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Detroit

2017

Genre : Drame social

Avec : John Boyega (Melvin Dismukes), Austin Hébert (L'adjudant Roberts), Will Poulter (Krauss), Ben O'Toole (Flynn), Jack Reynor (Demens), Algee Smith (Larry Reed), Jacob Latimore (Fred Temple), Jason Mitchell (Carl Cooper), Hannah Murray (Julie), Kaitlyn Dever (Karen), Anthony Mackie (Robert Greene), Nathan Davis Jr. (Aubrey Pollard), Peyton 'Alex' Smith (Lee), John Krasinski (L'avocat Auerbach). 2h23.

Été 1967. Les États-Unis connaissent une vague d’émeutes sans précédent. La guerre du Vietnam, vécue comme une intervention néocoloniale, et la ségrégation raciale nourrissent la contestation.

À Detroit, les troubles commencent aux petites heures du dimanche 23 juillet 1967 lorsque la police fait irruption dans un bar clandestin. La police maltraite les clients en les arrêtant hors du bâtiment. Les ghettos noirs de la ville s’embrasent, nouvel épisode de la révolte contre le racisme qui tourne à l’émeute et la guérilla urbaine. Le 24 juillet, l’armée et la Garde nationale sont envoyées en renforts ; une fillette prise pour un sniper est abattue; Les habitants s'en prennent aux pompiers qui veulent arrêter les flammes et beaucoup se livrent au pillage.

Le  25 juillet 1967, troisième jour des émeutes, un jeune homme noir est abattu dans le dos et tué après avoir pillé une vitrine par le jeune Krauss, 24 ans, un raciste énervé. Il prétend à ses chefs qu'il ne croyait pas avoir tué qui que ce soit et est remis en liberté.

Le soir dans la salle de spectacle du label Motown, les Dramatics  groupe de Rythm’n’Blues alors en pleine ascension s'apprêtent à entre sur scène et connaitre un succès mérité. La police fait évacuer al salle. La mort dans l'âme, Larry Reed, le leader du groupe prend le bus pour rentrer chez lui. Mais les émeutiers font stopper le bus. Larry et son ami, Fred Tempel, trouvent refuge au Motel d'Alger (l’Algiers Motel) où ils louent une chambre. Ils font la connaissance de deux jeunes femmes, prostituées occasionnelles, venues en vacances, Julie et Karen. Celles-ci leur font connaitre leurs amis et notamment Carl Cooper qui  improvisent un numéro d'intimidation d'un policer face à un "nègre". Carl Cooper tire un coup de feu sur ce dernier à al stupeur des autres. Mais ce n'est qu'un pistolet jouet, utilisé comme starter pour les courses.

A proximité d’une base réquisitionnée par l'armée, Melvin Dismukes, un garde privé noir de 26 ans assure la sécurité d'un magasin. Il voit la police s'en prendre à un jeune émeutier et intervient avant que cela ne dégénère s'attirant le mépris des pouciers et du jeune homme qui le considère comme un collaborateur. Melvin Dismukes s'en va porter du café aux soldats pour s'attirer leurs bonnes grâces.

C'est alors que, par bravade, Carl Cooper tire des coups de feu à blanc de son pistolet jouet sur els militaires qui s'affolent mais identifient rapidement le motel d'Alger comme à l'origine de ce qu'ils prennent pour une attaque. Armée gardes civils et policiers encerclent le motel d'Alger et font feu au hasard. Carl Cooper, affolé, dévale les escaliers. C'est alors que Krauss entre dans la maison et abat Carl dans le dos. Il place près de lui un couteau ouvert pour le disculper lorsqu'il plaidera la légitime défense. Bafouant toute procédure, Krauss, Flynn et Demens soumettent les dix clients de l’hôtel à un interrogatoire sadique pour extorquer leurs aveux. Ils sont victimes d'agressions verbales et de passages à tabac sous prétexte qu'au moins l'un d'entre eux avait une arme à feu. Les femmes sont insultées pour se prostituer avec des «nègres».

Krauss entame un 'jeu de la mort', choisissant de sortir un adolescent de l'alignement et faire semblant de le tuer dans une autre pièce afin d'effrayer les autres pour qu'ils parlent. Lee en est la première victime. Melvin Dismukes  regarde impuissant la violence policière se déchainer et entraine Lee à l'étage pour essayer de trouver l'arme que réclament les policiers, afin que tout le monde puisse s'en sortir vivant. Il revient bredouille et se contente de ramener cigarettes et bières aux trois policiers. L'adjudant Roberts finira par faire sortir Lee par une porte dérobée tout comme il aidera à faire fuir les deux jeunes femmes.  Les soldats et les gardes nationaux, pressentant que les droits civiques sont bafoués, se retirent.

