Lucas part de la propriété, il est renvoyé par Julio, le majordome. Les cuisinières s'en vont. Lorsque Edmundo arrive avec les invités, il constate que Lucas n'est pas là pour porter les manteaux. Le toast répété du maître de maison qui laisse tout le monde indifférent. Lucia a décidé d'inverser l'ordre, des plats : le plat maltais avant le caviar. C'est une catastrophe, le serveur le fait tomber. Mais elle apprend que M. Russel n'aime pas les plaisanteries. Elle se lève de table pour demander à Julio de renvoyer l'ours et les moutons dans le jardin. Dans la cuisine, il est 11h30, les cuisiniers s'en vont, puis les deux serveurs. Laetitia, restée seule au salon, jette un cendrier par la fenêtre. Raul sait qu'il s'agit d'elle et non pas d'un coup des juifs comme le suggère son ami.
Beatriz et Eduardo dansent, ils s'aiment et vont se marier dans cinq jours. Eleonor embrasse son docteur. La femme de Christian s'inquiète des médicaments dont son mari a besoin pour son ulcère. Raul présente son ami Leandro Gomez à Christian Ulgade puis interroge le docteur au sujet d'Eleonor : elle sera morte d'un cancer dans trois mois. Christian prend sa pilule et salut chaleureusement son vieil ami Leandro (que Raul lui a précédemment présenté) et qu'il croyait à New York. Celui-ci lui propose une mystérieuse boite puis veut lui faire rencontrer M. Russel qui, vieil excentrique lettré, le rembarre.
Les invités vont écouter Bianca. Christian fait un mystérieux signe à un vieillard aux cheveux blancs. Une femme souffrante sort avec son mouchoir des pattes de poulet dans un sac. Christian parle avec l'homme aux cheveux blanc, un chef d'orchestre, ce sont des francs-maçons. Celui-ci présente à nouveau Christian et Leandro, ils échangent des propos peu amènes pour savoir qui partira le premier. Une jeune femme mariée à un vieillard le fait se reposer. Elle se dit heureuse des activités sexuelles de son mari. Christan emmène aussi sa femme qui attend son quatrième enfant se reposer.
Bianca veut partir mais elle est retenue par le bavardage de Raul. Elle souhaite son châle avant de partir. Lucia va lui chercher derrière le rideau de scène, son amant Alvaro la rejoint. Il est quatre heures du matin, les invités sont toujours là. Cela irrite Lucia et son amant. Edmundo est satisfait de la soirée... et propose à ses invités de rester ici pour la nuit "L'esprit d'improvisation ne se perd pas". Toutefois, lorsque le maître d'hôtel éteint les lumières, certains invités sont furieux, et s'emportent devant ceux qui ôtent leur veste. Il en est de même d'Edmundo qui, pour ne pas faire rougir ses invités de leur incorrection, retire aussi sa veste. Beatriz demande à son amant s'il trouve ça normal. Il lui répond que la vie est amusante et étrange.
Le vieil homme retire ses lunettes, regarde le luminaire, fondu au noir, la rue le matin, les portes de la maison sont ouvertes, le majordome se réajuste devant la glace. Les invités se réveillent, les maîtres de maison espèrent qu'ils partiront après le petit déjeuner les femmes parlent d'une nuit dans un train qui a déraillé, une femme caresse les cheveux de son frère. Le vieil homme s'est évanoui au matin. Le docteur refuse qu'il soit transporté dans la chambre: "il sera chauve dans quelques heures". "Que voulez vous dire docteur ?". "Il sera mort dans quelques heures".
Julio, le maître d'hôtel, constate que les livreurs ne sont pas passés, il doit servir le reste de viande froide de la veille ; Lucia veut conduire ses amies se rafraîchir dans une chambre, un invité fait le pari qu'elles ne sortiront pas de la pièce. Effectivement, elles reviennent sur leurs pas. Un des invités, Alvaro, et le docteur constatent que personne ne peux partir. L'un des invités et sa fille décident de quitter la pièce, ils discutent sur le seuil, arrive Julio avec le petit déjeuner (changement d'axe), elles décident de retourner prendre un café. Le majordome ne peut plus sortir, il s'arrête près du seuil ou déjà Lucia pleure.
Dehors c'est l'orage, le soir, il pleut. L'homme malade, M. Russel est dans le coma, il a besoin d'un médicament ou d'aller à l'hôpital. Mais inutile de faire un effort. Une femme s'enferme dans le placard aux vases, une autre refuse de boire l'eau des fleurs. Ils constatent qu'ils sont là depuis 24 heures que personne n'est venu les chercher, peut-être sont-ils les seuls survivants ? Le chef d'orchestre sort d'une porte avec un ange. Les invités se disputent. Le vieil homme dans le coma dit q'il est content de ne pas assister à l'apocalypse. Les amants veulent s'isoler ; celui qui les écoute se lève, on voit alors la décoration de la pièce faite de reproductions religieuses. Une femme sort de la porte avec l'ange, ce sont les toilettes. En extase, elle raconte qu'elle a soulevé le couvercle et y a vu un précipice et un torrent rugissant. Une autre dit "J'étais assise et un aigle a volé au-dessus de moi"; "et le vent fit tournoyer les feuilles mortes autour de mon visage" dit une autre
Il est trois heures du matin, un invité sort de la porte de la madone avec un coussin et des draps. Le vieil homme est mort. Le docteur vient en avertir Alvaro. Une femme sort des toilettes (porte de l'ange). Eduardo entre par la porte de saint François retrouver Beatriz. Alvaro sort du petit cagibi à la madone un violoncelle, puis, avec le docteur y met le cadavre de M. Russel, ils entendent les amants du placard d'à côté parler d'amour et de mort. Une femme se réveille, voit la main sortir du placard, en réveille une autre et s'évanouit.
