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Les poings dans les poches

1965

(I pugni in tasca). Avec : Lou Castel (Alessandro), Paola Pitagora (Giulia), Marino Masé (Augusto), Liliana Gerace (La mère), Pier Luigi Troglio (Leone), Jeannie McNeil (Lucia), Irene Agnelli (Bruna). 1h45.

Dans une grande maison des Apennins de Piacenza, trois frères et une soeur vivent avec leur mère, une veuve âgée aveugle. Augusto, le frère aîné, est le seul à avoir une vie professionnelle et sociale: il est avocat, il a une petite amie, Lucia, voit des amis à Piacenza où il fréquente régulièrement une prostituée, Bruna.

Ses frères, par contre, ne quittent presque pas la maison. Leone, le frère ainé est defficient mental. Souffrant d’épilepsie, le jeune Alessandro s’est, petit à petit, enfermé dans son monde et pour se donner le sentiment de dominer son destin, souhaite détruire le carcan familial. Enfermé dans l'univers du foyer et de sa propre chambre, il nourrit des fantasmes morbides d'amour et de mort.

La sœur, Giulia, rêve de briser le couple d’Augusto et Lucia qui se justifie autant par une volonté de maintenir le statu quo familial que par un désir incestueux. Alessandro s'interroge sur le désastre de sa famille et ne voit qu'un moyen d'en finir : tuer tous ceux qui empêche Augusto d'etre libre, lui y compris.

Lors d'une visite au cimetière où il conduit la voiture familiale, Alessandro laisse une note avec ses aveux et part avec sa mère, sa sœur et son frère malade sur une route dominant une falaise. Au moment crucial, cependant, la voiture s’arrête et la famille rentre chez elle, comme à son habitude.

En réalité, la destruction n’est que différée: peu de temps après, Alessandro tue sa mère en la poussant dans un ravin. Lors des funérailles de sa mère, Alessandro avoue à Giulia qu'il l'a tuée. La sœur ne veut pas y croire avant que ne Leone meurt à son tour. Alessandro le noie dans la baignoire, après lui avoir administré une overdose. Giulia comprend alors la perversité d'Alessandro et n'intervient pas lorsque celui-ci meurt des suites d’une attaque épileptique.

analyse Dès la scène de repas initial, Bellocchio installe une athmosphère naturaliste. Les disputes puériles d’Alessandro et Giulia contrastent avec leur âge adulte. L’impotence physique de la mère (le chat venant manger dans son assiette) et psychique de Leone (faisant des bruits de bouche en mangeant comme une enfant) en font des figures perturbées. Augusto en patriarche de substitution fait ce qu’il peut mais rêve surtout de fuir cet environnement monstrueux. Alessandro, plus cruel et complexé par son épilepsie, voit dans les autres des obstacles à une existence meilleure.

Giula réconforte avec une tendresse déplacée les crises d’épilepsie d’Alessandro, et sa volonté de briser le couple d’Augusto et Lucia se justifie autant par une volonté de maintenir le statu quo familial que par un désir incestueux.

La maison, étouffante, étroite, engoncée de meubles et chargée du passé, est un lieu de cauchemar. Un équivalent de celle de The servant (Joseph Losey). Le monde originel se prolonge pour les protagonistes jusqu'aux extérieurs montagneux et la ville de Piacenza; ce qui en leur laisse aucune chance de salut. Le détachement absolument glacial des scènes de meurtres (jouant de la durée pour la mise en situation puis de l’ellipse pour l’exécution) n’en rend le film que plus suffocant.

Jean-Luc Lacuve, le 15 juin 2010.

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