Condamné à six ans de prison, Malik El Djebena ne sait ni lire, ni écrire. A son arrivée en Centrale, seul au monde, il paraît plus jeune, plus fragile que les autres détenus. Il a 19 ans.
D'emblée, il tombe sous la coupe d'un groupe de prisonniers
corses qui fait régner sa loi dans la prison. Le jeune homme apprend
vite. Au fil des "missions", il s'endurcit et gagne la confiance
des Corses.
Mais, très vite, Malik utilise toute son intelligence pour développer discrètement son propre réseau...
Lorsqu'au mi-temps du film, Malik se fait coincer par César qui lui enfonce une petite cuillère dans l'il, sa vision se trouble, surexposée au centre et dans l'ombre à la périphérie. L'effet dure quelques minutes et semble reprendre ce même effet constaté lors des premières images, avant que Malik n'arrive à la prison. On se prend alors à croire qu'Audiard va adapter si ce n'est son style du moins un style à sa vision d'auteur sur le milieu carcéral. Mais non, le film retourne à son scénario mécanique qui raconte l'ascension d'un gangster.
La glorieuse ascension d'un gangster
En plus de deux heures trente, Audiard fait la démonstration qu'en prison, un jeune "qui en a" et qui fait preuve d'intelligence (capacité à discerner et s'adapter) peut, de petite frappe, devenir un grand truand. La démonstration est vraisemblable et les scènes d'action haletantes.
Audiard utilise à fond la capacité du film de prison à rendre plus rapides, limpides et directes les interactions entre les personnages. La corruption des gardiens, lorsque le gang des Corses fait régner sa loi, explique qu'il n'y ait pas d'enquête poussée après l'assassinat de Reyeb ; la promiscuité des truands, ici du gitan, permet la mise en place de tous les trafics, le fait que les truands aient tous une grande famille qui à moment ou un autre passe en prison permet de trouver le moyen d'intimider l'Egyptien. En observant, Malik se place toujours du côté du plus fort... ce qui lui permet d'abandonner le plus faible dont il s'est servi.
...et c'est tout.
On regrettera pourtant qu'Audiard s'en tienne à cette seule démonstration, à cette seule illustration du scénario. La seule vision que semble avoir Audiard de son personnage consiste à prouver sa capacité à devenir de plus en plus fort.
Les effets de mise en scène ne servent alors qu'à illustrer des actions ou notations secondaires. Les envies de liberté, incarnée par la mouette du dessin-animé ou la biche du rêve puis de la pancarte, le goût pour la pureté qui lui est associé étant redoublées par la séquence des pieds dans l'eau à Marseille et le sable que Malik retrouve ou encore par la poster animalier du fils de Ryad. Les larmes de sa mère et la confiance de l'enfant qui dort dans ses bras touchent également Malik. Mais il ne s'agit là que d'annotations psychologiques, qui "humanisent" le personnage sans en révéler un début de profondeur. Malik est décidément trop fort, parvenant sans grande peine à se débarrasser du fantôme de Reyeb dont il s'est fait un ami.
Ni romantisme (Public enemies), ni névrose (Casino), ni philosophie (Le cercle rouge), rien ne vient jamais étoffer d'un peu d'harmoniques dissonantes ou mystérieuses ce film qui joue, tel le cinéma d'avant-guerre, sur son scénario et ses acteurs.
Jean-Luc Lacuve le 29/08/2009