace de tuer Mattie si Rooster ne s'éloigne pas sur une crête lointaine. Rooster accepte. Ned manquant de chevaux laisse Mattie et Chaney à l'arrière promettant de revenir et interdisant à Chaney de tuer Mattie. Celui-ci s'y résout pourtant mais est assommé par LaBoeuf, miraculeusement revenu.
Il explique à Mattie qu'il a entendu les coups de feu lors de l'escarmouche sur la rivière, est revenu sur ses pas, s'est entendu avec Rooster pour piéger la bande de Ned. Rooster doit cependant maintenant accomplir seul la partie la plus difficile du plan : tuer Ned et ses trois hommes de main, seul sur la plaine. Bravache, fidèle à sa légende, Rooster fonce seul au galop vers les quatre hommes armés qui lui font face. Il les tue tous sauf Ned, blessé à mort qui réussit à pointer son arme vers lui, dont les mains sont bloquées sous son cheval abattu. Du haut de la falaise, 400 mètres plus loin, LaBoeuf et Mattie observent la scène. LaBoeuf ajuste son tir et abat Ned sauvant ainsi al vie de Rooster. Mattie et LaBoeuf se congratulent mais LaBoeuf reçoit un coup sur le crâne qui l'assomme, Chaney s'ests remis debout et menace maintenant Mattie. Celle-ci s'est saisie de la carabine de LaBoeuf et tire sur Chaney qui bascule dans le vide, pendant qu'elle-même par le recul de l'arme à feu est pricipitée dans une cavité rocheuse profonde.
Mattie tente de sortir de la grotte mais son pied s'est pris dans des lianes et, malgré ses cris personne ne vient à son secours. Elle aperçoit alors un couteau à la taille d'un cadavre d'homme presque entièrement décomposé. Elle tirevers elle le cadavre qui se désarticule. Comme elle atteint le couteau, elle voit des serpents dans les entrailles du cadavre. Les serpents se réveillent et s'agitent vers elle. Rooster et Ned se démènent pour la ramener mais trop tard pour empêcher un serpent de mordre Mattie. Rooster enlève le sang contaminé de sa blessure mais sait que cela ne sera pas suffisant. Il porte Mattie sur Blackie et fonce chercher un médecin. Ils chevauchent le soir, la nuit jusqu'à l'épuisement de Blackie. Devant les yeux horrifiés de Mattie, Blackie, fourbu, est abattu par Rooster qui poursuit en courant son trajet vers le médecin. A petit matin, épuisé et sous la neige, il parvient à la cabane.
Mattie sera sauvée même si elle perdra un bras que le poison
avait gangrené. Vingt-cinq ans plus tard, elle reçoit une lettre
de Rooster qu'elle n'avait plus jamais revu lui demandant de lui rendre visite
au cirque où il gagne désormais sa vie. Mattie, qui ne s'est
jamais mariée fait le déplacement mais arrive trop tard. Rooster
est décédé il y trois jours de cela. Mattie fait venir
son cercueil en Arkansas et l'enterre avec ses parents sur une colline où
elle vient souvent méditer.
Les Coen décident d'aborder au premier degré le western. Ils prennent le genre au sérieux et l'agrémentent de quelques-uns de leurs thèmes et motifs personnels. S'il n'était que cela, True grit serait un spectacle de qualité mais un peu vain comme tant de westerns après le fameux Dead Man de Jim Jarmusch. Une seconde lecture peut être faite du film, où le thème de la grâce devient premier et contribue à rendre nombre de scènes bien plus émouvantes, les enchaînements plus forts et la fable sur le genre du western plus lisible.
Prendre au sérieux un western décontracté
True grit est le remake du western du même nom réalisé par Henry Hathaway en 1969 et sorti en France sous le titre Cent dollars pour un shérif. C'est un beau western décontracté où John Wayne y interprète un de ses derniers rôles. L'adaptation d'Hathaway reste très fidèle au roman, écrit l'année précédente par le journaliste romancier Charles Portis qui a alors 55 ans. Portis, dont c'est le second roman, en écrira ensuite trois autres. Rien d'étonnant donc que, se basant sur le même roman, les deux westerns possèdent, à 40 ans de distance, une trame, des scènes et des dialogues communs.
Rooster et Mattie sont très proches du western d'Hathaway et si les Coen jouent à fond les scènes d'action, ils accentuent le coté burlesque de LaBoeuf, prétentieux, bravache et interprété avec talent par Matt Damon. Ils introduisent le médecin à peau d'ours dans une séquence étrange qui fait penser au Dead Man de Jim Jarmusch. La violence y est également plus crue à l'image des deux doigts sectionnés du bandit.
La fin diffère pourtant profondément. Même si l'inimitée initiale entre Rooster et LeBuf est la même, chez Hathaway, c'est ensemble qu'ils tuent les quatre hommes de Ned dans une embuscade et c'est ensemble qu'ils déciment le gang lorsque Mattie se retrouve prisonnière de Chaney. Tombant ensuite dans un piège tendu par Chaney, LeBuf est mortellement blessé. Rooster finit par tuer Chaney et sauve la séquestrée qui est dans un état critique. Guérie, Mattie revoit Rooster dans le cirque où il gagne désormais sa vie. Mais elle sait qu'il est trop vieux pour elle et que, de toute façon, il ne changera pour rien au monde ses murs décousues.
La grâce refusée à Mattie.