Jour ; Il y a maintenant 3 ou 4 jours le maire a voulu faire installer des haut-parleurs pour donner des instructions aux survivants ; c'était idiot, il suffisait de rentrer dans la maison. Mais personne ne l'a fait. Le chef militaire a envoyé une division, ils sont revenus le soir sans même essayer de rentrer. La foule veut rentrer mais stoppe devant les portes ouvertes. A l'intérieur, on casse les canalisations pour avoir de l'eau, Julio mange du papier ; Depuis deux jours, il n'y a plus rien à manger. Raul agresse Edmundo. Julio jette les détritus au seuil de la porte, Raul jette plus loin les médicaments d'un des invités, Blanche se tire els cheveux et se fait réprimander par le docteur, Carlos. Il est toujours trois heures. La mourante a besoin d'analgésiques, elle voudrait que le docteur l'emmène à Lourdes et lui achète une vierge en plastique lavable. Edmundo révèle la présence d'une boite contenant des dogues.
Une femme appelle Elohim la nuit. Elle voit une main marcher. La pendule sonne : Il est trois heures du matin, la main veut l'étrangler, elle la poignarde. Une femme crie, le poignard a servi d'automutilation. On donne de la drogue ; Eduardo rejoint Beatriz dans le cagibi. La boite de drogue est volée. Le colonel embrasse des femmes. Au réveil, Raoul veut encore savoir si Nobile est responsable de cette situation. Il est 4 heures du matin ; Edmundo propose de séparer hommes et femmes, on entend les moutons, chassés par l'ours ils viennent dans le salon. Le lampadaire
Les ballons. Dehors le curé emmène les enfants voir où leurs parents sont enfermés. Johnny tente sans succès de pénétrer. A l'intérieur, on fait du bois pour manger els moutons. Il faut organiser des équipes de nettoyage. La femme aux pattes de poulet les sort en disant qu'il s'agit de clé pour ouvrir els portes de l'inconnu. On sacrifie le dernier mouton. Eduardo et Beatriz sont mort dans le cagibi. L'ours rode, même le mot imprononçable des francs maçons n'y fait rien ; chacun rêve ; il n'y a plus de drogue
La nuit dehors, un drapeau jaune indique la quarantaine els domestiques sont revenus d'eux-mêmes.
Raoul dit que si Nobile meurt nous pourrons partir : une fois l'araignée morte, la toile se défait. Edmundo se cache avec Laetitia. Le docteur, Alvaro et Julio s'y opposent, le docteur prêche la dignité humaine. Il est trois heures du matin. Edmundo est prêt à se suicider. Laetitia, en extase, propose de tout recommencer comme la soirée du drame, ça marche, ils sortent.
Un Te deum. A l'extérieur, fusillade, mouvements de foule. Impossible de sortir de l'église, des moutons rentrent dans l'église.
Au départ, le film s'intitulait "Les naufragés de la rue de la providence". Le titre définitif a été suggéré à Bunuel par un de ses amis, dramaturge, qui l'envisageait pour une pièce de théâtre. Le titre, référence à l'Apocalypse, était libre de droit et Bunuel l'a utilisé pour son film.
Longtemps, Luis Bunuel a gardé le silence sur ce film corrosif et refusé d'en donner la moindre clé. A la fin de sa vie seulement, il a consenti à dire que le thème n'était autre que celui qui court dans toute son uvre : l'incapacité de l'homme à satisfaire ses désirs.
En cumulant ces deux titres et la déclaration de Bunuel, on pourrait en déduire que le projet du film est de rendre visible le destin fatal de bourgeois rassemblés dans un lieu plus mystérieux qu'ils l'avaient cru. Le salon devient un lieu indéterminé, primitif, dénué de vecteur temps et dévolu à la seule pulsion de mort. Les riches n'ont plus qu'un seul désir : accumuler les déchets, constituer le grand champ d'ordures et se réunir tous dans une seule et même pulsion de mort.
Les répétitions sont un symptôme de cette pulsion de mort qui anéantit le temps. Bunuel a déclaré : "Je me suis toujours senti attiré, dans la vie comme dans mes films, par les choses qui se répètent sans savoir pourquoi." Il fait néanmoins un usage mesuré de ces répétitions. Elles concernent d'une part les trois présentations successives entre Raul et Leandro puis, d'autre part, Edmundo qui porte deux fois le même toast, une fois avec succès, la seconde dans l'indifférence générale. Bunuel a sans doute supprimé au montage celle qui verrait, au début du film, deux fois, sous des angles différents, les invités pénétrer dans le hall et le maître de maison appeler son maître d'hôtel. Cette "répétition", qui ne tient pas à la vision du film, fait l'objet d'une longue anecdote, racontée par Bunuel, dans le livre de Jean-Claude Carrière. L'anecdote est souvent répétée sans vérification (par Frédéric Mitterrand pour sa présentation au ciné-club de F2, par exemple).
On ne limitera pas le film à une simple charge surréaliste sur le mal de vivre existentiel de la bourgeoisie. Les attaques de Bunuel possèdent un indéniable caractère social car les bourgeois perdent les pédales dès que le bas peuple déserte.
Mais il n'est pas bien certain que les émeutes qui éclatent à la fin du film de la part des plus pauvres soient le signe d'une révolution possible. Il s'agit plutôt de la mise en oeuvre de la même pulsion de mort que celle de la bourgeoisie sous une forme, certes plus active et joyeuse.
Jean-Luc Lacuve le 13/06/2010