Julieta, la cinquantaine, s’apprête à quitter définitivement Madrid pour suivre son nouveau compagnon, Lorenzo, au Portugal. La veille du départ, une rencontre fortuite avec Bea, l’amie d’enfance de sa fille Antía la pousse à changer ses projets. Bea lui apprend qu’elle a croisé Antía une semaine plus tôt au lac de Côme et lui révèle qu'elle est mariée et a trois enfants. Julieta se met alors à nourrir l’espoir de retrouvailles avec sa fille qu’elle n’a pas vu depuis douze ans.
Julieta rompt avec Lorenzo et décide de louer un appartement dans le même immeuble qu'elle habitait autrefois avec sa fille, dans l'espoir qu'Antía lui envoie une lettre. Elle cherche aussi un temps à identifier sa fille parmi les passantes accompagnées de jeunes enfants puis décide de lui écrire tout ce qu’elle a gardé secret depuis toujours.
Julieta rencontra le père d'Antía dans un train. Non pas cet homme au regard bizarre qui l'indisposa mais le jeune pêcheur qu'elle rencontra au bar du train pour fuir cet importun. Xoan était pêcheur de Galice et veillait depuis cinq ans sa femme dans le coma. Après un court arrêt en gare, le train s'arrêta brutalement car l'homme au regard étrange s'était suicidé. Julieta en éprouve de la culpabilité mais Xoan la persuada que son refus de lui parler n'avait en rien contribué à ce suicide décidé depuis longtemps. La nuit dans le train Julieta et Xoan font l'amour passionnément.
Julieta est professeur de lettres classiques dans un lycée où elle enseigne notamment la différence entre Thalassa ou Pontos, la mer calme et généreuse qui donne à manger ou la haute mer de l'aventure. Alors que son contrat de remplaçante se termine, elle reçoit une lettre de Xoan l'invitant chez lui.
Elle s'y rend mais apprend de Marian, la gouvernante revêche, que la femme de Xoan est morte depuis trois jours et que Xoan est chez sa maitresse et qu'il est donc inutile de l'attendre. Marian se propose de la raccompagner au car du soir. Julieta n'en fait rien et, quand Xoan rentre le soir, ils font l'amour. Jour après jour, leurs liens sexuels et affectifs deviennent plus forts. Julieta n'ose avouer à Xoan qu'elle est enceinte depuis leur nuit dans le train mais Ava, leur amie sculptrice, la rassure. En effet, Xoan est heureux de cette naissance.
Julieta consacre son temps à l'éducation d'Antía. Pour ses deux ans, elle rend de nouveau visite à ses parents en Andalousie. Son père est amoureux de la jeune aide-ménagère immigrée chargée de servir de garde-malade à leur mère, atteinte d'Alzheimer. Anita désapprouve cette liaison et la juge néfaste à la santé de sa mère.
Antía a grandi. Elle doit partir en colonie mais elle préférerait rester auprès de son père à pêcher en mer. Julieta a décidé de ne plus employer Marian qui a atteint l'âge de la retraite mais se montre trop intrusive. Elle ne peut ainsi s'empêcher de partir avec le survêtement de Xoan et de laisser entendre à Julieta que si elle reprend son travail alors " ça recommencera" sous-entendant par là que son mari reprendra sa liaison avec Ava. Juliette en est ébranlée et fait une scène à Xoan. Celui-ci avoue cette relation ancienne mais affirme son amour exclusif envers sa femme et sa fille. Triste et songeuse, Julieta quitte la maison et Xoan, en dépit de la mer houleuse, décide de partir pêcher. Julieta rentre bientôt alors que la tempête se déchaine. Mais Xoan tarde, ne rentre pas ; la télévision lui apprend sa mort. Déchiqueté par la mer, Julieta ne reconnait le corps de Xoan que grâce au tatouage d'amour envers sa femme et sa fille qu'il portait à l'épaule.
C'est à Madrid que Julieta annonce la mort de son père à Antía. Celle-ci toute à sa passion pour Béa, sa nouvelle amie, le prend plutôt bien. Et c'est elle qui aide sa mère à sortir de sa dépression. Elle la convainc de louer un appartement à côté de celui de Bea. Les années passent et à 18 ans Antía annonce son envie d'une retraite spirituelle dans les Pyrénées. Lorsque Juliette vient la chercher, elle apprend qu'Antía a décidé de rompre les liens entre elles. Pendant trois ans, Julieta attend des nouvelles et ne reçoit qu'une carte d'anniversaire pour le premier d'entre eux, celui des dix-neuf ans. Elle jette ensuite rituellement le gâteau d'anniversaire acheté pour des retrouvailles qui ne viennent pas. Elle se décide enfin à changer de quartier. A ce moment là, Ava est atteinte par la dernière phase de sa sclérose en plaque. En lui rendant visite à l'hôpital, Julieta fait la connaissance de Lorenzo Gentile, son ami qui écrit des livres sur sa sculpture. Ava lui apprend aussi la raison de la fuite d'Antia. Marian lui avait révélé la dispute entre eux au sujet d'Ava et la décision de Xoan de partir sur une mer houleuse.