La fin est profondément différente mais l'ouverture ne l'est pas moins avec l'exergue du film, le premier verset du proverbe 28 : "Le méchant prend la fuite sans qu'on le poursuive" et le premier plan, magnifique. Sur la voix off de Mattie, un travelling-avant resserre le cadre sur le cadavre du père. Ainsi détrritorialisé, il semble être moins devant le saloon où il est censé avoir été tué que devant la maison de Mattie. La fuite de Chaney est évoquée de façon sonore par les bruits d'un cavalier en fuite tandis que Mattie fait part de sa résolution de faire payer le criminel car, dit-elle : "Tout se paye dans ce monde, sauf la grâce". La neige se met à tomber tandis qu'apparaît le second plan : Mattie partant sous la neige vers la ville où son père a été tué. Inutile alors pour les Coen de faire apparaître le second verset du proverbe 28 : "Le juste a de l'assurance comme un jeune lion", puisque c'est ce que le film va s'employer à démontrer.
Le thème de la grâce, initialement évoqué par Mattie va, lui, ne pas cesser de clignoter, d'apparaître, de s'annoncer vainement avant de se donner puis de disparaître.
La grâce, c'est ce que croit connaître Mattie chaque matin où, pleine d'espoir, elle se lève pour traquer Chaney. Les Coen cadrent ainsi magnifiquement le plan sur les pommes rouges ; sur Mattie et Rooster attendant, pleins d'assurance, un LaBoeuf au coin du bois qui ne viendra pas ; sur Mattie embusquée dans les rochers, admirative du plan sanglant de Rooster ; sur Mattie confiant à Blackie, après l'embuscade, sa joie de trouver le lendemain Ned et sa bande. Ces moments de grâce possible sont aussitôt démentis. C'est le départ, seul, de Rooster ; l'arrivée du médecin à peau d'ours à la place de LaBoeuf ; l'arrivée de LaBoeuf à la cabane détruisant le plan de Rooster ; Rooster s'en allant saoul dans sa quête de Ned. Ainsi attente et quête sont à chaque fois déjouées.
Quelques enchaînements de plans sont en ravanche donnés comme miraculeux, c'est à dire défiant la vraisemblance narrative : l'apparition de Chaney au petit matin dans la rivière et le coup sur la nuque reçu par ce même Chaney s'apprêtant à tuer Mattie. Pourtant cette annonce de la grâce est démentie par le kidnapping de Mattie et le "retour à la vie" de Chaney qui l'oblige à l'abattre, ce qui la conduit au fond du trou de la fosse à serpents. Ces serpents ont été annoncés deux fois dans le récit. La première annonce est celle de Rooster indiquant sous les sarcasmes de LaBoeuf que les serpents peuvent se réveiller. La seconde annonce, plus visuelle, est celle qui conduit Mattie à protéger Rooster et elle-même par la corde, le dernier soir où ils sont réunis près du feu de camp. Il n'y a donc nul hasard à cette punition de l'exécution.
Rooster et LaBoeuf reçoivent leur instant de grâce. Le premier en rend réel le fameux récit légendaire de son combat contre sept hommes, même si dans la réalité ils ne seront ici que quatre. Le second abat, à 400 mètres de distance, Ned avec sa carabine. La grâce reçue par Mattie aurait pu être son sauvetage par Rooster. C'est longtemps ce que l'on croit avec la course, parfois presque en ombres chinoises sous le firmament étoilé. Mais Mattie paie ce voyage d'une part par l'épuisement mortel de Blackie, d'autre part par son bras qui reste mutilé.
La nuit de la chasseresse.
La séquence finale, Mattie discutant avec les morts, ses parents et Rooster. Ressemble furieusement à la séquence où, dans Impitoyable (1991), Eastwood disait adieu à sa femme et posant un bouquet sur sa tombe, acceptant enfin d'aller gagner la prime qui lui permettrait de fuir son élevage de cochons. Si le motif (classique dans nombre de westerns de John Ford) du recueillement sur une tombe est identique, le thème en est tout autre. Pour Eastwood, le recueillement marque un adieu pour une libération qui sera certes chèrement payée. Mais ici c'est un enfermement définitif pour Mattie qui reste aussi crispée sur son destin que dans la séquence initiale.
Même détournement des motifs formels de La nuit du chasseur. La voix off du début, le foyer protecteur avec un dehors menaçant, le ciel étoilé de la fin et l'expressionnisme accentué par les ombres et même le plan des pommes rappellent des plans du film de Laughton. Mais, alors que La nuit du chasseur traitait du thème de la résilience des enfants, de leur capacité à surmonter les traumatismes, de se libérer de la parole du père, Mattie reste encore une fois ici enfermée dans une attitude de fidélité à l'éducation reçue.
Seule l'apparition du médecin à la peau d'ours aurait permis un peu plus de facétie. Référence probable au Dead Man de Jim Jarmusch s'est une apologie du troc, de l'échange, fut-ce de cadavre, que ne sait pas entendre Mattie. Car si True grit est un roman d'initiation, alors c'est un roman d'initiation raté pour celle qui n'aura pas reçu la grâce comme ses compagnons. Marquée par la mort dès le début (celle de son père, le croque-mort, la pendaison), Mattie restera enfermée dans le monde brutal et sauvage de l'Ouest. Même les westerns d'Anthony Man traitant de la vengeance présentaient une porte de sortie. Rarement on n'a connu pareil unhappy end dans un film de genre.
Si le mal existe bien dans l'Ouest, les Coen n'ont pas trouvé utile de vanter le juste comme dans le second verset du proverbe 28. Car si "Le juste a de l'assurance comme un jeune lion" cela ne lui sert qu'à rester en vie, amputé physiquement et moralement, dans l'Ouest impitoyable.
Jean-Luc Lacuve le 28/02/2011.