Michel, professeur de mathématiques à la retraite, vit seul depuis la mort de sa femme et occupe ses journées à l'écriture d'un essai. Un jour, il une jeune femme est violemment battue devant le seuil de son appartement. Il fait fuir son agresseur et porte la jeune fille chez lui.
La jeune fille, Dora, sans domicile fixe, lui fait jurer de n'appeler ni le médecin ni la police. Michel fait néanmoins venir son ami médecin qui pose quelques points de suture à la blessée et conseille à son ami de renvoyer la jeune fille au plus tôt craignant qu'elle ne le vole.
Michel propose toutefois à la jeune fille de l'héberger le temps qu'elle se rétablisse. Il lui prête un parapluie pour lui servir de béquille, l'habille d'une veille robe de chambre et fait venir un traiteur pour le repas. Devant les piles de DVD et de VHS qui jalonnent les murs de son appartement, il lui explique que les croyances qui façonnent notre vie quotidienne sont illusoires mais utiles. Dora est jolie, l'aguiche, dévoile un sein, Michel repousse gentiment ses avances. Sa présence ramène un peu de fraîcheur dans la vie de Michel qui ne s'inquiète pas outre mesure de voir un petit fantôme noir hanter son couloir le temps d'une brève hallucination. Il est plus intrigué par d'étranges et soudains grognements venus du placard à balais et se demande comment un mégot tombé sur sa terrasse a pu se déplacer tout seul, sans l'aide du vent.
Un matin, il se réveille et Dora à nettoyer l'appartement de fond en comble, lavé son linge et a cherché ses affaire chez une amie. Elle est prête à partir et son ami l'attend sur une moto en bas de l'appartement.
Michel est triste et mange sans entrain le contenu d'une boite de cassoulet qu'il ne prend pas le temps de faire chauffer. Il propose à son ami médecin de discuter sur un banc près de la seine. Celui-ci malgré ses activités politiques, le sport qu'il pratique s'ennuie profondément. Il désire toujours les jeunes femmes, telles celles qui viennent se pencher sur le parapet et dont le vent soulève les jupes, mais sait que la différence d'âge l'empêche de les séduire.
Sur le chemin du retour, Michel est abordée par une ancienne élève du lycée où il enseignait. Lise se souvient avec émotion de ses séances de ciné-club où il leur ouvrait les yeux sur le monde par ses analyses de Psychose et autres films américains. Michel aimerait revoir Lise mais elle n'est que de passage avant un long voyage en Norvège.
Michel rentre chez lui et entend de nouveau les sons du placard à balais. Il l'inspecte sans rien trouver, nettoie un peu et rentre dans son salon laissant entrouverte la porte du placard... dont surgit un petit fantôme blanc armé d'un couteau.
Dans le salon, Michel est allongé par terre sans connaissance. C'est Dora qui le réveille. Elle lui avoue avoir fait un double des clés avant de partir. C'est maintenant elle qui prend soin de Michel qui sollicite son aide pour l'aider à terminer son livre.
Il lui achète de jolies toilettes mais vient un soir la réconforter car elle pleure de devoir se séparer de ses amis dès qu'elle leur devient chère. Dora propose à Michel, incrédule, de lui faire une séance de spiritisme. Le guéridon se soulève et Dora applique un crayon à l'un de ses pieds, pose une feuille par terre et le guéridon trace ainsi un dessin. Il se met ensuite à renverser les étagères de salon. Et c'est un grand fantôme vampirique qui apparait; Michel le défie et veut immédiatement une seconde séance puisqu'il possède un second guéridon;
Cette fois Michel voit apparaitre Dora nue devant un ciel étoilé bientôt rejoint par une autre femme qui l'enlace et l'embrasse. Elle est vêtue d'une toge noire dans laquelle elle enferme Dora. Elle est la mort. Michel se réveille de son hallucination.
Dora examine les dessins de Victor Hugo à Guernesey qu'elle trouve moins réussis que celui du fantôme du guéridon. Michel l'examine plus attentivement et y reconnait le portrait de sa femme telle qu'elle figure sur une photographie. Il en tire alors une théorie : les amants séparés par la mort se retrouveraient périodiquement à travers une réincarnation rajeunie, formant ainsi une chaîne ininterrompue à travers le temps.
Michel décide sur le champ de faire de Dora son héritière. Elle refuse et pourtant Michel veut aller plus loin. Si elle l'épouse, elle échappera au 60 % d'imposition sur les transmissions en dehors des lignes directes. Le couple termine la rédaction du livre que Michel et dora cosignent
Ils fêtent le livre fini. Michel fait tomber les bouteilles de champagne. Ils sortent sous la pluie en acheter d'autres. La mort et son exécutant sont aux aguets. Dora protège Michel de la pluie avec le parapluie et de la mort avec son regard. Michel lui demande de monter avant lui pour finir les préparatifs de la fête. Il attend la mort. Elle surgit sous la forme d'un voleur armé d'un couteau qui le poignarde. Michel monte chez lui pour s'écrouler sur la porte. Il rejoint les Etoiles. La caméra balaie des reproductions de Van Gogh. : "Je peux bien dans la vie, et dans la peinture aussi, me passer de Bon Dieu, mais je ne puis me passer de quelque chose de plus grand que moi, qui est ma vie, la puissance de créer. "
L'économie de moyen va bien au cinéma de Brisseau. A l'aventure (2009) avait déjà un coté rohmérien avec ses grandes scènes de discussions où l'on prend au sérieux peines de curs et de l'âme avec l'envie de séduire son interlocuteur. Ici, c'est tout à la fois Dora et le spectateur que Michel et le metteur en scène essaient d'intéresser à leur discours sur les croyances. Celles-ci sont de trois types. Il y a les religions qui fonctionnent pour ceux qui y croient, la science et l'abandon à l'inconnu. C'est cette expérience sensible à laquelle s'abandonne Michel sachant qu'elle le conduit vers la mort comme l'indique le carton introductif : "Oh Dieu, ouvre-moi les portes de la nuit" attribuée à Victor Hugo ou son fantasme de Dora enlaçant la mort,
La nuit pourrait ne pas être le néant et être juste une porte vers une nouvelle vie dans laquelle les amants séparés par la mort se retrouveraient périodiquement à travers une réincarnation rajeunie, formant ainsi une chaîne ininterrompue à travers le temps. Ces réincarnations permettraient d'être toujours sensible à l'érotisme et de ne pas tomber dans le désespoir qui est celui de l'ami de Michel. Le présent se trouve ainsi hanté par le passé (photographies d'acteurs et d'actrices en noir et blanc, affiches de cinéma, jaquettes de films classiques) et par l'espoir du futur ; par des fantômes petits et grands noirs ou blancs. La fusion presque incestueuse des âges et des temps est corroborée par la référence à Hugo et Léopoldine.
Jean-Luc Lacuve le 15/02/2013