Emily est la compagne, le mauvais génie dit-on, de Lee, un musicien rock en fin de carrière. Après une dispute, Emily s'en va seul consommer la dogue qu'elle vient d'acheter pour eux. Lee meurt seul d'overdose dans son hôtel. Elle est soupçonnée d'avoir provoqué sa mort mais n'est enfermée que six mois pour consommation de drogue et traitement à la méthadone. Jay, l'enfant qu'elle a eu avec Lee, est confié à la garde de ses grands-parents paternels qui s'en occupaient déjà.
Au sortir de prison, Albrecht, le grand-père, lui fait comprendre que lui et sa femme aimeraient mieux qu'elle ne revoit pas Jay avant longtemps. Dépendante des médicaments, sans le sous, accusée d'avoir détruit une star de rock, Emily a bien du mal à reconstruire sa vie à Paris.
Confrontée à la solitude Emily veut pourtant récupérer son fils. Sa situation ne s'arrange pas : elle échoue dans son retour à la télévision et doit se contenter d'une place de vendeuse au Printemps. Pourtant elle finit par gagner l'amitié d'Eléna, qui la loge, et surtout l'aide d'Albrecht, sensible à ses efforts pour affronter la réalité. Ne reste plus qu'a convaincre Jay qu'elle n'a pas tué son père. Celui-ci accepte les explications d'Emily et souhaiterait même partir à San Francisco avec elle, enregistrer le disque qui lui permettra de gagner sa vie sans trop de concession.
Comment convaincre le spectateur de sa sincérité lorsque l'on aborde le sujet aussi convenu que celui de la descente aux enfers suivie d'une remontée vers la lumière ? En d'autre terme comment apporter une vision neuve sur le sujet de la rédemption après L'aurore, Raging Bull ou La chambre du fils ?
Assayas c'est probablement posé la question lorsqu'il évoque en ces termes la quête d'Emily :
"Le sujet du film, c'est comment quitter cet univers mythifié, ce fantasme du mythe, pour revenir dans un monde aux émotions plus tangibles, plus universelles... C'est cela, la vraie drogue dont elle doit devenir clean. Elle va devoir apprendre à être elle-même. Il faudra renoncer au rôle qu'elle jouait dans ce petit théâtre qu'est la scène du rock indépendant (...) Elle se révèle à elle-même en se libérant de tout ce qu'on projette sur elle. J'ai voulu faire un film porté par la foi dans l'idée qu'on puisse changer. Aujourd'hui, on passe son temps à juger les gens au nom de leur passé, comme si la morale contemporaine interdisait qu'on puisse changer. Pourtant, le passage du temps ne fait que cela, nous transformer."
Ce message, irréprochable par ailleurs, est souvent lourdement assénné par Albrecht qui plombe souvent le film de sa toujours irréprochable philosophie.
Le film avait pourtant réussit à rendre formidablement crédible et séduisante la scène du rock indépendant. Entourant la dispute d'Emily et du producteur, deux chansons sont écoutées en entier lors du concert initial. L'univers industriel qui entoure la salle est filmé avec une maîtrise des séductions de la modernité assez proche de celle de Michelangelo Antonioni dans Blow-up. La scène de shoot face aux hauts fourneaux bordant la rivière Hudson relève de cette même esthétique de la stylisation qu'Assayas maîtrisait déjà parfaitement dans son précédent film Demonlover.
Lors du retour à Paris, Clean perd son originalité de mise en scène mais retrouve la densité romanesque de l'avant-dernier film du cinéaste, Les destinées sentimentales. Sont présentés toute une série de personnages que l'on va voir, quitter et revoir et qui tresseront des liens affectifs divers : aide de Jean-Pierre ou de la famille, amitié avec Eléna, détestation avec Irène, attirance étouffante de la part de Sandrine. Tout ce ballet de personnages gravite autour d'Emily qui n'aura plus qu'à attendre la mort de la grand-mère - dont la maladie est bien la trop grande rigidité- pour reconquérir son enfant.
La voie vers la liberté se dégage de manière autonome des univers des multiples personnages. Ceux-ci valent pour eux-mêmes et n'ont qu'un impact limité sur les choix d'Emily. Les choix de celle-ci sont justement de vrais choix car indépendant des chocs extérieurs qu'elle subit. Son licenciement du restaurant, l'échec de son retour à la télévision, le lâchage de Tricky, autant de faux espoirs qui la ramènent à une solitude profonde qu'elle surmonte par son obstination à renouer les contacts.
Quelques moments du film -les cadeaux pour le fils, le café dans la cafétéria du studio d'enregistrement, le plan final d'une nature réconciliée avec la modernité- évoquent le cinéma de Yasujiro Ozu où le changement, avec l'acceptation de la mort que cela suppose sont dans la vie même.
Le film est également porté par un humour froid très efficace (le discours cynique, doucement vachard du producteur face à Emily en prison sous méthadone, le personnage d'Irène) et par son actrice principale, Maggie Cheung, prix d'interprétation féminine à Cannes en 2004.
Neuf ans après Irma Vep, Olivier Assayas retrouve ainsi Maggie Cheung, qui fut sa compagne dans les années 90 :
"En fait, Maggie est une personne très connue et qu'on ne connaît pas du tout. Dans In the Mood for Love, elle incarne une femme chinoise classique, assez raide, avec un côté star dans le sens un peu kitsch du terme. C'est très bien, mais ce n'est pas du tout elle. Ce qui l'intéresse, c'est le cinéma dans un sens vif, humain, avec une modernité un peu nerveuse. C'est ce qu'elle cherchait en venant en Europe (...) Et puis il y a eu ce déclic très simple : la prendre, elle, comme modèle. Une femme entre plusieurs mondes, sans nationalité précise (...) Là-dessus, j'ai imaginé un canevas autour d'une femme qui sort de prison et veut retrouver son enfant. A partir de là, le film avait une évidence." L'actrice, quant à elle, reconnaît : "(...) je sais que jamais aucun metteur en scène ne m'aurait offert un tel rôle. On pourrait penser à moi pour interpréter une droguée, mais sous un angle tragique, dramatique, sentimental...".
Maggie Cheung interprète une morceau du groupe Mazzy star. L'actrice a déjà enregistré une chanson, Hélas, en duo avec Jeanne Balibar, sur l'album de cette dernière, Paramour, paru en 2003.
A l'origine, la musique de Clean devait être composée de différents morceaux écrits par plusieurs groupes et interprétés par Maggie Cheung. Ce projet, qui devait être coordonné par Tricky, n'a pas abouti, et le cinéaste a finalement choisi d'intégrer des morceaux de Brian Eno, son idole de toujours.