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J'ai perdu mon corps

2019

Festival de Cannes 2019 Avec les voix de : Hakim Faris (Naoufel) Victoire Du Bois (Gabrielle), Patrick d'Assumçao (Gigi), Alfonso Arfi (Naoufel enfant), Hichem Mesbah (Le père), Myriam Loucif (La mère). 1h21.

Naoufel, la main coupée, évanoui, entend à peine ce qu'on lui dit. Dans le frigo d'un laboratoire d'hôpital, une main est rangée dans un sac plastique à coté d'un bol de globes oculaires. Elle perce le sac et s'évade du sac et du frigo et du laboratoire veillant à se cacher du laborantin qui a ouvert le frigo. Elle saute d'une fenêtre mais tombe dans une gouttière où un pigeon la fait chuter du haut du toit. C'est dans une poubelle qu'elle reprend conscience, juste avant d'être engloutie dans un camion à ordures duquel elle s'échappe, cachée dans une boite de conserve.

Entre évanouissements et réveils brutaux, la main rêve, se souvient. Elle appartenait autrefois à Naoufel. A dix ans, son enfance était lumineuse entre une mère violoniste et un père scientifique, il voulait devenir à la fois pianiste et astronaute. Passionné par la prise de son, il enregistrait sur son magnéto les conseils de son père (notamment pour capture une mouche) et le violon dont jouait sa mère. Et puis un accident de voiture était survenu. Naoufel avait perdu ses parents.

Ainsi quelques temps avant l'événement de la main coupée, Naoufel mène une vie sans perspectives, mal hébergé par un oncle qui lui prend une partie de sa maigre paie de livreur de pizza. Naoufel subit en silence d'être malmené par son patron, les automobilistes, son cousin, machiste grossier. Un soir de pluie, trempé, en retard c'est désabusé qu'il livre une pizza à Gabrielle, une jeune femme qui le rudoie pour être si peu professionnelle mais se montre spirituelle. D'autant qu'il communique par le bais Dun interphone à 35 étages de distance. Il la suit et parvient à se faire engager comme apprenti dans l'altier de menuiserie de Gigi, l'oncle de Gabrielle qui s'avère être une bibliothécaire

Du coup, Naoufel a envie de reprend le contrôle de son destin. Gabrielle lui ayant montré un livre de grands espaces polaires avec un igloo, il en construit une en bois pour elle sur le toit de l'immeuble voisin.

Pendant ce temps la main continue son périple pour se rapprocher de son corps ; elle échappe aux rats dans une station de métro ; parvient à entrer dans un appartement où l'el fait rire un bébé et profite d'un bon bain ; elle se rappelle encore des jours de joie de l'enfance jusqu'au drame de l'accident.

Naoufel invite Gabrielle sur le toit et lui parle de son envie de dribler le destin qui n'accorde pas souvent aux gens ce qu'ils espèrent. Il faut alors faire quelque chose d'extraordinaire et de dangereux. Pourtant lorsqu'il lui dit tout ce qu'il a fait pour elle, elle se sent prise eu piège et s'enfuit.

La main a retrouvé le corps mais celui-ci ne peut la prendre

Naoufel s'était saoulé après el départ de Gabrielle et était revenu le matin à l'atelier mal réveillé. En essayant d'attraper une mouche sa main était passé dans le champ de la scie et il 'est coupe.

Gabrielle revient dans l'appartement qui semble déserté par Naoufel. Elle retrouve dehors sous la neige son magnétophone et comprend qu'il a sauté de la planche du toit vers la grue à quelques mètres pour dribler le destin. C'est bien ce qu'a réussi Naoufel, heureux de se sentir maitre de son destin.

C’est en 2011 que Marc du Pontavice découvre et acquiert les droits de Happy Hand, le livre de Guillaume Laurant. Le projet va rapidement se révéler une (longue) course d’obstacles. Tout d’abord le sujet lui-même fait peur (l’histoire d’une main tranchée). Ensuite, le film qui navigue entre le thriller et la comédie en passant par une histoire d’amour crée un mélange des genres qui lui confère une audace qui peut dérouter certains. Pour couronner le tout, à l’inverse des films d’animation pour adultes qui ont souvent comme contexte la guerre (Valse avec Bachir, Persépolis) ce film s’ancre dans le quotidien et l’intime, ce que rarement un film d’animation occidental n’avait fait jusque-là. Seul le Japon se risque à produire et investir ce genre de cinéma.

Marc du Pontavice décide néanmoins de se lancer dans la production du film et recherche un réalisateur plutôt issu du court-métrage, plus libre dans son ton. Il découvre alors le cinéaste Jérémy Clapin qui en 2008 a sorti son second court-métrage Skhizen Le film, nommé aux César, a fait le tour du monde des festivals y obtenant plus de 90 prix, phénomène assez rare pour un court-métrage. Les thématiques liées au corps et la sensibilité du cinéma de Jérémy Clapin résonnent à l’évidence avec celles du livre. Commence alors une aventure qui va durer 8 ans et qui s’accomplira aussi avec la rencontre de Dan Levy, fondateur du groupe The Dø, qui compose la musique du film.

D’abord interloqué par la capacité du texte à incarner ce membre esseulé, puis fasciné par cette conscience en quelque sorte séparée, Jérémy Clapin réussit à transmettre l'émotion liée à un désir de complétude. Il transmet cette expérience de la séparation, du rapport à la mémoire intime qui vient de l’enfance.

Les séquences pendant lesquelles on suit la main sont racontées sans dialogue pour focaliser l’attention sur les obstacles qu’elle franchit et les dangers qui la menacent. Elle se souvient du passé uniquement par le biais des sensations tactiles. Deux récits sont montés en alternance. Le premier récit est celui de la main qui s’échappe du réfrigérateur pour tenter de retrouver son corps et qui se souvient de sa vie passée lorsqu’ils étaient encore liés. Le second récit est celui de Naoufel qui veut se rapprocher de Gabrielle. Le premier récit est très sensoriel car relié à des anecdotes et des sensations tactiles. Il ménage des flashes-back : la main se rappelle de sa vie. Les cadrages sont à la hauteur d’une main, les visages sont souvent morcelés pour suggérer qu’elle voit le monde à sa façon .Les personnages qui sont tous en décalage avec l’univers qui les entoure, ils ne sont pas à leur place dans le monde. Naoufel est un personnage déraciné, qui a eu une enfance lumineuse, remplie d’espoirs et de rêves, mais que le destin a malmené après la mort accidentelle de ses parents. Il écoute. À 20 ans, il est un devenu un garçon coupé de tout. Après avoir rencontré Gabrielle, il se reconnecte à tout cela en entreprenant cette quête amoureuse. Il réécoute ses cassettes. Il retrouve le plaisir de ces sensations sonores, comme dans la scène où il ferme les yeux et où l’écran devient noir. Ces enregistrements n’existent pas non plus dans le livre, ni le fil rouge de la mouche, ni l’igloo, ni la grue, ni les livraisons de pizza, etc. J’ai eu besoin de créer tout cela pour renforcer le lien des personnages entre eux et leur place dans l’histoire. Le récit de Naoufel a recourt à une grammaire filmique très proche de la prise de vue réelle. Les personnages sont animés en images de synthèse (comme les décors), lesquelles sont ensuite « habillées » par le dessin traditionnel. Ce processus efface les frontières entre animation et prises de vues et fait très vite oublier que nous sommes dans un film d’animation.

Ressource internet : Meera Perampalam, Renaud Prigent : Fiche interactive Lycéens et apprentis au cinéma