Robert Greene, vétéran du Vietnam, est ensuite entrainé pour l'horrible jeu de la mort puis est accusé d'être un proxénète. Aubrey Pollard,  19 ans, est tué quand  Demens, sollicité lui aussi pour le jeu de la mort, ignorant qu'il s'agit d'un bluff, l'abat à bout portant. Du coup, Krauss et Flynn s'affolent et laissent partir leurs prisonniers en s'assurant par la menace qu'ils ne parleront pas. Fred Temple, 18 ans ne peut pas nier l'injustice et refuse d'ignorer le cadavre ensanglanté de Carl qui se trouve juste devant lui. Il est abattu froidement par Krauss

Les ambulances évacuent les victimes. Melvin Dismukes est interrogé par la police qui essaie de lui faire dire qu'il est celui qui a tué les trois adolescents et l'emprisonne.

La police des polices obtient néanmoins facilement les aveux de Demens puis ceux de Flynn; Seul Krauss reste muet en attendant son avocat

Un procès est organisé où les aveux de Demens et Flynn sont sont jugés irrecevables par le juge car considérés comme extorqués. Les trois policiers sont acquittés

Reed quitte les Dramatics et se tourne vers la musique d'église.

Un carton indique  que Krauss, Flynn et Demens ont été suspendus de la police et n'ont jamais été remis en service.

Le film raconte les événements du motel d'Alger, la nuit du  25 juillet 1967, au cours desquelles trois adolescents noirs - Aubrey Pollard, Carl Cooper et Fred Temple - ont été tués par les forces de l'ordre alors que sept autres hommes noirs, et deux jeunes femmes blanches, ont été battus et torturés. La réalisatrice Kathryn Bigelow et le scénariste Mark Boal incluent un carton à la fin de leur film avertissant que les événements restent controversés un demi-siècle plus tard.

Un solide fond documentaire

Après avoir entamé leurs recherches en 2014, Mark Boal et son équipe ont interviewé  des dizaines de participants aux émeutes, qu’il s’agisse d’habitants noirs de Detroit, de policiers ou de militaires. Grâce à ses six enquêteurs engagés à temps plein, encadrés par le journaliste de Detroit, David Zeman, lauréat du prix Pulitzer, la production a réuni des coupures de presse, des reportages radiophoniques et télévisés, des archives judiciaires, des PV d’investigations menées par le FBI et le ministère de la Justice, des témoignages de manifestants, des résultats d’enquêtes sociologiques, et d’autres documents qui n’avaient jamais été rendus publics par la police du Michigan.

Le scénariste a retrouvé la trace de Reed qui ne s’était pas exprimé publiquement sur ces événements depuis plusieurs dizaines d’années. Mark Boal a aussi réussi à rencontrer d’autres anciens clients de l’hôtel, traumatisés par ces violences effroyables et murés dans leur silence. Parmi les dizaines de récits individuels  qu’a dénichés Boal, l’histoire véridique de Larry Reed, leader du groupe The Dramatics, assure le fil rouge du film.

Tous les noms des personnages noirs ont été gardés. Tous accréditent la version du film. En revanche les noms des personnages blancs ont été transformés ainsi des policiers, auteurs des sévices qui s'appelaient Senak, Paille et August ou des deux jeunes filles ou de l'adjudant qui fait sortir Lee et les deux filles.

Un film d'horreur entre de courts prologue et épilogue

Avant de nous plonger au cœur des émeutes de Detroit, Kathryn Bigelow expose le contexte sociohistorique qui a alimenté les violences et la vie culturelle de la ville en 1967 avec l’œuvre du grand peintre noir Jacob Lawrence et sa série de panneaux sur la migration des Noirs Américains, la série des migrations. Cette série sensibilise le spectateur à la colère et au sentiment d’injustice qui couvaient depuis si longtemps et qui ont mené le pays à l’affrontement.

Le début du film intègre aussi des archives dans un montage porté par un sens du rythme et de l’espace très efficace. Néanmoins près des deux-tiers du film sont constitués par la traumatisante crise de racisme de Krauss. Le spectateur se voit imposer, certes visuellement seulement, les mêmes sévices que ceux subis par les douze hommes et femmes collés au mur.

Le court épilogue du procès, par son jugement inique, suscite une bienfaisante volonté d'en découdre aujourd'hui encore avec le racisme.

Jean-Luc Lacuve, le 25 octobre 2017

Bibliographie : What’s Fact and What’s Fiction in Detroit, par Aisha Harris sur Slate.com

 

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