A la mort d'Ava, Julieta rencontre de nouveau Lorenzo qui lui fait la cour. Ils deviennent amant et Julieta s'apprêtait à le suivre au Portugal. Julieta termine son journal et est bien conscience qu'avoir replongé dans la quête de sa fille va la détruire aussi surement qu'un junkie qui a renoncé une première fois à la drogue se détruit en replongeant. Jour après jour, sa santé se détériore et Bea, qu'elle croise sur le terrain de sport de leur enfance, a du mal à la reconnaitre. Bea lui avoue qu'Antía allait bien mal et paraissait fanatisée.
Julieta erre comme une somnambule et se fait accrocher par une automobile. C'est Lorenzo qui l'accompagne à l'hôpital. Cette fois, Julieta renonce à se détruire davantage et demande à Lorenzo, qui est passé chez elle chercher des affaires, de détruire son journal quand il l'aura lu. Mais Lorenzo a ramené une lettre de chez elle. C'est enfin le message d'espoir reçu au bout du tunnel. Alors que pour la seconde fois, elle n'y croyait plus, Julieta reçoit enfin la lettre tant attendue de sa fille lui donnant son adresse. C'est pour un événement tragique, la mort de son petit garçon de neuf ans, noyé dans la rivière. Mais, Lorenzo qui l'accompagne vers la Suisse en est persuadé, c'est une lettre qui ouvre la porte à la réconciliation.
Adapté de Hasard, Bientôt et Silence, trois nouvelles de la canadienne Alice Munro extraites de son recueil Fugitives, Julieta explore les thèmes de l'incompréhension entre générations et de la culpabilité. Comme d'habitude chez Almodovar, au bout du tunnel viendra l'éclaircie réconciliatrice. Entre-temps, c'est un parcours de souffrances et de malheurs qu'aura traversé Julieta durant 35 ans, du début des années 1980 à 2015.
Mélodrame de la culpabilité
La culpabilité est la thématique majeure. Julieta souffre d'avoir laissé sans attention l'homme du train qui allait se suicider, d'avoir laissé partir son mari en mer alors qu'elle était houleuse pour s'être disputé avec lui, de ne pas avoir été capable de parler avec sa fille.
Cette culpabilité s'accroit de génération en génération semblant impossible à annihiler. Julieta ne comprend pas son père d'avoir refait sa vie avec la jeune aide-ménagère immigrée. Ce manque de générosité est plus terrible encore de la part de sa fille. Antia considère tous les proches de son père, elle y-compris comme responsables et coupables de sa mort. La musique ne cesse d'accentuer cette permanence du malheur qui pèse sur les personnages. Le mélodrame fait s'affronter les couleurs. Le rouge qui palpite de scène en scène (le vêtement de Julieta qui ondoie au générique, la banquette du train, ses boucles d'oreilles en forme de dés, le tatouage J/A sur l'épaule de Xoan) et le bleu profond de la haute mer ou du pull de Julieta jeune. L'orange du mur du terrain de sport où joue sa fille jeune se lézarde lorsqu'elle retrouve Béa douze ans après.
Une écriture simplifiée
Si le film relève bien du mélodrame avec la note finale souvent libératrice de l'auteur, l'écriture se fait toutefois plus sobre avec un seul flash-back et un entrelacement de références moins dense que dans les précédents films d'Almodovar.
Marian, ange noir du malheur, jalouse, décourage les prétendantes et garde le survêtement de Xoan est une sorte de Mrs. Danvers venue de Rebecca (Alfred Hitchcock, 1940) tout comme on pourra voir dans les plans unissant Julieta à sa mère ou Julieta à sa fille une référence possible à Persona (Ingmar Bergman, 1966). Quand Antía s'occupe de sa mère une étape est franchie, l'actrice dont le visage sort de la serviette a désormais 50 ans contre vingt auparavant. Les références picturales sont à peine plus nombreuses : autoportrait de Lucian Freud, toile de Richard Serra, et sculptures de Miquel Navarro, petites statues en bronze patinées façon terre cuite, à la tête cubiste, et au pénis coupé.
Jean-Luc Lacuve le 21/05/2016.