Hannah et ses soeurs

Elliot est marié depuis quatre ans avec Hannah, comédienne à succès, une épouse parfaite, fin cordon bleu, qui reçoit la famille chaque année lors du Thanksgiving, et cela, à la perfection. Mais il ne peut s'empêcher de désirer Lee, l'une des sœurs d'Hannah, qui vit avec un peintre austère, Frederick, son ancien professeur à la faculté et fréquente les Alcooliques anonymes. Holly, l'aînée, est la plus malchanceuse. Comédienne ratée, elle aime la cocaïne et les chips de crevettes. Elle accumule aussi les échecs sentimentaux, se faisant devancer par April, sa colocatrice, quand un bel architecte, sans doute mythomane, les courtise.

Leur mère, Norma, ancienne comédienne toujours plus ou moins alcoolisée savoure encore de rares moments de bonheur avec leur père lorsqu'il l'accompagne au piano.

Mais c'est certainement Mickey le plus déprimé de tous. Producteur d'émissions de radio, il est hypocondriaque et songe au pire lorsque surgit le moindre bobo... En tant qu'ex-mari d'Hannah, il fait un peu partie de la famille. Leur bonheur fut de courte durée ; Mickey, déclaré stérile par les hautes instances de la Médecine, le divorce devenait inévitable. Pourtant, il ne peut totalement oublier Hannah.

Lee quitte Frederick après avoir cédé aux avances d'Elliot. Elle attend qu'il divorce d'avec sa sœur, mais Elliot ne peut se résigner à abandonner une perle comme Hannah.

De son côté, Hannah aimerait que Mickey et Holly se rencontrent. C'est cependant un échec. Leurs goûts sont diamétralement opposés. Holly se sent de plus en plus paumée. Mickey, afin d'oublier ses déboires terrestres, est en quête d'un Dieu... Pourtant ils se retrouvent un jour par hasard et apprennent à mieux se connaître.

C'est à nouveau le Thanksgiving auquel participe bien sûr toute la famille. Ce soir-là, Holly apprend à Mickey que les médecins se sont trompés dans leur diagnostic et qu'il va bientôt être papa !

 Les sœurs se complètent : entre Hannah, inquiétante de normalité, et Holly toujours border line, Lee est un miracle d'équilibre : belle, intelligente, elle se construit peu à peu, en quittant au bon moment un mari qui ne lui permet plus de s'épanouir, en mettant fin à une liaison impossible, en s'émancipant sans bruit. le film se termine très bien pour tout le monde : Elliot s'est convaincu quil aimait Hannah, Holly s'est marié avec son jeune professeur d'université. Mickey, marié à Holly,est sorti de sa névrose : "Le cœur a beaucoup de ressorts pour un si petit muscle" dit-il avant même de savoir qu'il est papa et de terminer le film par un baiser dans la plus pure tradition hollywoodienne. L'optimisme du film contribuera pour beaucoup à en faire le plus garnd succès public du cinéaste.

Mickey explique à Holly sa crise mystique du mois précédent et comment il s'en est sorti, notamment grâce au cinéma :

"Dans un univers sans Dieu, je ne pouvais pas continuer à vivre; j'ai a appuyé le canon du fusil contre son front pensant me suicider. Mais j'ai pensé : mais si je me trompe, si Dieu existe. C'est vrai après tout, personne n'en savait vraiment rien. Et après, j'ai pensé non, tu vois, les "peut-être" ce n'est pas suffisant. Je veux une certitude ou rien. Je me souviens très bien du tic-tac de la pendule; j'étais là, assis, figé, le fusil contre mon front à me demander si oui ou non j'allais tirer. Puis soudain le coup est parti. J'étais tellement tendu que mon doigt avait appuyé sur la gâchette par inadvertance et comme j'avais transpiré à grosses gouttes, le fusil avait glissé et je m'étais manqué.

Après avoir marché, Mickey entre dans un cinéma et voit Soupe au canard, ll se demande alors : mais comment as-tu pu avoir l'idée même de te tuer. C'est vrai, c'est complètement idiot : regarde tous ces gens là-haut sur l'écran; mais regarde ce qu'ils font; ils sont vraiment drôle et si le pire était vrai si dieu n'existait pas; on ferait juste un petit tour de piste point final; Et quand même, est-ce que tu n'aurais pas envie de vivre cette expérience ? Apres tout, tout n'est pas si moche. Alors je me suis dit : il serait temps que j'arrête de me gâcher la vie et chercher des réponses que je ne trouverai jamais et que j'en profite le temps que ça dure. Et après qui sait, bref je ne sais pas; il y a peut-être quelque chose. Personne n'en sait rein. Les "peut-être" sont un très mince roseau auquel on peut accrocher toute une vie mais on n'a pas mieux. A la suite de quoi, je me suis détendu dans mon fauteuil et j'ai commencé à en profiter pour de bon."

Jean-Luc Lacuve, le 17 décembre 2019