Accueil Fonctionnement Mise en scène Réalisateurs Histoires du cinéma Ethétique Les genres Les thèmes Palmarès Beaux-arts

Monika

1953

Voir : Photogrammes

(Sommaren med Monika). Avec : Harriet Andersson (Monika), Lars Ekborg (Harry), John Harryson (Lelle), Georg Skarstedt (le père de Harry), Dagmar Ebbesen (la tante de Harry). 1h36.

La jeune Monika travaille dans un magasin d'alimentation de Stockholm. Dans le taudis où elle vit, affrontant quotidiennement un père ivrogne et une turbulente et bruyante marmaille, elle rêve au grand amour et à une vie de star par la lecture de magazines.

Un jour, elle rencontre dans un bar Harry, employé dans un magasin de verreries. Monika voudrait trouver refuge dans l'appartement petit-bourgeois d'Harry. Mais celui-ci redoute la venue de sa tante. En ce bel été, ils décident de passer la nuit dans un canot à moteur. Au petit matin, Harry arrive en retard à son travail; devant les reproches de son patron, il quitte son poste et part avec Monika pour l'une des nombreuses îles de la périphérie de Stockholm.

Vivant presque d'amour et d'eau fraîche, ils mènent une existence insouciante, idyllique qui se dégrade pourtant peu à peu en raison du manque d'argent. Monika essaie de voler de la nourriture dans la cave d'une riche villa, cependant sa tentative tourne mal; elle parvient malgré tout à échapper aux propriétaires, mais accuse Harry de lui avoir fait prendre de très gros risques. L'été s'achève. Enceinte, Monika a épousé Harry qui a retrouvé un emploi. Cette vie de " gagne-petit " ne lui convient pas. Fuyant ses responsabilités, Monika reprend son indépendance, laissant à Harry le soin d'élever leur enfant.

Jean-Luc Godard qui a le mieux saisi la singularité du Bergman de cette époque, écrit :

"Un film d'Ingmar Bergman, c'est, si l'on veut, un vingt-quatrième de seconde qui se métamorphose et s'étire pendant une heure et demie. C'est le monde entre deux battements de paupières, la tristesse entre deux battements de coeur, la joie de vivre entre deux battements de mains."

Ou encore : "Il faut avoir vu "Monika" rien que pour ces extraordinaires minutes où Harriet Andersson, avant de recoucher avec un type qu'elle avait plaqué, regarde fixement la caméra, ses yeux rieurs embués de désarroi, prenant le spectateur à témoin du mépris qu'elle a d'elle-même d'opter involontairement pour l'enfer contre le ciel. C'est le plan le plus triste de l'histoire du cinéma."

Ce plan de Monika, considéré à tort ou à raison comme le premier regard-caméra de l'histoire du cinéma, a en effet durablement impressionné les futurs metteurs en scène de la Nouvelle Vague, inaugurant ainsi une influence sur les cinéastes français qui ne s'est jamais démentie et qui traverse les générations successives passant par Jacques Doillon ou Philippe Garrel pour arriver jusqu'à Olivier Assayas ou Arnaud Desplechin.


Pour Alain Bergala, ce regard est fondateur du regard de discrimination des spectateurs entre eux. A chaque spectateur, Monika demande personnellement : "soit tu restes avec moi, soit tu me condamnes et tu restes avec mon gentil mari". Jusqu'à présent tout le monde adhérait au personnage de Monika : elle a pris toutes les initiatives alors que son compagnon est plutôt falot. Mais, cette fois-ci, elle veut quitter cet homme, petit bourgeois, gentil, travailleur et économe qui lui fait mener une vie qu'elle ne supporte pas plus que son ancienne condition de prolétaire. Elle n'aime pas son enfant. Elle décide de coucher avec le premier homme venu pour que la rupture soit définitive, qu'elle puisse quitter son mari et son enfant.

Chaque spectateur doit se décider et prendre un parti qui n'est pas celui de son voisin, de son ami ou de sa femme. Il ne s'agit pas d'une petite transgression mais d'une date fondatrice du cinéma moderne qui éprouve une phobie envers la direction du spectateur où tout le monde passerait en même temps par la même compréhension, la même émotion, où il n'y a pas de dysfonctionnement dans la gestion collective des spectateurs.

Le plan est prémédité. La lumière du jour provenant de la vitre du café est rendue avec des projecteurs. Bergman éteint progressivement cette lumière du jour pour ne garder qu'un rapport d'intimité avec Monika. Bergman est à la limite de l'obscène : l'actrice fait une passe avec le spectateur".

Bibliographie / Ressources internet :

critique du DVD
Editeur : Opening. 2006. VOST
critique du DVD

Edition double DVD avec Jeux d'été ou inclus dans le coffret Ingmar Bergman

Retour